Djadidisme, mirasisme, islamisme - article ; n°1 ; vol.37, pg 13-40
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Description

Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants - Année 1996 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 13-40
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Stéphane A. Dudoignon
Djadidisme, mirasisme, islamisme
In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants. Vol. 37 N°1-2. pp. 13-40.
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Dudoignon Stéphane A. Djadidisme, mirasisme, islamisme. In: Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union
soviétique, États indépendants. Vol. 37 N°1-2. pp. 13-40.
doi : 10.3406/cmr.1996.2449
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_1252-6576_1996_num_37_1_2449A. DUDOIGNON STÉPHANE
DJADIDISME, MIRASISME, ISLAMISME
aient Ernest « tous L'essence aient beaucoup Renan, oublié d'une Qu de bien 'est-ce nation choses des qu est choses. en 'une que commun, nation tous » les et ?, individus aussi 1 887. que
Jusqu'à ces dernières années, Phistoire du réformisme musulman en Asie Cent
rale, faute d'un accès direct des chercheurs aux sources primaires, n'était connue du
public occidental que par l'intermédiaire de travaux récents, que Ton peut aisément
répartir en trois catégories selon leur provenance géographique. On classera dans la
première les études sporadiques de rares auteurs occidentaux, dont la plupart restè
rent longtemps interdits de « terrain » et donc tributaires de sources russes officielles
et d'études de seconde main. Une attitude critique s'impose donc à l'égard de
nombre de ces travaux, d'autant que les perspectives qui les ont orientés durable
ment sont aujourd'hui remises en cause dans leurs pays d'origine, comme nous
Talions voir de l'historiographie contemporaine du réformisme en Islam centrasia-
tique.
Au demeurant, la tonalité et la méthodologie des travaux publiés depuis un demi-
siècle, en URSS comme en République Populaire de Chine, sur l'histoire culturelle
et politique moderne des peuples musulmans d'Asie Centrale, ont subi nombre de
variations au cours de cette brève période, avant même les bouleversements induits
dans l'espace soviétique par la perestrojka. Il n'est pas très difficile de déceler dans
ces évolutions les contraintes successives de différents contextes politiques. Et si
l'on constate depuis quelques années de grands changements dans les orientations
idéologiques qui guident, dans les États nouvellement indépendants d'Asie Centrale
méridionale, les priorités de la recherche en sciences humaines, celle-ci n'apparaît
nullement libérée de l'emprise de l'autorité politique. C'est ce qu'attestent par
exemple les réinterprétations actuelles du second réformisme musulman ou « djadi-
disme », présenté officiellement à Tachkent ou Almaty, depuis les indépendances,
comme le premier mouvement de revendication de la souveraineté pour chacune des
grandes « nationalités » musulmanes du défunt empire russo-soviétique.
Une troisième catégorie d'études est constituée par les travaux publiés, au cours
de la période considérée, par des auteurs de l'émigration turkestanaise post-révolut
ionnaire. Ces ouvrages, souvent situés entre la chronique de mémorialiste et la
Cahiers du Monde russe. XXXVII (1-2). janvier-juin 1996. pp. 13-40. 14 STÉPHANE A. DUDOIGNON
recherche historique, témoignent d'une stratégie politique qui consista à attirer
l'attention des capitales occidentales sur le sort des minorités de l'URSS et de la
Chine communiste. Il va sans dire que leurs auteurs tendent à insister sur le haut
niveau de préparation à l'indépendance politique de la Tatarie comme des Turkestan
occidental et oriental, dans les décennies qui précédèrent d'une part la soviétisation
et de l'autre la prise du pouvoir par les communistes chinois. C'est ce thème domi
nant des indépendances politiques contrariées par l'hégémonie des deux super-puis
sances du continent asiatique qui explique la faveur dont ont successivement bénéfi
cié ces auteurs, en Occident d'abord, puis, depuis quelques années, dans les cercles
académiques de certains pays d'Asie Centrale anciennement soviétique.
