Événement et journalisme - article ; n°1 ; vol.104, pg 151-160
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Description

Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1992 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 151-160
Claude Sales, Événement et journalisme, p. 151-160. Il y a une différence radicale entre la manière dont historiens, sociologues, philosophes, ethnologues... appréhendent le réel et la pratique des journalistes. Les premiers ont la distance, le temps, la réflexion, les seconds travaillent dans l'urgence et la tourmente, et ce sont eux pourtant qui fournissent pour une bonne part la matière de leur recherche aux premiers. Quel est le chemin qui mène des informations à l'Événement? De la collecte de ces informations sur la planète à leur hiérarchisation dans un journal, les étapes sont nombreuses et soulèvent des questions dont les réponses ne vont pas de soi. Il est clair, par exemple, que le journalisme de chaque pays porte l'empreinte de la société où il s'est constitué et a évolué. Il est évident que la (v. au verso) pratique journalistique ne peut pas exclure une insurmontable subjectivité qui peut fausser l'interprétation des événements. Enfin, il convient de ne pas oublier la dimension collective et économique de la presse et les contraintes qui en découlent. À travers cette démarche se posent deux questions essentielles : 1 - Liberté et indépendance de la presse. Dans les pays totalitaires l'information n'est qu'un instrument du pouvoir, mais il serait naïf de croire que dans les régimes démocratiques la presse est à l'abri de tout péril. La presse n'est pas un quatrième pouvoir, mais un contre-pouvoir. 2 - La véracité de l'information. Elle ne vient pas seulement de l'exercice de ce contre-pouvoir, mais aussi de la confiance qu'un lecteur accorde à son propre journal. Confiance fragile, problématique mais qui constitue paradoxalement une des meilleures garanties de son indépendance.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Claude Sales
Événement et journalisme
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 104, N°1. 1992. pp. 151-160.
Résumé
Claude Sales, Événement et journalisme, p. 151-160.
Il y a une différence radicale entre la manière dont historiens, sociologues, philosophes, ethnologues... appréhendent le réel et la
pratique des journalistes. Les premiers ont la distance, le temps, la réflexion, les seconds travaillent dans l'urgence et la
tourmente, et ce sont eux pourtant qui fournissent pour une bonne part la matière de leur recherche aux premiers.
Quel est le chemin qui mène des informations à l'Événement? De la collecte de ces informations sur la planète à leur
hiérarchisation dans un journal, les étapes sont nombreuses et soulèvent des questions dont les réponses ne vont pas de soi.
Il est clair, par exemple, que le journalisme de chaque pays porte l'empreinte de la société où il s'est constitué et a évolué. Il est
évident que la
(v. au verso) pratique journalistique ne peut pas exclure une insurmontable subjectivité qui peut fausser l'interprétation des
événements. Enfin, il convient de ne pas oublier la dimension collective et économique de la presse et les contraintes qui en
découlent.
À travers cette démarche se posent deux questions essentielles :
1 - Liberté et indépendance de la presse. Dans les pays totalitaires l'information n'est qu'un instrument du pouvoir, mais il serait
naïf de croire que dans les régimes démocratiques la presse est à l'abri de tout péril. La presse n'est pas un quatrième pouvoir,
mais un contre-pouvoir.
2 - La véracité de l'information. Elle ne vient pas seulement de l'exercice de ce contre-pouvoir, mais aussi de la confiance qu'un
lecteur accorde à son propre journal. Confiance fragile, problématique mais qui constitue paradoxalement une des meilleures
garanties de son indépendance.
Citer ce document / Cite this document :
Sales Claude. Événement et journalisme. In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 104, N°1. 1992.
pp. 151-160.
doi : 10.3406/mefr.1992.4204
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1992_num_104_1_4204CLAUDE SALES
ÉVÉNEMENT ET JOURNALISME
II y a quelque paradoxe et même quelque provocation à convier un
journaliste dans une assemblée de philosophes, d'historiens, de sociologues
et de scientifiques. Surtout pour disputer de l'événement. Vous avez la dis
tance et nous, journalistes, nous avons le nez celle sur l'événement. Vous
méditez, vous hésitez, vous avancez des hypothèses; nous travaillons dans
l'urgence. Vous œuvrez dans le temps et avec le temps; nous travaillons
dans la rapidité et contre le temps. Vous disposez, pour écrire, de la place
que vous souhaitez; nous disposons d'une place limitée. Vous vous libérez
de toutes les pressions conscientes ou inconscientes pour élaborer votre
œuvre, pour saisir la vérité; nous ne saisissons cette vérité (ou plutôt nous
essayons de la saisir) que dans la tourmente. Vous avez, bien sûr, le souci
de faire partager vos découvertes à vos pairs et au public, mais l'objet de
votre" recherche vous habite tout entier. L'événement nous habite nous auss
i tout entier, mais pour le transmettre, nous avons le devoir de penser sans
cesse au lecteur ou à l'auditeur ou au téléspectateur. Le commerce des
hommes, des idées, des cultures nous est sans doute commun, mais jour
nalistes, nous ne pouvons oublier la dimension économique de notre entre
prise. Quand il s'agit d'événements, vous triez, vous soupesez, vous appro
fondissez pendant des mois, des années; nous avons besoin au moins d'un
événement par jour ne serait-ce que pour «ouvrir» notre quotidien. Vous
travaillez dans la sérénité; nous travaillons dans la passion. Vous annoncez
les naissances et les décès; nous n'annonçons que les décès. Vous êtes des
spécialistes; nous sommes des généralistes.
