Fragments d histoire littéraire à propos d un nouveau manuscrit de chansons françaises (fin). - article ; n°1 ; vol.20, pg 465-502
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1859 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 465-502
38 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1859
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Louis Passy
Fragments d'histoire littéraire à propos d'un nouveau manuscrit
de chansons françaises (fin).
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1859, tome 20. pp. 465-502.
Citer ce document / Cite this document :
Passy Louis. Fragments d'histoire littéraire à propos d'un nouveau manuscrit de chansons françaises (fin). In: Bibliothèque de
l'école des chartes. 1859, tome 20. pp. 465-502.
doi : 10.3406/bec.1859.461925
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1859_num_20_1_461925..-f-
FRAGMENTS
D'HISTOIRE LITTÉRAIRE
A PROPOS
D'UN NOUVEAU MANUSCRIT
DE CHANSONS FRANÇAISES.
(Fin.)
Jehan Bretel. Appelons Jehan Bretel et décernons-lui la cou
ronne. C'est le roi des trouvères artésiens; c'est le prince du Puy
d'Arras ' . Les poètes, ses adversaires et ses amis , le nomment
Jehan, Jehan Bretel, Bretiax, Bretiaux, prince du Puy. Arras le
vit naître dans le commencement et briller dans le milieu du
treizième siècle. Grâce à un jeu parti, où il est question de l'e
xpédition de Charles d'Anjou contre Manfred 2, Fauchet avait
depuis longtemps fait de Bretel le contemporain de saint Louis 3.
J'ajoute que Jehan Bodel s'écrie dans son congé composé avant
1260:
Bretel, kel gré que jou en aie
Me covient que je me retraie
Del siècle, où ma chéance empire 4.
1. B. VâtM fol. 160, r° : Ferri, se vous bien amies. Fol. 161, v° :'t Ferri, il sont
àoi amant. Fol. 167, v° : Lambert Ferri une dame orgeilleuse. Fol. 1G8 \° :
Robert de Chastel, biau sire. Fol. 171, v° -.Avons Maihieu li tailleres. Vol. ill, r° :
Jehan de Vergelai, vostre ensient. — B. S. X, 3c, fol. 42 r° : Princes del Vui
tnout bien savés trouver. — Et fol. 47 v° : Sire Prieus de Bouloigne.
1. B. S. 136, fol. 44 \°. — B. Vat, 1522, fol, 153 r".
3. Fauchet, Œuvres, fol. 585.
4. Barbazan et Méon, Fabl. et contes, Paris, 1808, t. I, p. 143,
V. (Quatrième série ) 31 466
Bre-tel était-il chevalier, bourgeois on clerc1 ? Chevalier, je le
nie; bourgeois, je L'ignore; clerc, j'en doute. Aucun texte ne
le qualifie de messire comme Jehan de Grieviler, de maistre
comme Jehan de Marli ou Guillaume le Yiniers. Les Bretel, s'il
est vrai qu'il y eût une famille bourgeoise de Bretel à Arras , ne
semblent pas y avoir tenu le rang considérable des Pouchin ,
des Wion, des Yerdière, des Freskin. On ne les retrouve ni dans
les congés de Jehan Bodel, de Baude Fastoul et d'Adam le
Bossu , ni dans l'inventaire des titres de l'Artois, dressé par Go-
defroy. Les auteurs de Y Histoire littéraire ont répandu le bruit
que Bretel était riche 2 : je ne sais sur quelle autorité ils fon
dent leur opinion : peut-être, en voyant Bretel présider les séan
ces solennelles du Puy, se sont-ils souvenu qu'au seizième siè
cle, cet honneur était réservé à celui qui pouvait le recon
naître par sa libéralité. Il suffit , ce me semble, du caractère et
du personnel de cette confrérie littéraire qu'on appelle le Puy;
il suffit de l'empire irrésistible qu'un esprit vif et fécond exerce
sur la société de son pays et de son temps, pour expliquer com
ment un simple trouvère s'est élevé à la présidence d'une des
plus illustres assemblées du treizième siècle. L'esprit, en France,
a toujours pesé dans la balance de l'opinion publique du même
poids qu'une lourde épée ou de gros sacs d'écus , et il n'est pas
difficile d'admettre que le secret de la fortune littéraire de Bretel
est dans la supériorité de son talent. Assurément je n'oserais
pas dire que Bretel conserva perpétuellement une dignité très-
probablement temporaire ; mais je constate que dans aucun jeu
parti on ne trouve d'autre prince du Puy que sire Jehan Bretel,
ou sire Jehan, c'est-à-dire Bretel.
