Construction de la relation et coordination de l action dans la conversation - article ; n°2 ; vol.8, pg 253-288
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Construction de la relation et coordination de l'action dans la conversation - article ; n°2 ; vol.8, pg 253-288

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Description

Réseaux - Année 1990 - Volume 8 - Numéro 2 - Pages 253-288
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louis Quéré
Construction de la relation et coordination de l'action dans la
conversation
In: Réseaux, 1990, Hors Série 8 n°2. pp. 253-288.
Citer ce document / Cite this document :
Quéré Louis. Construction de la relation et coordination de l'action dans la conversation. In: Réseaux, 1990, Hors Série 8 n°2.
pp. 253-288.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0984-5372_1990_hos_8_2_3561CONSTRUCTION DE LA RELATION
ET COORDINATION DE Lf ACTION DANS
LA CONVERSATION
Louis Quéré
CNRS-EHESS
Spontanément nous envisageons les relations sociales comme des
états de choses existant en soi, indépendants des pratiques des acteurs,
exerçant par eux-mêmes des contraintes ou des effets de structuration
sur les conduites, les représentations, les attitudes ou les aspirations.
Par ailleurs, nous sommes à tout instant en mesure de procéder à des
distinctions et à des classements sur ces relations. Nous savons
spécifier le lien social qui unit des personnes déterminées, reconnaître
les caractères de régularité et de concordance de leurs rapports, et
évaluer la « normalité » des activités que ceux-ci occasionnent en
fonction d'attentes normatives que nous nourrissons à l'égard des
différentes catégories de relations. Enfin, en tant qu'acteurs, nous
savons spontanément moduler notre participation aux interactions
dans lesquelles nous nous trouvons engagés, et instaurer pratiquement
avec nos partenaires la forme d'association qui est appropriée à l'état
de la relation sociale existant entre nous.
Ce point de vue « naturel » (au sens phénoménologique du terme)
sur les relations sociales, cette capacité d'ordonner un rapport de
coexistence en vue d'une activité commune, et cette compétence à
catégoriser les liens qui existent ou s'instaurent entre personnes, et à
(C) Louis Quéré 254 Construction de la relation
associer aux différentes catégories de liens des attitudes, des
comportements et des activités considérés comme « normaux »,
« naturels », méritent l'attention du sociologue. Ils peuvent constituer
pour lui des objets d'investigation intéressants. Encore faut-il qu'il
dispose d'un point de vue analytique qui permette de les traiter comme
des phénomènes en soi.
Je voudrais ici prendre appui sur certains développements récents
de l'analyse et de la théorie sociologiques - l'ethnométhodologie, de conversation, Goffman, Habermas - pour ébaucher, à
partir de données conversationnelles, une étude du mode de
production de relations sociales ordonnées dans l'interaction. Deux
problèmes retiendront plus particulièrement mon attention : comment
articuler une approche de la relation sociale d'un point de vue
d'analyse de l'action avec une approche en termes de connaissance
mutuelle et de lien social ? Comment rendre compte du fait que la
relation sociale soit à la fois un état préexistant aux interactions,
servant à les « formater » (donc une ressource), et le résultat d'un
travail interacu'onnel de configuration d'une association (donc un
accomplissement) ?
Aperçu sur l'état d'élucidation du problème
La nécessité d'ordonner la relation
La problématique adoptée s'inspire de la perspective introduite par
l'ethnométhodologie pour analyser les pratiques sociales. Gros
sièrement définie, elle consiste à aborder la construction de la relation
sociale en termes de production locale d'ordre dans le cadre de
l'organisation endogène des activités pratiques de la vie courante. Le
point de départ est l'idée que toute interaction est un processus
d'association momentanée de personnes qui ont à gérer le type de
coprésence qu'engendre leur contact ou leur rencontre, et que cette
association se constitue dans l'interaction elle-même, en tant que
produit d'une activité organisante, sous la forme d'une relation
