De la raison d être du journaliste - article ; n°1 ; vol.98, pg 62-75
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Communication et langages - Année 1993 - Volume 98 - Numéro 1 - Pages 62-75
Le désordre mondial est accompagné d'un désordre du monde de l'information. Le citoyen est devenu consommateur, l'information est devenue spectacle. Dans l'article ci-dessous, Michel Mathien, professeur à l'université Robert Schuman de Strasbourg, repère les dérives historiques, analyse les conséquences de ces dérives. Et le journalisme, et le journaliste dans cette évolution. Que sont-ils? Que peuvent-ils? Un élément constitutif de la vie démocratique moderne est en cause.
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Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Michel Mathien
De la raison d'être du journaliste
In: Communication et langages. N°98, 4ème trimestre 1993. pp. 62-75.
Résumé
Le désordre mondial est accompagné d'un désordre du monde de l'information. Le citoyen est devenu consommateur,
l'information est devenue spectacle. Dans l'article ci-dessous, Michel Mathien, professeur à l'université Robert Schuman de
Strasbourg, repère les dérives historiques, analyse les conséquences de ces dérives. Et le journalisme, et le journaliste dans
cette évolution. Que sont-ils? Que peuvent-ils? Un élément constitutif de la vie démocratique moderne est en cause.
Citer ce document / Cite this document :
Mathien Michel. De la raison d'être du journaliste. In: Communication et langages. N°98, 4ème trimestre 1993. pp. 62-75.
doi : 10.3406/colan.1993.2477
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1993_num_98_1_2477De la raison d'être
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tés occidentales. En particulier de la télévision. Depuis, bien
d'autres événements révélateurs n'ont fait que croître en
nombre, au point d'entamer sérieusement la confiance à l'égard
de l'information diffusée par les médias de masse et de ceux qui
en ont fait leur métier, les journalistes.
LE TROUBLE DES RAPPORTS MÉDIAS/SOCIÉTÉ
Face aux jeux plus ou moins troubles des acteurs de l'actualité
(dont les médias sont plus que jamais partie prenante), les pra
tiques de l'information relèvent-elles encore de ces profession
nels? Vu le rôle démesuré que l'on fait jouer à l'information de
masse dans la mise en spectacle du monde, incluant la mise en
spectacle des médias eux-mêmes, avec leurs lots de manipulat
ions ou de supercheries, le public est fondé à s'interroger.
À partir de cette période cristallisatrice de bien des réalités nou
velles de la communication de masse, les questions soulevées
.1 en matière d'information générale et politique ont pris une
dimension universelle telle que l'édition, la presse, l'audiovisuel,
1 la recherche mais aussi, et dans une certaine mesure, les usa
gers des médias, ne manquent plus d'en débattre. Les effets de
ces deux événements de référence ont dépassé, et de loin, les 1 De la raison d'être du journaliste 63
crises paroxystiques causées sur le terrain à l'époque par les
acteurs directement en cause. La présentation de l'information,
les réactions sur les contenus, les comportements de certaines
chaînes de télévision et de journalistes ont suscité de nom
breuses réflexions qui, jusque-là, ne s'étalaient guère sur la
place publique. Au contraire, elles étaient restées bien confinées
dans les microcosmes spécialisés, ceux des acteurs de la vie
politique, économique ou culturelle en lien avec les activités des
médias dans des rapports de plus ou moins grande connivence.
Pour les chercheurs en sciences sociales ou politiques, un tel
sujet est, pourtant, loin d'être épuisé, même s'il peut paraître à
certains comme passé de mode. Les enjeux ou les risques qu'il
soulève sur les rapports entre la société, ou plus précisément le
système social et l'information délivrée par les moyens de com
munication sont autant d'interrogations sur l'avenir de la société
de communication dont on parle tant.
