Entre taoïsme et culture populaire  - article ; n°1 ; vol.83, pg 438-458
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Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1996 - Volume 83 - Numéro 1 - Pages 438-458
21 pages

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Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

John Lagerwey
Entre taoïsme et culture populaire
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 83, 1996. pp. 438-458.
Citer ce document / Cite this document :
Lagerwey John. Entre taoïsme et culture populaire . In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 83, 1996. pp. 438-
458.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1996_num_83_1_2457438 BEFEO 83 (1996)
Monde chinois
ENTRE TAOÏSME ET CULTES POPULAIRES
Robert L. CHARD, « Rituals and Scriptures of the Stove Cult », in Ritual and Scripture in
Chinese Popular Religion : Five Studies, éd. David Johnson, Berkeley, Publications of the Culture Project 3, 1995, 3-54.
Ursula-Angelika CEDZICH, « The Cult of the Wu-t'ung / Wu-hsien in History and Fiction :
The Religious Roots of The Journey to the South », in Ritual and Scripture in Chinese
Popular Religion : Five Studies, éd. David Johnson, Berkeley, Publications of the Chinese Culture Project 3, 1995, 137-218.
Paul R. KATZ, Demon Hordes and Burning Boats : The Cult of Marshal Wen in Late Imperial
Chekiang, Albany, State University of New York, 1995.
Terry F. KLEEMAN, A God's Own Tale : The «Book of Transformations » ofWenchang, the
Divine Lord ofZitong, Albany, State University of New York, 1994.
Après le flot d'études taoïstes des années 1970-80, l'heure des dieux et du panthéon a
sonné. Pour ne citer que quelques-unes des divinités qui ont fait l'objet de thèses — et parfois
de publications — depuis dix ans, en Europe ou Outre-Atlantique, mentionnons : Linshui
furen (Brigitte Berthier), Lu Dongbin (Farzeen Hussein, Isabelle Ang), le dieu du foyer
(Robert Chard), Lu Ban (Klaas Ruitenbeek), Wenchang (Terry Kleeman), Miaoshan (Glen
Dudbridge), les Dix rois des enfers (Stephen Teiser), Ksitigarbha (Françoise Wang-Toutain),
Xuantian shangdi (Chuang Hung-i). En Chine, aussi, une série de colloques (à forte coloration
politique) a été tenue sur Mazu, Baosheng dadi et Linshui furen. Dès 1986, un livre d'extraits
de citations hagiographiques fut publié sous le nom de Zhongguo minjian zhushen (« Les
dieux du peuple chinois »). Dans sa préface à la deuxième édition (p. ii), publiée en 1989 par
le Xuesheng shuju à Taiwan, l'un des deux éditeurs de ce livre, Lii Zongli, explique qu'il avait
pris goût aux dieux du peuple lors de son séjour forcé à la campagne pendant la Révolution
culturelle : c'est là, dit-il, qu'il comprit que « sous l'écorce des multiples sornettes et
vulgarités des croyances populaires se cachait une foi traditionnelle profonde et ancienne ».
Signe des temps, l'EFEO a convoqué, en juin 1995, un colloque dont l'intitulé était « Culte
des sites, cultes des saints ». Comme il est loin, le temps de H. Doré, S. J. !
Pourquoi cet engouement soudain pour les dieux ? Que représentent-ils qu'on puisse
s'intéresser à eux en ces temps de leur crépuscule ? Les dieux, pour paraphraser Lévi-Strauss,
sont des « bons à penser » : dans le rapport aux dieux, à travers eux, les individus et les corps
sociaux se structurent, s'affrontent, agissent et sont agis. Partant, les dieux représentent un
enjeu politique permanent, qui ne laisse aucun État indifférent, pas plus en Chine qu'ailleurs,
aujourd'hui comme hier.
Mais dans les études sinologiques, ce n'est guère un hasard que ce regain d'intérêt se
manifeste maintenant. Il y a eu de belles études des dieux avant : la publication récente d'un
inédit de Willem Grootaers est là pour nous le rappeler '. Mais ensuite, rien, pendant trente
ans. Or, pendant ces trente ans, notre compréhension de la Chine a été complètement
bouleversée, principalement par les études régionales, anthropologiques et taoïstes. Les
premières nous ont rappelé que, comme l'Europe, la Chine n'est pas un pays mais une
civilisation ; les secondes nous ont montré que la Chine n'est pas que ses élites. Enfin, il y a
1. The Sanctuaries in a North-China City , Bruxelles, Institut Belge des Hautes Études chinoises, 1995. Comptes rendus 439
