Des écritures exemplaires : l art du maître écrivain en France entre XVIe et XVIIIe siècle - article ; n°2 ; vol.107, pg 473-523
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1995 - Volume 107 - Numéro 2 - Pages 473-523
Jean Hébrard, Des écritures exemplaires : l'art du maître écrivain en France entre XVIe et XVIIIe siècle, p. 473-523. L'exemple est le modèle d'écriture que le maître écrivain donne à copier à ses élèves. Il appartient à la culture d'une corporation qui, entre XVIe et XVIIIe siècle, a voulu se faire reconnaître le droit exclusif de normaliser et de transmettre l'art d'écrire dans le royaume. Créer une écriture nationale dont ils auraient l'exclusivité, donner un statut juridique à l'exemple afin de mieux le distinguer de celui du maître d'école, trouver un marché éditorial pour les recueils d'exemples sont pour les maîtres écrivains parisiens autant d'étapes de la bataille opiniâtre qu'ils mènent pour préserver la spécificité de leur art. Ce cheminement les conduit, à partir du XVIIIe siècle, à se réfugier dans la calligraphie. Les traités d'écriture qu'ils composent alors sont les manifestations les plus somptueuses de cette dérive en même temps que les signes avant-coureurs du déclin de leur art.
51 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Jean Hébrard
Des écritures exemplaires : l'art du maître écrivain en France
entre XVIe et XVIIIe siècle
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 107, N°2. 1995. pp. 473-523.
Résumé
Jean Hébrard, Des écritures exemplaires : l'art du maître écrivain en France entre XVIe et XVIIIe siècle, p. 473-523.
L'exemple est le modèle d'écriture que le maître écrivain donne à copier à ses élèves. Il appartient à la culture d'une corporation
qui, entre XVIe et XVIIIe siècle, a voulu se faire reconnaître le droit exclusif de normaliser et de transmettre l'art d'écrire dans le
royaume. Créer une écriture nationale dont ils auraient l'exclusivité, donner un statut juridique à l'exemple afin de mieux le
distinguer de celui du maître d'école, trouver un marché éditorial pour les recueils d'exemples sont pour les maîtres écrivains
parisiens autant d'étapes de la bataille opiniâtre qu'ils mènent pour préserver la spécificité de leur art. Ce cheminement les
conduit, à partir du XVIIIe siècle, à se réfugier dans la calligraphie. Les traités d'écriture qu'ils composent alors sont les
manifestations les plus somptueuses de cette dérive en même temps que les signes avant-coureurs du déclin de leur art.
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Hébrard Jean. Des écritures exemplaires : l'art du maître écrivain en France entre XVIe et XVIIIe siècle. In: Mélanges de l'Ecole
française de Rome. Italie et Méditerranée T. 107, N°2. 1995. pp. 473-523.
doi : 10.3406/mefr.1995.4394
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1995_num_107_2_4394JEAN HÉBRARD
DES ÉCRITURES EXEMPLAIRES :
L'ART DU MAÎTRE ÉCRIVAIN EN FRANCE
ENTRE XVIe ET XVIIIe SIÈCLE1
Sur les quatre acceptions du mot exemple données par Furetière dans
l'édition de 1690 de son Dictionnaire universel deux concernent l'écriture et
l'art du maître écrivain : « Exemple, en termes d'écriture, est une ligne ou
deux qu'escrit un Maistre Escrivain en haut d'une page, pour donner à imi
ter à ses escoliers. Exemple est aussi le travail que font les escoliers en
remplissant la page où on leur a donné Y exemple. Les maîtres donnent
congé à leurs escoliers, quand ils ont bien fait leur exemple». Dans ces deux
usages, le mot est souvent au féminin : «une exemple»2. Il se distingue
alors sans équivoque de ses emplois masculins qui désignent soit la per
sonne donnée à imiter (ou à ne pas imiter), soit le tour rhétorique par l
equel on utilise une comparaison plutôt que des explications pour aider à
concevoir ou à imaginer une notion ou un processus complexes. Ainsi,
l'exemple d'écriture occupe-t-il une place spécifique dans le langage des
XVIIe et XVIIIe siècles, distinct tant de la formation et de l'édification mo-
1 L'essentiel de ce travail repose sur l'analyse de la collection des traités d'écri
ture des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles conservée à la bibliothèque de l'Institut national
de recherche pédagogique à Paris (cité INRP). Ce fonds documentaire particulièr
ement riche - certains de ces ouvrages n'existent pas à la Bibliothèque nationale -
provient de la collection particulière de l'inspecteur général Jean Rapet. Les 5.000
volumes de livres consacrés à l'éducation qu'il a rassemblés sont achetés par l'État
en 1880 pour constituer le premier fonds de la bibliothèque du Musée pédagogique.