UN MALAISE QUI PERDURE
Jamais, depuis ces événements phares de la critique médiat
ique, on a autant parlé de déontologie du journalisme et
d'éthique de l'information, de la nécessité éventuelle de modifier
la législation sur la presse, de créer une instance de régulation
de la profession ou des médias... Propositions qui, ce n'est plus
la peine de le cacher, sont les signes d'un malaise qui perdure
d'autant plus que les « affaires » de dysfonctionnement de
l'information médiatisée n'ont fait que se multiplier sur la place
publique. Les sondages, occasionnels ou réguliers, que nous
connaissons, en France en tout cas, ne sont guère en faveur du
crédit de la profession1. Ceci malgré la reconnaissance crois
sante du fait que les journalistes ne sont plus les artisans d'une
quasi-profession libérale, mais des acteurs de l'information
dépendants de contraintes propres aux médias qui les emploient
et de la concurrence qui s'est développée entre eux. Les doutes
exprimés par ces sondages - qu'on les critique à plus ou moins
bon escient importe peu désormais - posent, au-delà du pro
blème de la crédibilité d'un métier, celui de la confiance qui va de
soi « quand on vit ensemble » et dont on parle finalement très
peu tant elle est implicite. Pourtant, cette confiance conditionne
1 . Cf. les sondages annuels de la Sofres pour La Croix et Médiaspouvoirs (depuis 1 987).
Une synthèse en est donnée dans notre ouvrage Les journalistes et le système médiat
ique, Hachette, Paris, 1992, pp. 279 ss. 64 Déontologie
largement la vie sociale en tant que telle, ou le mouvement de
socialisation supposé constant qui fait qu'un individu accepte de
vivre avec autrui sur des a priori ou présupposés relationnels,
comportementaux, et des croyances plus ou moins mystiques
ou sentimentales de l'homme en l'homme. Or, sur fond de vie
quotidienne, ce métier participe du processus général de la
confiance collective de par la force de son objet social, l'informat
ion. C'est ce qui semble encore le sauver et le justifier sociale
ment, indépendamment du discours traditionnel fondé sur la
conquête des libertés individuelles et de défense d'un régime
politique spécifique établi de longue lutte, la démocratie.
INFORMATION DU CITOYEN... OU DU SPECTATEUR?
Dans cette perspective, on hésite d'ailleurs beaucoup de nos
jours à ajouter au mot « information » le complément de
« citoyen » comme cela semblait aller de soi pendant longtemps.
On a cru, et l'on croit encore, dans une moindre mesure certes,
aux fonctions de formation et d'éducation des médias sur ce
point2. L'information du citoyen découlait du projet de la
« société des égaux »3. Or, la phase de révélation, qu'a été la
conjoncture que nous avons rappelée, est symptomatique d'une
évolution caractéristique de la raison d'être des médias. Le mot
pertinent désignant le destinataire de l'information n'est plus
celui de « citoyen » mais de « spectateur »... De téléspectateur
tout d'abord, mais de spectateur en général car il s'agit désor
mais d'une vaste entreprise de distraction. Des situations dra
matiques (se faire peur à peu de risques...) alternent avec des
situations comiques dans les mises en scène des chaînes. À
partir de ces événements phares, certaines chaînes ont découv
ert les « vertus » du spectacle continu, avec ses talk-shows où
spécialistes et experts ont ajouté à la dramatisation ou à
cg l'outrance même s'ils n'avaient rien à exprimer. Jamais le prin-
w cipe selon lequel « il est difficile de se taire quand on n'a rien à
o> dire » n'a trouvé autant sa pertinence dans le fonctionnement
g> des médias4.
§ 2. Cf. Le Monde du 15 juin 1993, « Un entretien avec René Rémond : la démocratie
'■^ appelle une éducation » , page « Débats » .
.y 3. Cf. le dernier ouvrage de Pierre Rosanvallon, Le Sacre du citoyen. Histoire du suf-
§ frage universel en France, Gallimard, Paris

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