Et si la ville était à nous... aussi... - article ; n°1 ; vol.19, pg 44-62
20 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Et si la ville était à nous... aussi... - article ; n°1 ; vol.19, pg 44-62

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
20 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1977 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 44-62
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monique Dumont
Elisabeth Franken
Et si la ville était à nous... aussi...
In: Les Cahiers du GRIF, N. 19, 1977. Hors de chez nous femmes et ville. pp. 44-62.
Citer ce document / Cite this document :
Dumont Monique, Franken Elisabeth. Et si la ville était à nous.. aussi.. In: Les Cahiers du GRIF, N. 19, 1977. Hors de chez nous
femmes et ville. pp. 44-62.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1977_num_19_1_1266 Illustration non autorisée à la diffusion
Photo : Anne-Marie Velu.
et si la ville était à nous... aussi...
La ville moderne est le siège et le centre du
I. ou SEXISTE D'UNE ALIENATION LA VILLE, SOCIETE DES TRADUCTION NEO-CAPITALISTE FEMMMES SPATIALE EN VILLE ET néo-colonialisme et du néo-impérialisme. Le centre
est confisqué par les fonctions de décision et la
consommation. Le centre comme lieu des différen
ces et de la rencontre sociale se désagrège. Les
Le mode et les rapports de production engen habitants sont chassés des villes. Le prix du sol
drent une société. Dans les lieux où elle s'enracine, décide de l'occupation des banlieues.
celle-ci matérialise les rapports de classe et de sexe
Le pouvoir bourgeois organise l'espace-temps en déterminant l'organisation de l'espace-temps
de la classe laborieuse, elle lui assure un logement des différents groupes sociaux.
sans la faire accéder au bonheur d'habiter, elle
abrège, vole, morcelle son temps en d'interminabLa ville est le produit d'une société donnée,
elle est à son image et manifeste spatialement ses les navettes. La division des classes s'inscrit sur
contradictions. Bien plus, elle est un instrument le sol : anciens quartiers voués au pourrissement et
grâce auquel une classe, un groupe, un sexe affi à la démolition, réservés aux étrangers; quartiers
rénovés du centre : réinvestis par le marché de la rme et perpétue son pouvoir (1).
consommation de luxe; « quartiers- jardins » et
H est donc illusoire d'incriminer « la ville » « banlieues-dortoirs » de la périphérie.
en tant que telle. La ville, en soi, n'est ni un bien
A la division sexuelle du travail correspond une ni un mal, simplement un reflet d'une société.
division de l'espace urbain qui traverse tous les Ainsi les contraintes spécifiques que vivent les
types de quartiers, ségrégation à l'intérieur de la femmes dans nos villes occidentales sont dans la
ségrégation. logique de leur oppression économique et idéolo
gique.
Les lieux de la femme lieux privés Je dirais plutôt: les contraintes qu'elles
vivent du fait des villes, et ce ... y Comme premier espace de référence, la femme
habitent ou non! possède l'espace privé du logement, celui où
s'exerce son rôle socio-économique de mère et
La division de l'espace-temps urbain de ménagère à l'intérieur de la famille.
La division de l'espace urbain, plus ou moins ... à moins que ce ne soit le logement qui
spontanée, plus ou moins programmée, reproduit la possède, tellement privé qu'il la prive
les divisions de la société et prend l'allure d'une d'elle-même et du reste, y compris de ceux
ségrégation. avec qui elle vit.
44 confondent pour mieux l'enfermer. Les névroses Combien dentre nous n'ont-elles pas bien
engendrées par le néant du travail domestique, plus d'attention ou de passion pour le four
neau ou le sol à briquer, le linge à-laver- ou par les aléas des relations familiales se mêl
ent inextricablement aux névroses produites par pendre-et-dépendre-plier-repasser, les lits à
un habitat inhumain et contraignant. retaper que pour la douceur d'être chez soi,
dans un chez soi auquel on ne devrait rien Malgré le discrédit qu'elle encourt actuellque le plaisir dy être chez soi. ement et les difficultés traverse, la famille
Quelle femme reste le seul havre de sécurité affective dans un
ose - monde qui a évacué la personnalisation des rap
ne pas croire ports sociaux du monde de la production. De la
qu'elle ne mérite le droit de loger quelque même façon, la maison joue un rôle de refuge,
part d'abri pour les individus contre l'agressivité du
qu'à la stricte condition d\ entretenir » ce milieu urbain.
quelque part,
Clef de voûte de ces deux vecteurs de la sépersonnellement
curité : famille et maison, la femme supporte le ou par « personnel » interposé
poids de la réalisation de ces idéaux factices mais en assurant la supervision dudit personnel
seules alternatives à l'inhumanité des villes et des féminin
relations sociales dans le travail. approprié ?
