Dieu aux États-Unis : à propos du Watergate - article ; n°2 ; vol.26, pg 229-259
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Description

Revue française de science politique - Année 1976 - Volume 26 - Numéro 2 - Pages 229-259
DIEU AUX ÉTATS-UNIS : A PROPOS DU WATERGATE, par HUBERT GOURDON
Le Watergate étonne par le type de discours qui l'a dévoilé, expliqué et réglé : pourquoi une affaire de violation de droits individuels par un exécutif a-t-elle pu se transformer en violation d'une éthique dont la nature apparaît bien plus moralisante et religieuse que politique ? Il semble que ce discours religieux, amplifié volontairement par la classe politique, ne trouve plus grand écho dans une opinion publique en voie de laïcisation. Ce phénomène pourrait être sans grande importance s'il ne s'avérait qu'aux Etats-Unis, l'idéologie libérale est de nature religieuse ; perdant leur foi, les Etats-Unis pourraient donc perdre leur libéralisme.
[Revue française de science politique XXVI (2), avril 1976, pp. 229-259.]
GOD IN THE UNITED-STATES : ABOUT WATERGATE, by HUBERT GOURDON
What is astonishing about Watergate is the sort of talk which revealed, explained and settled it. How did an affair involving the violation of individual rights by an executive turn into the violation of an ethos the nature of which would appear to be moralizing and religious much more than political ? It seems that this religious talk, which was deliberately exaggerated by the political class, no longer finds much response in public opinion which is in the process of secularization. This phenomenon might not be of much importance were it not that liberal ideology in the United States is of a religious nature ; in losing its faith, the United States could therefore lose its liberalism.
[Revue française de science politique XXVI (2), avril 1976, pp. 229-259.]
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Hubert Gourdon
Dieu aux États-Unis : à propos du Watergate
In: Revue française de science politique, 26e année, n°2, 1976. pp. 229-259.
Résumé
DIEU AUX ÉTATS-UNIS : A PROPOS DU WATERGATE, par HUBERT GOURDON
Le Watergate étonne par le type de discours qui l'a dévoilé, expliqué et réglé : pourquoi une affaire de violation de droits
individuels par un exécutif a-t-elle pu se transformer en violation d'une éthique dont la nature apparaît bien plus moralisante et
religieuse que politique ? Il semble que ce discours religieux, amplifié volontairement par la classe politique, ne trouve plus grand
écho dans une opinion publique en voie de laïcisation. Ce phénomène pourrait être sans grande importance s'il ne s'avérait
qu'aux Etats-Unis, l'idéologie libérale est de nature religieuse ; perdant leur foi, les Etats-Unis pourraient donc perdre leur
libéralisme.
[Revue française de science politique XXVI (2), avril 1976, pp. 229-259.]
Abstract
GOD IN THE UNITED-STATES : ABOUT WATERGATE, by HUBERT GOURDON
What is astonishing about Watergate is the sort of talk which revealed, explained and settled it. How did an affair involving the
violation of individual rights by an executive turn into the violation of an ethos the nature of which would appear to be moralizing
and religious much more than political ? It seems that this religious talk, which was deliberately exaggerated by the political class,
no longer finds much response in public opinion which is in the process of secularization. This phenomenon might not be of much
importance were it not that liberal ideology in the United States is of a religious nature ; in losing its faith, the United States could
therefore lose its liberalism.
Citer ce document / Cite this document :
Gourdon Hubert. Dieu aux États-Unis : à propos du Watergate. In: Revue française de science politique, 26e année, n°2, 1976.
pp. 229-259.
doi : 10.3406/rfsp.1976.418233
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1976_num_26_2_418233AUX ÉTATS-UNIS DIEU
à propos du Watergate
HUBERT GOURDON
Avant toute chose, le Watergate étonne. Il étonne d'abord par
sa durée *. Il étonne ensuite par le jeu complexe des institutions
qui, à l'occasion de ce scandale, ont fonctionné : une procédure
judiciaire, un contrôle congressionnel animé par certains représentants
des mass-media et, à l'issue, une démission présidentielle. Mais surtout il
étonne par le type de discours qui l'a dévoilé, expliqué et réglé. La ques
tion que l'on peut en effet se poser est la suivante : pourquoi une affaire
de violation de droits individuels par un exécutif a-t-elle pu se transfor
mer en violation d'une éthique dont la nature apparaît bien plus moral
isante et religieuse que politique ?
Cet « étonnement » jusqu'ici a été peu partagé. Il a paru normal que
pareil discours religieux ait moralisé le déroulement, et surtout la
conclusion du scandale du Watergate. Plus précisément, ce phénomène
est passé inaperçu2. Or, il semble qu'une explication de la résonance
de ce scandale dans la conscience américaine doive faire référence à la
nature du discours qui s'est efforcé de l'absoudre. Ou encore, la véritable
dimension du Watergate réside dans la nature de la communication sociale
qui l'a révélé au grand public.
