Fragments - article ; n°1 ; vol.26, pg 105-107
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1983 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 105-107
3 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

Anne-Marie de Vilaine
Fragments
In: Les Cahiers du GRIF, N. 26, 1983. Jouir. pp. 105-107.
Citer ce document / Cite this document :
de Vilaine Anne-Marie. Fragments. In: Les Cahiers du GRIF, N. 26, 1983. Jouir. pp. 105-107.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1983_num_26_1_1376Fragments
Anne-Marie de Vilaine
Il nous arrive souvent d'être comme ça, c'est ce que vous ne
voulez pas comprendre. D'être dans un état paroxystique,
orgastique, ruisselante de sentiments, de sensations extrêmes. Mais
vous ne les supportez pas, nos orgasmes du quotidien.
Vous ne les vous autorisez que dans la perte de conscience, la
drogue du sexe. Et là, vous ne nous trouvez pas assez réceptives,
pas au diapason, pas assez graves. Nous ne prenons pas assez au
sérieux votre petite mort, car pour nous l'amour, faire l'amour,
c'est la vie. Et la vie nous rend gaies, nous donne envie de rire,
envie de rire de ce sérieux mortel avec lequel vous prenez
l'orgasme de la vie, de l'amour, notre respiration naturelle.
Mettre et couper le contact. Bonjour, au revoir, aujourd'hui,
demain, ici et là, avant, pendant, après, jamais vous ne vous
prenez les pieds sauf lorsque vous prenez votre pied.
Jouissance il n'y a pas. Ils ne veulent pas jouir autrement que
pauvrement, partiellement. Ils ne veulent pas nous faire jouir
autrement que par un canal obligé. Ils ne veulent pas nous lécher
toutes entières, nous prendre à la racine de l'enfance, nous faire
redevenir enfant dans un corps à corps de jouissance ludique avec
la mère.
Ce sont eux les éternels enfants qui jouent avec leur zizi sous les
yeux attendri de la mère, de la femme qui doit prendre son pied en
les regardant/ sentant bander.
Jouissance il n'y a pas.
Il faut toujours se contenter d'un substitut, d'un simulacre, d'un
erzatz comme on disait pendant la guerre. Interminable guerre
larvée, non pas des sexes, ni des hommes et des femmes, mais de *
la mère et du père. Car ils ne rêvent qu'à lui, à se faire baiser par 105 lui ou à le baiser, tout le temps en train de confondre jouissance et
pouvoir. Amour et jalousie, passion et exclusivité/rivalité.
La tendresse, la sensualité, la complicité, ils ne connaissent pas.
Lorsqu'il sont amis de l'homme qui est en nous, c'est souvent par
répulsion pour la femme que nous sommes et lorsqu'ils aiment
notre féminité, c'est parce qu'ils ont peur de notre virilité.
Elle se disait: «Qu'est-ce qui a été touché, réveillé, révélé? Qu'est-
ce qui a fait sens soudain lorsque le sexe de cet homme a rencontré
le mien? Comme si dans la jouissance, l'inconscient parlait
directement par la bouche du sexe,...
Jouissance. Connaissance.
Mais quelle connaisance? Et de quoi?
Un jour, elle comprit cela...
La mer(e) extérieure était devenue intérieure. Le sexe de l'homme
lui faisait toucher la mer(e) de l'intérieur. La mère juive était au
bout de son pénis. Ils en étaient 1' animus et l'anima. Le lieu de
rencontre de sa puissance et de son impuissance mêlées. Elle, la
matrice, l'origine toujours déniée, reniée par la société qui,
parfois, se vengait puissamment de son impuissance. Force
première, devenue créature relative n'existant que par rapport aux
mâles, au mal. Nourriture, abri, écoute, refuge, dernier recours,
elle n'était là que pour eux. Mais, pour elle, pas de pouvoir
créateur, de puissance sexuelle, d'autonomie sociale: elle ne devait
pas déserter son poste.
«Au fond de l'homme, cela...». Cela: la sphynge, mi-homme, mi-
femme, mi-humaine, mi-animal, mi-déesse qui surgissait là, au
cur du sens de leurs sexes mêlés.
Ajustés l'un à l'autre depuis des éternités, aspirés dès avant la
naissance dans une étreinte primordiale, l'homme et la femme
sentaient qu'ils étaient faits pour se rencontrer. Mais, dans ces
grands fonds marins où passaient ds courants tièdes et glacés, ils
106 étaient roulés par la mer. Pour l'une émergeait de son corps-sexe irradié de plaisir, comme
une cathédrale engloutie bruissante d'harmonies inconnues, tout
un monde de sensations-pensées, de jouissances-illuminations, de
certitudes insaisissables qui la transfiguraient.
A l'inverse, comme un voleur de plaisir, crispé, perdu, épouvanté,
naufragé, il jouissait de son corps sans l'épouser, dissimulant on
ne sait quelle insuffisance, quel secret d'enfance, quelle nostalgie,
quelle rancune. O tant de rides sur le visage de vieil enfant de
l'homme qui jouit comme on perd la vie...
Elle, pourtant, ne pouvait s'empêcher de parler. Cela parlait à
travers elle d'un sexe comme un croissant de lune, épousant la
courbure du sien, d'une nuit parfumée de jasmin, d'un prince-
enfant, d'une mère sensuelle et possessive, de la force subversive,
asociale de la jouissance qui les arrimait l'un à l'autre.
Les immobilisait.
Il se recroquevillait plus encore.
Elle aurait du se taire. Mais peu lui importait. Elle ne l'aimait pas,
lui, dans son identité particulière, avec ses titres, ses fonctions, son
pouvoir, sa jeunesse même, elle ne pouvait l'aimer que dans la
complicité d'une connaissance fondamentale à laquelle il se
refusait.
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