Elle se doit de dispenser l'accueil et la chaAu sein du logement, son rôle se fige dans
leur mais aussi de rendre les lieux chaleureux l'espace : ménagère, elle a « sa cuisine », « sa
et accueillants. buanderie », amante-épouse elle partage la
« chambre des parents » dont les dimensions sem
C'est à ce niveau qu'il convient de situer l'acblent parfois excessives par rapport à l'espace to tivité décorative de la femme. Quoique décorer tal de l'appartement. prenne un autre sens qui a été souligné par Simo
Si la femme n'a pas de coin personnel, l'homne de Beauvoir. Ecartée de la création de l'uni
me non plus. C'est toute l'idéologie de la femme vers et de la société, la femme abdique tout pouv
au foyer et de l'homme forçat à l'extérieur qui se oir sur l'extérieur et, ce faisant, conquiert l'en
traduit en trois dimensions (voir « Dossier immob vers de l'espace (3). Ecartée de la conception des
ilier *) (2). Dans - les milieux privilégiés, volumes, elle se rabat sur la garniture des surfa
l'homme s'attribue souvent un « bureau » qui apces. Paradoxalement, pour la femme qui décore
paraît avant tout comme un lieu où s'isoler, même son « home » le foyer n'est plus du tout un décor,
quand sa profession ne le réclame pas, parfois le cadre plaisant d'une activité (comme pour beau
un atelier de bricolage, les enfants ont leur salle de coup d'hommes) mais une réduction du monde, un
jeu, leur coin étude, la femme aura peut-être un monde en soi.
coin couture» rarement une pièce à elle, où se La maison n'est pas le cadre d'un projet qui retrouver dans la solitude. débouche sur le monde. Derrière les doubles r
Est-ce que c'était ça qu'on appelait le « bou ideaux tirés, les volets baissés, les clôtures, les
doir » ? Un endroit où on puisse bouder ou haies, les barrières, elle enferme toutes les valeurs
... (imagine ...) de la femme, elle s'oppose à l'extérieur comme le
plein au vide, l'endroit à l'envers, la paix au tuDans la bourgeoisie, le droit à un espace pri
multe. vé personnel semble lié à l'exercice d'une activité
lucrative extérieure. Il ne va pas de soi. Pour la Mais la femme prolonge son pouvoir sur les
ménagère, la maison est à la fois le lieu de travail lieux privés principalement dans une activité quo
et celui où se retrouve la famille. Les frontières tidienne et répétitive d'entretien. Certains écrivains
de la maison, de la famille et de son travail se ont exalté ces travaux d'entretien dans lesquels ils
45 une communion sensuelle avec les lieux. voient Faudrait quand même pas trop ignorer
Comme l'inessentiel se charge de sens quand il est l'aliénation des femmes et leur responsabil
vu, parlé à distance ! En réalité, le nettoyage, en ité !
treprise de Sisyphe, ne débouche sur aucune créa Un homme qui s'habille de façon agui
tion. Il est sans prise réelle sur l'espace, il lutte chante risque peu d'être agressé par une
seulement contre sa dégradation. Le bricolage, lui, femme.
est déjà un acte créateur, producteur de modifica Le vêtement fait partie de la parade, telles tions durables de l'espace. Emmurées physique les plumes des oiseaux en saison des ment et psychologiquement dans leurs fiefs, les amours, mais pourquoi le fait de se montrer femmes entretiennent peu de liens entre elles. Leur femme sur le mode femelle suppose-t-il que division historique est traduite et entretenue par
l'homme, le mâle, soit invité à « prendre » leur séparation dans l'espace. la femme, la « tomber », se l'approprier ?
L'homme, le mâle, serait-il victime dun La rue
automatisme ?
Libre dans sa tribu,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents