Entre émancipation et destruction - article ; n°1 ; vol.78, pg 5-49
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Communications - Année 2005 - Volume 78 - Numéro 1 - Pages 5-49
In the West, the figure of Prometheus has been shaped by Christianism and modern philosophy. Prometheus became the icon of a rational and cartesian subject made in the image of God. The dynamics of this discourse have informed both action and belief : action based on knowledge and technology ; belief in an individual being existing by himself without society as well as belief in teological history. These beliefs have led both to emancipation and destruction. What is at stake now is to propose a post-promethean thinking.
Dans l'Occident moderne, Prométhée est marqué par le christianisme et la philosophie. Il est devenu le modèle de l'homme, sujet rationnel et cartésien fait: à l'image de Dieu. La dynamique prométhéenne a stimulé l'action réaliste aussi bien que la croyance : action fondée sur les savoirs et les techniques ; croyance en un individu qui existe par lui-même et qui précède la société, croyance en un sens de l'histoire. D'où les effets d'émancipation, mais aussi de destruction. C'est pourquoi l'enjeu aujourd'hui est d'entrer dans une ère de pensée post-prométhéenne.
45 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 108
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Mr François Flahault
Entre émancipation et destruction
In: Communications, 78, 2005. pp. 5-49.
Abstract
In the West, the figure of Prometheus has been shaped by Christianism and modern philosophy. Prometheus became the icon of
a rational and cartesian subject made in the image of God. The dynamics of this discourse have informed both action and belief :
action based on knowledge and technology ; belief in an individual being existing by himself without society as well as belief in
teological history. These beliefs have led both to emancipation and destruction. What is at stake now is to propose a post-
promethean thinking.
Résumé
Dans l'Occident moderne, Prométhée est marqué par le christianisme et la philosophie. Il est devenu le modèle de l'homme, sujet
rationnel et cartésien fait: à l'image de Dieu. La dynamique prométhéenne a stimulé l'action réaliste aussi bien que la croyance :
action fondée sur les savoirs et les techniques ; croyance en un individu qui existe par lui-même et qui précède la société,
croyance en un sens de l'histoire. D'où les effets d'émancipation, mais aussi de destruction. C'est pourquoi l'enjeu aujourd'hui est
d'entrer dans une ère de pensée post-prométhéenne.
Citer ce document / Cite this document :
Flahault François. Entre émancipation et destruction. In: Communications, 78, 2005. pp. 5-49.
doi : 10.3406/comm.2005.2272
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_78_1_2272François Flahault
Entre émancipation et destruction
Les fondements de Fidéal prométhéen
Pourquoi Prométhée ? Pour mieux nous connaître, pour nous aider à
examiner l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes. Pour faire retour
sur le mouvement occidental d'émancipation de l'individu - sur cette
grande idée que l'Europe et l'Amérique diffusent avec la certitude de sa
portée universelle, tout en sachant que l'ambition prométhéenne qui la
sous-tend s'est traduite au cours du XXe siècle par des destructions sans
précédent.
À qui veut progresser en sagesse, il est conseillé de se connaître soi-
même. On pense d'abord au champ d'application psychologique du pré
cepte : mieux connaître sa manière d'être singulière, sa manière de réagir
aux autres et d'interagir avec eux, etc. Mais nous ne sommes pas faits
seulement de nos traits singuliers. Nous sommes également faits de
l'impensé culturel que nous avons assimilé sans le savoir, qui a façonné
notre moi-idéal et fourni à nos désirs une trame socialisée.
Mieux nous connaître, c'est donc aussi mettre au jour ce fonds que nous
partageons avec tant d'autres, ce fonds qui fournit les évidences commun
es, les réponses tacitement admises aux questions : Qu'est-ce que l'être
humain ? Qu'est-ce que la société ? Ces réponses sont plus ou moins
adéquates, plus ou moins illusoires. Comment en juger si elles nous imprè
gnent comme des évidences ? Comment en juger sans prendre la distance
nécessaire pour les interroger ?
Dans cet impensé culturel dont nous (nous, Occidentaux modernes)
sommes porteurs, les idées et les images qui se sont cristallisées autour
du personnage de Prométhée occupent une place décisive. On n'en finirait
pas de citer les auteurs qui en font leur héros idéal : Bacon, Shaftesbury,
Goethe, Lessing, Shelley, Marx, Comte, Liszt, Wagner, Nietzsche et bien
d'autres. Le « prornéthéisme » est inséparable de ce dont nous sommes le
plus fiers : l'idéal de liberté et de progrès, le mouvement d'émancipation
de l'individu.
