De la reformasi à la restauration ? Quand le passé sert à relire le présent - article ; n°1 ; vol.64, pg 59-80
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Archipel - Année 2002 - Volume 64 - Numéro 1 - Pages 59-80
François Raillon
The coming to power of Soekarno's daughter, Megawati, in July 2001, marked a new stage in Indonesia's era of reformation. A two-pronged process occurred : while Soekarnoism was mobilized as an ideology meant to help maintain the country's unity and independence, elements of Soeharto's New Order were brought back to power to restore stability. Associates of the former president and authoritarian ways that recalled his regime were reestablished, among them a freer hand was given to the military. This double restoration taking place under Megawati's auspices has been an attempt to overcome what is felt as a multidimensional crisis of a troubled nation, at the same time reining in reformation. The author explores discrepancies between political discourse and practice, and examines Megawati's behavior as well as responses of public opinion to it, as reported by the Indonesian press.
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur François Raillon
De la reformasi à la restauration ? Quand le passé sert à relire
le présent
In: Archipel. Volume 64, 2002. pp. 59-80.
Abstract
François Raillon
The coming to power of Soekarno's daughter, Megawati, in July 2001, marked a new stage in Indonesia's era of reformation. A
two-pronged process occurred : while Soekarnoism was mobilized as an ideology meant to help maintain the country's unity and
independence, elements of Soeharto's New Order were brought back to power to restore stability. Associates of the former
president and authoritarian ways that recalled his regime were reestablished, among them a freer hand was given to the military.
This double restoration taking place under Megawati's auspices has been an attempt to overcome what is felt as a
multidimensional crisis of a troubled nation, at the same time reining in reformation. The author explores discrepancies between
political discourse and practice, and examines Megawati's behavior as well as responses of public opinion to it, as reported by
the Indonesian press.
Citer ce document / Cite this document :
Raillon François. De la reformasi à la restauration ? Quand le passé sert à relire le présent. In: Archipel. Volume 64, 2002. pp.
59-80.
doi : 10.3406/arch.2002.3724
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_2002_num_64_1_3724François Raillon
De la reformasi à la restauration ?
Quand le passé sert à relire le présent
Le 23 juillet 2001, Megawati Soekarnoputri est arrivée au pouvoir, après
trois ans de reformasi. Symbole de la résistance à l'Ordre nouveau, héroïne
du mouvement populaire, elle a été portée à la fonction suprême avec l'appui
paradoxal de l'armée et de ceux-là mêmes qui l'avaient naguère combattue.
L'ambiguïté de l'événement a brouillé sa lecture par les contemporains :
s'agissait-il d'une reprise du processus des réformes, en panne depuis la
paralysie qui avait frappé la présidence Wahid, ou bien d'une stabilisation
politique doublée d'un arrêt du réformisme? Contrastant avec l'enthousias
me qui avait marqué l'élection de Wahid en 1999, la relative froideur qui a
entouré l'avènement de la nouvelle présidente a signalé la désillusion de
l'opinion face à la reformasi.
Pourtant, peu avant l'élection de Megawati, le souvenir de son père,
Soekarno, avait atteint un nouveau sommet. La recrudescence du mythe du
fondateur de la république s'était transformée en apothéose lors du centenai
re de sa naissance, en juin 2001, et avait donné lieu à une explosion sponta
née - ou plus probablement orchestrée - de la légende dorée du premier pré
sident. Au moment où Soekarno aurait eu cent ansO), l'Indonésie était au
plus profond du doute, et cherchait ses repères, « désespérément » (2). Au
1. Né le 6 juin 1901 à Surabaya, Soekarno est décédé à Jakarta le 21 juin 1970, assigné à rés
idence par le régime du général Soeharto. Celui-ci avait pris le pouvoir au lendemain du coup
d'État du 30 septembre 1965 qui avait marqué le début de la fin du pouvoir de Soekarno.
2. Pour reprendre le titre du livre de Kees Van Dijk, A country in despair. Indonesia between
1997 and 2000, Leiden, KITLV Press, 2001, 621 p.
Archipel 64, Paris, 2002, pp. 59-80 60 François Raillon
milieu des incertitudes entourant la reformasi, l'opinion était tentée par un
retour en arrière. Cette tentation régressive a pris depuis les allures d'une
restauration (3), ou encore d'une réinterprétation d'un présent désagréable à la
lumière d'un passé magnifié. Le registre soekarnoïste a alimenté les essais
de contoumement de la conjoncture par la mise à disposition d'un répertoire
de rechange ou d'un outil de réinterprétation.