ordonnée. En effet, quand des agents entrent en contact, il leur faut
immédiatement spécifier une perspective commune pour organiser
leur coexistence temporaire. Ils ont à déterminer conjointement un
point de vue pour configurer et coordonner leurs actions réciproques.
Ils ont à définir le mode sur lequel ils vont momentanément se Louis Quéré 255
rapporter les uns aux autres et se rapporter au monde. Il leur faut enfin
réorganiser cet espace de coexistence au fur et à mesure du
développement de l'interaction. De ce point de vue, toute interaction
est, comme dit Maturana, un processus de « coordination consensuelle
de coordinations consensuelles d'actions » (Maturana, 1990).
De plus, ce que des partenaires vont faire ensemble dans une
interaction n'est jamais complètement déterminé à l'avance, quelle que
soit la précision de leurs intentions respectives ou de leurs
programmes d'action. Ils ont à construire in situ, dans leurs pratiques
et par leurs opérations, le théâtre de leurs actions réciproques ainsi que
l'identité et l'objectivité des contributions respectives qu'ils enchainent
les unes aux autres dans ce cadre. C'est ce travail continu de
construction intersubjective qui sous-tend la coordination de l'action.
Enfin, bien que l'interaction s'établisse entre des personnes
normalement déjà pourvues d'une identité personnelle et sociale, il
reste que la relation ne s'établit pas entre des sujets aux identités
complètement prédéterminées ; la qualité de sujet et l'identité sont
aussi pour une part des construits interactionnels ; elles sont fonction
de la relation instaurée.
Dans cette problématique, l'analyse du mode de construction
intersubjective de la relation sociale représente un enjeu important
dans l'étude des interactions : cette construction est au coeur de la
constitution de Г« espace public » dans lequel les agents découvrent
ce qu'ils peuvent et doivent faire les uns par rapport aux autres. Le
point de vue analytique proposé consiste à considérer que cette
construction continue de la relation est partie intégrante de
l'organisation concertée des activités pratiques (et donc des
conversations), qu'elle est un phénomène de production inter-
actionnelle d'ordre, que cet ordre est rendu mutuellement sensible et
visible dans l'espace de l'interaction, et que cette d'ordre
rend possibles des opérations qui orientent, circonstancient,
temporalisent la configuration de positions qui structure la
coprésence.
On sait que l'ethnométhodologie recommande de rapporter les
propriétés formelles et les traits observables et descriptibles des
phénomènes sociaux à leur accomplissement en situation. Cette
recommandation vaut aussi pour l'étude des relations sociales. Entre
autres conséquences, elle a la suivante : il convient de considérer que
lorsque des partenaires identifient et catégorisent verbalement les 256 Construction de la relation
relations qu'ils ont entre eux ou celles qu'ils attribuent à des personnes
tierces, ils sont dépendants - d'une dépendance qu'ils ignorent et
exploitent à la fois - d'une production endogène d'ordre sensible dans
le domaine de l'organisation pratique de leurs interactions. En effet, la
configuration interactionnelle d'une relation entre des personnes munit
celle-ci d'un ordre identifiant, qui la rend reconnaissable et
descriptible non seulement comme étant telle ou telle, mais aussi
comme étant à la fois cette relation particulière là (quiddité) et une
relation typique, régulière et reproductible. Cette configuration est
interactionnelle, car elle se fait simultanément sur le plan de la
production (l'agent compose son rapport à l'autre et donne à
reconnaître une figure) et sur celui de la réception (le destinataire
schématise, interprète, ratifie ou conteste). Elle relève d'une activité
qui mobilise un arrière-plan de savoirs, de savoir-faire, de capacités,
et d'attentes normatives réciproques.
Maintenant, une perspective praxéologique appliquée à l'étude des
relations sociales reste pour l'essentiel à développer. En effet, l'analyse
de l'organisation des activités pratiques en termes de production
endogène d'ordre, procédant d'un

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