5 Flahault François
L'adjectif « prométhéen » se trouve généralement associé à des exemp
les de frénésie technique et à la figure de l'apprenti sorcier, évocations
régulièrement suivies d'une mise en garde contre le désir de toute-
puissance. Cet enchaînement d'idées n'est pas injustifié, mais il tend vers
le lieu commun, la sagesse superficielle. La constellation d'idées et d'ima
ges que recouvre le nom emblématique de Prométhée mérite mieux : elle
a modelé en profondeur le moi-idéal des élites occidentales et leur identité
narrative, elle a nourri et orienté leurs ambitions depuis la Renaissance
jusqu'à nos jours. Le « prométhéisme » n'est pas la conséquence naturelle
et inévitable des progrès scientifiques et techniques qui jalonnent l'histoire
de l'Europe moderne, on ne peut le considérer comme un simple effet
secondaire de ces progrès. Il les a devancés, il leur a fourni un cadre, il
leur a apporté un stimulant. Aussi peut-on en observer le déploiement
dans la pensée, les arts et la littérature, dans la politique, les sciences
économiques et l'industrie, ce dont témoignent dans leur diversité les
articles rassemblés dans ce numéro1.
Des idéologies diamétralement opposées, telles que le marxisme sovié
tique et le laisser-faire prôné par la droite américaine, des orientations
de pensée apparemment divergentes - la confiance placée dans l'initiative
individuelle ou, au contraire, dans le rôle des masses et le mouvement de
l'histoire - n'en partagent pas moins, on le verra, certains présupposés
prométhéens. Ceux-ci constituent un dénominateur commun sous-jacent
à des conceptions qui, souvent, dans la conscience de ceux qui les défen
daient, étaient incompatibles. Il est donc d'autant plus nécessaire, si nous
voulons nous connaître, de mettre au jour cette configuration dynamique
d'idées et d'images, ce fonds que nous partageons sans y penser. Les pages
qui suivent, tout en introduisant à l'éventail des textes qui composent ce
numéro, débouchent donc sur les questions fondamentales que nous pose
aujourd'hui le grand mouvement d'émancipation qui a porté l'Occident
moderne : comment le repenser à la lumière des connaissances actuelles ?
Comment répondre au désir de liberté et de réalisation de soi sans pour
autant nourrir des illusions présomptueuses et potentiellement destruct
rices ? Comment, en somme, aborder l'ère post-prométhéenne ?
/. Prométhée en milieu chrétien.
Le personnage de Prométhée est né chez les anciens Grecs. Prométhée
n'est pas un homme, mais un Titan en révolte contre Zeus.
est également ce philanthrope qui dorme le feu aux humains. Il est l'opé
rateur d'une médiation problématique entre les humains et les dieux.
Problématique parce que l'un des traits caractéristiques de la condition Entre émancipation et destruction
humaine est précisément le désir de s'élever au-dessus de la condition
humaine.
Patron des potiers et des forgerons, honoré avec Héphaïstos sur un autel
commun, Prométhée apparaîtra également, dès le IVe siècle avant J.-C,
comme celui qui, avec de l'argile et de l'eau, modèle l'être humain et lui
donne vie.
Les Grecs, pourtant, ne furent pas prométhéens. C'est que leur Pro
méthée n'était pas le nôtre. Pietro Pucci, dans ce numéro, nous restitue
les traits du Prométhée des Anciens ; pour le Prométhée des Modernes, à
moi de tenter, dans les pages qui suivent, d'en donner une vue d'ensemble.
Celle-ci ne peut se concevoir sans un travail consistant à réunir et mettre
en perspective textes, citations, formules ou allusions qui tournent autour
du personnage. Fort heureusement, ce travail a déjà été fait, du moins
pour ce qui est de la littérature, par Raymond Trousson dans son étude
Le Thème de Prométhée dans la littérature européenne2 . Il s'agit ensuite
— ce sera l'essentiel de ma tâche — de ressaisir la cohérence de la confi
guration prométhéenne, puisque cette cohérence n'est assurément plus
celle que lui donna la pensée grecque. Et en même temps de comprendre
ce qui a fait que cette configuration s'est chargée d'un dynamisme aussi
irrésistible.
Pour répondre à cette double question, commençons par cette évi
dence : si Prométhée a pu renaître et s'épanouir chez les Modernes, c'est
que des liens d'affinité se sont tissés entre un certain nombre de traits du
personnage et la culture europée

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