Les mouvements divers qui agitent l'opinion à la faveur de l'avènement
de la fille de Soekarno intriguent l'observateur. S'agit-il d'une contre-réfor
me, du rétablissement insidieux du statu quo ante ? Est-ce la tentative légit
ime de reconstruire le pays (l'État, qu'il faudrait restaurer - ici la restauration
serait une réparation, une remise en forme) ? Ou a-t-on plutôt affaire à la
mise en place d'un avatar du soekarnoïsme ?
Ces questions sont explorées en trois temps : 1°) la critique généralisée de
la reformasi, née d'une déception face au réel; 2°) la resoekarnoïsation, ou
discours légitimiste qui accompagne et façonne les remises en cause du
réformisme ; et enfin 3°) le retour aux « ordres anciens » opéré par Megawati.
Critique de la reformasi
Très répandues depuis l'aggravation des errements de la présidence
Wahid (1er semestre 2001), les polémiques contre le mouvement des
réformes ne sont pas toujours objectives. Mais elles pèsent lourd dans les
perceptions. Le diagnostic est souvent ambigu : la situation désespérante est
due soit à un excès de reformasi, soit au contraire, pour d'autres, à une insuf
fisance de réformes ou encore à leur non application. Ceux qui veulent conti
nuer à espérer estiment qu'elle est provisoirement «bloquée» {tersendat).
D'autres, au contraire, croient au retour à l'autocratie (4).
La presse, reflet critique de la reformasi
Le seul moyen, malgré son imperfection, d'avoir une idée synthétique de
l'état de l'opinion consiste à lire la presse. Les journaux ne sont lus, pour
l'essentiel, que par une minorité de la population, la classe moyenne, dont ils
reflètent les vues. L'opinion publique indonésienne est ainsi réduite aux per
ceptions de ce groupe social qui ne représente que 10 à 20 % du pays, mais
qui donne le ton. Le point de vue des autres groupes sociaux (notamment
ruraux) reste dans les limbes. Les sondages d'opinion n'ont guère de valeur,
3. Le mot restorasi n'apparaît que tardivement, prononcé pour la première fois par Arbi Sanit
in «Reformasi Tersesat, Mandek dan Berhenti», Kompas, 17 mai 2002. Pour cet observateur
de la vie politique indonésienne, la réforme est devenue une «restauration» («Reformasi
bukan lagi reformasi, tapi restorasi»), les idéaux des étudiants de 1998 sont trahis, les mili
taires restent forts, la corruption (KKN) non réprimée et l'opposition à la réforme constitu
tionnelle considérable.
4. Editorial de Kompas, « Setelah 4 Tahun, Sampai di Mana Reformasi Itu?», 21 mai 2002.
Archipel 64, Paris, 2002 De la reformasi à la restauration ? 61
puisque les échantillons sont composés des possesseurs de téléphones (3 %
de la population), des étudiants des grandes universités, ou encore des
réponses recueillies sur Internet, média à la diffusion extrêmement limitée.
Les échantillons ne sont donc nullement représentatifs de la société indonés
ienne.
La presse est donc un bon miroir de la reformasi, laquelle a favorisé son
essor sans précédent grâce à la mise en œuvre des libertés d'expression. Les
publications - notamment les journaux à sensation - se sont multipliées, tan
dis que s'améliorait encore la qualité des grands hebdomadaires et des
grands quotidiens nationaux, somme toute déjà excellente sous l'Ordre nou
veau, en dépit des restrictions de la période. Or, malgré son attitude foncière
ment favorable à la reformasi, la presse de qualité^) n'hésite pas à rapporter
les critiques dirigées contre les réformes.
La désillusion
Le constat - ou le jugement - qui transparaît est globalement négatif.
L'euphorie de mai 1998 est retombée, tandis que les libertés nouvellement
obtenues, les élections libres de 1999, l'important corpus législatif réformiste
laissé par Habibie ne suscitent plus guère d'enthousiasme : ces premières
réformes sont tenues pour acquises et sont vues comme une normalisation
politique de l'Indonésie, après l'autocratie soehartoïste. Le passage de Wahid
aux affaires, pourtant porté par d'immenses espoirs, a provoqué l'arrêt de
l'élan réformiste : la gestion chaotique de l' ouléma-président et la paralysie
de son gouvernement ont suscité une grave déception. Sa destitution finale a
été interprétée comme l'échec du réformisme.

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