Un catalogue des livres consacrés à l'écriture a été dressé en 1848 (Ministère de l'
Éducation NATIONALE, SERVICE DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUE, MUSÉE PÉDAGO
GIQUE de l'État, L'Écriture en France. Catalogue des documents existants au Musée
pédagogique, Paris, 1948). Par ailleurs, je remercie vivement Armando Petrucci pour
ses amicales critiques et ses suggestions.
2 «Exemple est parfois au féminin en ancien français (1080), peut-être d'après
exempta, pluriel neutre; le féminin subsiste jusqu'au XLXe siècle dans une exemple
d'écriture» (Dictionnaire historique de la langue française, sous la direction d'Alain
Rey, Paris, 1994). C'est aussi au XLXe siècle que disparaissent en France le maître
écrivain et son art.
MEFRIM - 107 - 1995 - 2, p. 473-523. JEAN HÉBRARD 474
rale que de l'art d'instruire ou de convaincre, et pourtant fortement ap
parenté à eux. Pour que le maître écrivain ait fait passer dans la langue or
dinaire un usage technique du mot propre à sa profession, il faut que cette
dernière possède une identité forte dans l'espace public de ce temps. Il faut
aussi que l'écriture ait été une activité humaine moins banale, moins in
strumentale qu'aujourd'hui. L'art d'écrire, en France, à l'âge classique a été,
jusqu'à présent, peu étudié. En suivre l'évolution par le biais de l'une de ses
principales manifestations - le recueil d'exemples - permet de saisir com
ment se constitue, dans le monde des maîtres écrivains, une culture spéci
fique de l'écriture fondée sur un rapport singulier à l'écrit.
Naissance d'une profession
Les premiers recueils d'exemples d'écriture manuscrite conservés
datent du XVe siècle3. Ils se présentent quelquefois comme des cahiers dont
seule la partie haute de la page est occupée par de petits textes call
igraphiés, d'autrefois comme des liasses de feuillets assemblés dans l'ordre
de l'alphabet, chacun d'entre eux étant dédié à une lettre. Les textes desti
nés à exercer la main de l'élève ou à montrer l'habileté du maître sont très
divers. On trouve des fragments de psaumes, des moralités, des proverbes,
des textes galants, des textes vantant les qualités du maître qui les a tracés,
des formules de chancellerie, etc. Le manuscrit conservé à Montpellier4,
par exemple, est fait de trois cahiers assemblés : un alphabet accompagné
de textes latins (incomplet), un alphabet accompagné de textes français et
un ensemble composite comportant des modèles d'écriture en latin et en
français. Les exemples consacrés à chacune des lettres sont donnés dans
une belle textura gothique avec l'initiale ornée de grotesques. Les textes
sont des fragments de la messe des morts pour le latin (Pour la lettre A :
«{Liberal Animas omnium fidelium defunctorum»; pour la lettre R : «Re-
quiescat in pace, Amen», etc.). En français, ce sont plutôt des couplets ga
lants (Pour X : «Xristine doulce pucelle a vostre / bonne grace me r
ecommande tant» ou encore pour S : «Se vous navez pitié du corps au
moins ayez pitié de l'ame / cest jour d'hui ma belle dame»). Ces modèles
sont certainement dus à la production de maîtres d'écriture plus ou moins
itinérants5 qui tiennent école là où ils sont appelés et recherchent la clien-
3 Nous suivons ici les conclusions de Françoise Gasparri, en particulier En
seignement et techniques de l'écriture du Moyen Âge à la fin du XVIe siècle, dans Scrit
tura e civiltà, 7, 1983, p. 201-222.
4 BU, Montpellier, ms 512 (21 f°., parchemin).
5 II semble que l'itinérance soit plus le fait des maîtres écrivains italiens (voir A. DES ÉCRITURES EXEMPLAIRES 475
téle d'adolescents ou d'adultes appartenant aux milieux de la bourgeoisie
urbaine, de la boutique et de l'échoppe. Ils sont actifs en France depuis le
XIIIe siècle et se distinguent peu de cet assemblage hétéroclite de profes
sionnels de l'écriture qui monnaient leurs savoirs soit pour en transmettre
les principes et l'usage (maîtres des écoles de grammaire, des régences la
tines, de certaines petites écoles même), soit pour mettre au service d'au-
trui cette compétence spécifique (secrétaires, scribes, clercs de village, no
taires ou tabellions, écrivains publics, etc.), soit encore pour mêler l'une et
l'autre activité6.
En dehors de leurs recueils d'exemples, on connaît les maîtres écri
vains par les affiches publicitaires7 qu'ils apposent à la devanture de la bout
ique qu'ils occupent. Les plus anciennes retrouvées datent du XIVe siècle

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