Comme le célèbre oiseau de Minerve, vous vous levez au crépuscule,
quand dans la lumière du soir se dissolvent toutes les scories du jour et
qu'apparaît, peut-être, l'événement dans sa plénitude; nous nous levons
quand l'oiseau de Minerve s'endort, l'attente de l'événement.
Que de différences, de fossés, de ruptures entre vous et nous. Et pourt
ant, c'est nous qui, pour une part, vous fournissons la matière (ambiguë,
brute de décoffrage) de votre recherche. Parfois sous les lazzis ou sous les
critiques, parfois aussi avec un peu d'admiration. Car il vous arrive de vous
lever à l'aube et de vous faire journalistes. . .
MEFRIM - 104 - 1992 - 1, p. 151-160. CLAUDE SALES 152
Depuis l'ouverture de ce colloque «1789 l'événement», voici qu'en fil
igrane apparaît un autre événement: le massacre des étudiantes de Pékin.
Tout le monde l'évoque, tout le monde s'interroge. Comme si soudain à
deux siècles de distance, l'actualité faisait irruption au cœur de nos débats.
Il est vrai que les connotations ne manquent pas : ces manifestations
monstres sur la place Tiananmen, ces revendications pour davantage de l
iberté et de démocratie, ces images symboliques de jeunes désarmés face
aux chars, cette joie et cet espoir sur les visage ... et soudain ces coups de
feu qui brisent toute espérance. Aucun d'entre nous - journalistes, histo
riens philosophes ou spécialistes des sciences humaines - ne doute qu'il
s'agit là de l'événement du jour. Il fait la «une» de tous les journaux du
monde, qu'il s'agisse de presse écrite ou de presse audiovisuelle. L'événe
ment est là une évidence. Mais, en même temps, qui nous dit qu'ailleurs
sur la planète, à Moscou, à Varsovie, au Liban . . . d'autres événements au
jourd'hui cachés et peut-être plus importants ne se sont pas déroulés? Auss
i convient-il de suivre à travers quelques étapes significatives le chemin
qui mène des «informations» à l'événement, sans oublier au fur et à mesure
les questions qu'elles posent.
Première étape, la plus banale, la plus concrète, mais aussi la plus né
cessaire, celle qu'il est convenu d'appeler la collecte des informations. Sans
nous y attarder (et sans entrer dans le débat connu et nous semble-t-il un
peu dépassé de la domination des agences de presse internationale), rappe
lons les deux sources principales des informations publiées par tous les or
ganes de presse. D'une part les grandes agences internationales justement,
qui grâce à leur réseau de journalistes couvrent la quasi totalité des pays du
monde. D'autre part les rédacteurs propres à chaque organe de presse; l'i
mportance de cette équipe rédactionnelle varie selon les journaux, les mis
sions qu'ils se donnent, le public qu'ils souhaitent toucher, etc. Les grands
journaux à vocation internationale ont évidemment des envoyés spéciaux
permanents dans les principales capitales et n'hésitent pas à envoyer un
journaliste dans n'importe quel pays du monde dès que s'y déroulent des
événements significatifs. D'autres à vocation régionale feront porter leur
effort sur le secteur même de leur zone de diffusion, ce qui ne les empêche
pas pour autant de disposer d'un bureau à Paris et de correspondants à l'
étranger. D'autres encore feront essentiellement confiance pour la couver
ture internationale aux agences de presse. Au vrai, dans ce domaine, il n'y a
pas de règle, mais des aménagements en fonction de la nature et des ob
jectifs de chaque organe de presse. ET JOURNALISME 153 ÉVÉNEMENT
Malgré tout, une question se pose : est-ce que les journalistes couvrent
tout? Les mailles de leur filet «attrappe événement» sont-elles assez serrées
pour ne laisser échapper rien d'essentiel? Question innocente et pratique
ment sans réponse. S'il apparaît à peu près évident que les grands événe
ments politiques, économiques, sociaux n'échappent pas à leur attention
(au moins dans les régimes démocratiques, car dans les pays totalitaires,
c'est une autre affaire et nous y reviendrons), il n'est pas du tout assuré que
des événements culturels ou scientifiques soient tout de suite perç

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