trente ans, nous savions la Chine confucéenne et bouddhisée ; mais nous ignorions que la
Chine était également taoïste. Nous ignorions, autrement dit, que la Chine avait « trois
enseignements » (sanjiao) qui se tenaient, chacun à sa manière, dans un rapport à la fois
critique et de symbiose avec les dieux du peuple. Nous ignorions, surtout, que ce dont « le
Maître ne parlait pas » et ce que le bouddhisme cherchait à anéantir ou à convertir, le taoïsme
s'en servait comme « bons à penser », et à agir. Il y a, comme Schipper Га bien montré \ un
rapport d'intimité tout particulier entre le taoïsme et les dieux « populaires », et il fallait donc,
avant de revenir aux dieux — donc à la société — commencer par faire un détour par le
taoïsme. Les quatre études ici examinées présupposent toutes, quoique à des degrés différents,
ce détour.
Le dieu du foyer, ou deux traditions qui s'ignorent ?
Focalisé sur les Écritures liées au culte du dieu du foyer, l'article de Robert Chard, un
résumé malheureusement très bref d'une partie de sa très riche thèse, nous intéresse ici
principalement pour ses conclusions : « Les textes concernant le dieu du foyer qui sont
parvenus jusqu'à nous ne sont pas les Écritures du culte populaire, mais ils ne sont pas non
plus sans lien avec celui-ci, car ils y répondent visiblement, et cherchent à l'influencer »
(p. 49). Or, les plus anciens de ces textes se trouvent tous dans le Canon taoïste, et ce que
constate Chard lorsqu'il les compare aux pratiques suivies par toutes les couches sociales en
Chine, c'est que les textes ne mentionnent même pas l'aspect le plus évident et fondamental de
ce culte, à savoir le renvoi du dieu au Ciel pour faire son rapport annuel sur la famille à la fin
de l'année ! Ils insistent plutôt sur un culte régulier et sincère, avec des ascensions mensuelles.
Traditions orales et écrites se retrouvent partiellement dans le domaine des tabous à observer,
mais les textes ne traitent pas non plus du support visible du dieu, à savoir son image en
papier, décollée et brûlée au moment du renvoi, puis remplacée lorsque le dieu revient de son
audience céleste. Et Chard de conclure : « C'est cette tension entre image et texte qui, le
mieux, résume le contraste entre le culte du dieu du foyer tel qu'il existait réellement et tel que
les compilateurs éduqués des Écritures l'auraient voulu » (p. 54).
Le caractère partiel de cette étude rend un peu hasardeux tout commentaire, mais par
rapport à la question qui nous occupe ici, il n'est peut-être pas inutile de noter que le statut des
textes canoniques n'est pas très clair : pour qui et par qui ont-ils été écrits ? ont-ils jamais servi
à quelque chose ? comment les situer par rapport aux rituels taoïstes, dont l'article ne traite
pas, mais où le culte du dieu du foyer a toujours eu sa place ? En règle générale, les Écritures
n'ont pas, dans le taoïsme, pour fonction d'influencer : elles n'existent que pour être récitées,
sans qu'on se préoccupe de leur contenu. Par contre, dans les liturgies exorcistes que j'ai pu
observer dans le nord de Taiwan, la maison chinoise est représentée comme ayant deux points
névralgiques : le puits, habité par un dragon, et le foyer, surveillé par son dieu 2. Cette
représentation de l'espace domestique remonte à la plus haute antiquité, comme Chard le
rappelle lui-même dès les premières pages de sa thèse (p. 4) : d'après le Yueling, source
classique pour les rituels confucéens, la maison comporte cinq lieux de culte indispensables, à
savoir les portes extérieures et intérieures, le puisard, le puits et le fourneau. Or, comme l'a
montré Rolf Stein, de ces cinq cultes domestiques confucéens, seul celui dédié au dieu du
1. Voir son Le corps taoïste, Paris, Fayard, 1982, surtout les chapitres 3 et 4, « La divinité » et « Les
maîtres des dieux ».
2. Cf. mon article « 'Les têtes des démons tombent par milliers' : Le fachang, rituel exorciste du Nord de
Taiwan », paru dans L'Homme 101 (janvier-mars 1987), p. 105, où je montre que la « mise en place de l'esprit
du puits », suivi de celui du « seigneur du fourneau » constituent, respectivement, le deuxième et l

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