Ces deux derniers types d'historiographie « autochtone » des mouvements de
modernisation de l'Islam centrasiatique appellent l'analyse socio-politique, dans la
mesure où ils furent (et demeurent) fondés sur des jugements de valeur aléatoires
portés sur un passé traité en terme d'« héritage » (mîrâs : un terme arabe passé dans
toutes les langues modernes de l'Asie Centrale). En tant que tel, le legs du réfo
rmisme musulman fut tantôt refusé en bloc, tantôt accepté avec bien des réserves,
conformément aux contraintes idéologiques de tel ou tel moment de l'histoire
contemporaine. C'est sur cette opération de rejet ou d'acceptation sélective, de tri
dans un patrimoine parfois encombrant d'idées et de faits historiques, par les intell
igentsias nationales de l'Asie Centrale, que nous avons souhaité revenir ici briève
ment. Ce faisant, nous entendions mettre en lumière une historiographie faite moins
d'accumulation que ďoubli, et aussi suggérer l'étendue de ce qu'il nous reste à faire
pour parvenir à une compréhension, même élémentaire, d'une période essentielle,
mais encore très mal connue, de l'histoire de l'Islam centrasiatique. Or l'oubli dans
lequel le réformisme musulman fut longtemps maintenu tire beaucoup de sa signif
ication de son caractère délibéré, et du fait qu'il dut correspondre aux nonnes contra
ignantes d'un véritable système de gestion et de conformation des héritages culturels
nationaux, dans le cadre de l'idéologie d'État soviétique (nous donnons à ce système
l'appellation de « mirâsisme »). Seule une analyse de ces modes de réinterprétation
peut nous permettre de saisir les enjeux, notamment politiques, de la redécouverte
actuelle de cette grande « page blanche » de l'histoire des peuples musulmans d'Asie
Centrale.
Pour mieux apprécier l'effet de décalage induit par cette réappropriation d'his
toires nationales longtemps occultées, il convient de revenir, en préalable, sur l'état
et les orientations actuelles de la recherche sur ce qu'il est convenu d'appeler le dja-
didisme. Nous n'en aborderons, très brièvement, ici que deux aspects : d'une part, la
chronologie du réformisme musulman en Asie Centrale, en particulier la difficile
question de sa genèse, et d'autre part la défmition d'un clivage idéologique de
l'Islam centrasiatique entre « réformistes » ou « djadids » d'un côté et « conserva
teurs » ou « qadimistes » de l'autre. En effet, ces deux questions ont été relativement
peu développées dans les articles qui constituent ce dossier ; or c'est précisément sur
elles que les relectures idéologiques du « djadidisme » qui se sont succédé en Asie
Centrale, pendant la seconde moitié du XXe siècle, apparaissent le plus en contradic
tion avec les exigences élémentaires des méthodes historiques contemporaines.
L'histoire du réformisme musulman en Asie Centrale tire une bonne part de sa
spécificité, par rapport aux mouvements de modernisation qui ont parcouru
l'ensemble du monde musulman depuis la fin du xviir2 siècle, de la relative MIRASISME, ISLAMISME 15 DJADIDISME,
ancienneté de son apparition, qu'explique son ancrage dans l'histoire coloniale de la
Russie. En effet la conquête du khanat de Kazan par Ivan le Terrible, en 1 55 1 , fut sui
vie par deux siècles de colonisation russe de la région Volga-Oural, caractérisée par
le cantonnement des populations musulmanes urbaines dans des faubourgs (slobody)
réservés et par la dépossession systématique, souvent violente, des propriétaires ter
riens musulmans au profit de hobereaux (pomeščiki) russes. Ce processus, qui se tra
duisit par de nombreuses migrations forcées, atteignit un stade très avancé dans les
années 1770. Parallèlement, c'est sous Pierre le Grand et ses successeurs immédiats
que les campagnes de christianisation des populations musulmanes de l'Empire se
firent le plus virulentes : après qu'en 1713, un oukaze du tsar réformateur eut
contraint les Tatars servant dans l'armée impériale à se convertir au christianisme,
sous peine de confiscation de leurs biens1, l'évêque de Kazan Luka Kanaševič (17

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