Plusieurs hypothèses peuvent être proposées pour expliquer non
seulement la nature religieuse de la communication sociale qui a raconté
le Watergate au grand public, mais aussi son ampleur. Celle qui relève
d'abord d'une stratégie de certains éléments de la classe politique amé-
1. Pour une chronologie très complète de l'affaire, cf. Linda Hamster, The White
House transcripts, The Bantam Books, mai 1974, pp. 813-874.
2. Alors que cet article était en cours de publication, nous avons pu prendre
connaissance de l'importante communication de Kalmin D. Smith, « Civil religion and
the presidency », au congrès annuel de l'Association américaine de science politique,
San Francisco, Californie, 2-5 septembre 1975. Il en sera fait état ultérieurement.
229 Hubert Gourdon
ricaine, y compris de ceux qui furent reconnus coupables : la méta
morphose du Watergate, qui d'infraction à la règle constitutionnelle serait
devenue violation d'une morale religieuse, aurait fait l'objet de cér
émonies quasi préméditées. L'objectif étant de transformer la chute prési
dentielle en cérémonie expiatoire, de couvrir ainsi du manteau de la
rédemption une classe politique devenue simple pécheresse et d'immerger
à nouveau « une élite du pouvoir », dangereusement découverte, dans le
consensus populaire.
Ainsi serait expliquée la réussite du système politique américain qui,
une fois de plus, non seulement aurait survécu, mais encore, pour avoir
triomphé de cette épreuve, se serait fortifié. On sent bien cependant que
cette explication ne peut suffire à rendre compte de la gravité de
« l'affaire du Watergate ». La transformation d'un scandale politique
en ferveur morale et religieuse porte témoignage de l'état général de
la société américaine. S'il y a eu réussite dans l'accomplissement de cette
affaire, elle ne saurait être que provisoire.
S'il est vrai que le Watergate ne se définit pas à titre principal comme
un événement que le système politique américain a dû affronter, ni
même comme une crise qu'une énergique thérapeutique, serait parvenue
à maîtriser, mais comme simple signe, pur langage, sa gravité ou au
contraire son heureuse issue ne peuvent pas s'apprécier à partir de
la seule utilisation du discours religieux par d'habiles gouvernants ; il
faut également considérer la qualité et l'intensité de sa réception chez les
gouvernés.
Or, il semble que ce discours religieux, pourtant amplifié volontai
rement par la classe politique, ne trouve plus grand écho dans une
opinion publique en voie de laïcisation. Ce phénomène pourrait être
sans grande importance s'il ne s'avérait qu'aux Etats-Unis, l'idéologie
libérale est de nature religieuse ; perdant leur foi, les Etats-Unis pour
raient donc perdre leur libéralisme. Ce pourrait être là l'essentiel de ce
qui reste une bien complexe histoire, le Watergate.
Pour en restituer le sens, il semble indispensable non seulement de
repérer les éléments d'une morale théiste diffusée à l'occasion de
« l'affaire », mais aussi d'opérer un assez long détour, de nature princ
ipalement historique, afin de déterminer le statut de la religion dans la
société américaine. Il sera alors possible d'aborder la relation la plus
intéressante, celle qui lie dans le déroulement même du Watergate le
discours des gouvernants à l'opinion des gouvernés. LA MORALISATION DU WATERGATE
Elle apparaît le plus évidemment dans les débats et cérémonies qui
ont entouré la chute du Président. Après la déclaration du 5 août 1974
par laquelle le Président avouait avoir commis « une sérieuse omis
sion » en ne remettant pas au procureur spécial les bandes enregistrées
des conversations du 23 juin 1972, celles-là mêmes où était signifiée la
connaissance (jusque-là niée) qu'il avait eue de cette affaire, la chute de
Nixon se présentait comme inexorable. Il restait à en apprécier les
modalités : déroulement jusqu'au bout de la procédure d 'impeachment
que la commission Rodino, après l'avoir votée, présentait devant la
Chambre des représentants, ou démission présidentielle anticipée. Le
New York Times préconisait la première formule, la seule susceptible
de « réhabiliter cette agonie » 3.
Plus réaliste, sans doute soucieux de préserver les avantages financiers
liés à sa fonction, le président Nixon préféra la deuxième solution. Mais
le déroulement même de cette démission, la teneur des discours prononc
és, la manière dont furent retransmis par la télévision les ultimes moments
présidentiels, contribuèrent à créer un certain type de communication
sociale axée sur la faute et le pardon. Certains éléments du discours
d'entrée en fonction de Gerald F

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