Bretel était un trouvère, et rien qu'un trouvère. Entrons dans
« l'ostel le Prince : » là sont réunis les compagnons de la gaie
science. Le bon Dieu, s'il faut en croire Courtois ď Arras, nous
y a précédé. Il vient apprendre les motets ď Arras : mais le
voyage ne lui réussit pas. Il tombe malade. Pouchin l'aîné , Ro
bert de le Pierre , Gilebert de Berneville, Phelippot Yerdière ,
Rousseau le tailleur , Bretel à son tour , chacun s'efforce de le
distraire.
1. B. Vat. 1490. La table répète cette inscription : « Ce sont les cançons Jehan
Bretel ď Arras. » Le feuillet qui contenait cette a été enlevé.
2. Hist, littér., t. XXIII, p. 630. 467
Bretiaus s'est vantés к' à Diu s'en ira,
Plus que tout li autre Pesbaniera :
II lit le paon, se braie avala ,
Celui de Beugin trestout porkia.
Diex en eut tel joie de ris s'escreva ,
De se maladie trestous respassa ,
Et per li doureíes vadou, vadu, vadourene1.
Voilà Bretel peint au naturel. Je sais qu'il faut éclairer le
caractère des hommes à la lumière des mœurs contemporaines :
mais qui pourrait voir dans ces farces, dans ces grossières pas
quinades, disons-le, dans ces tours de saltimbanques , la con
duite d'un noble chevalier, les allures d'un respectable bour
geois? N'est-ce pas, au contraire, le trouvère dans sa licencieuse
gaieté, le ménestrel que le fabliau de Saint-Pierre donnait à
nourrir aux barons, le jongleur qui répète son rôle de fou des
princes et des rois? Involontairement on se rappelle les fêtes
qui illustrèrent , en 1237, le mariage de Bobert d'Artois et de
Mahaut de Flandre : poètes, artistes, acteurs, donnant en foule
à la cour les spectacles les plus variés ; les uns chevauchant dans
les airs sur une corde roide, les autres montés sur des bœufs et
annonçant à son de trompes les divers mets qu'on plaçait sur
les tables; et envoyant Bretel « faire le paon et avaler sa braie, »
ne se demande- t-on pas involontairement s'il n'a pas débuté par
des tours de précision et d'adresse 2 ?
Bretel était un trouvère et , pour ainsi dire , par sa profession
même, voué aux plaisirs de l'amour, de la table et du jeu. Voyez
ces gourmands qui tombent en arrêt sur un étalage de comesti
bles et savourent de l'œil les mets qu'ils voudraient dévorer ;
ainsi Bretel ramène volontiers sa pensée et la fixe sur les plaisirs
de la table3. Bretel n'était pas homme à tenir contre les séduc
tions de la bonne chère. Audefroi semble flatter ses penchants
en lui vantant la truite4. Cunelier paraît l'allécher avec le fu
met des meilleurs vins 3. Entre tous les rôles que jouait un trou
vère, Bretel devait tenir supérieurement celui de convive. Peut-
être, comme Byron, chercha-t-il son génie dans le fond d'une bou-
1. B. Imp. Sup. Fr. 184, fol. 197.
2. Albéric des Trois Fontaines, cité par M. Dinaux, Trouv. artés., p. 415.
3. B. Vat. 1490, fol. 149 vo, 152 r°, 153 r°, 164 v° ; 1522, fol. IGOv0.
4. B. Vat. 1522, fol. 155 v°.
5. B. Vat. fol. 157 r°.
31. 468
teille; peut-être comme son ami Ferri, que cependant il se
rmonne1, chercha-t-il la fortune dans le hasard des dés2. Il ne
s'est pas trahi , et l'histoire ne doit pas pousser ses soupçons
plus avant.
En vain dans ses chansons d'amour Bretel vante-t-il sa cons
tance ; un je ne sais quoi nous avertit de nous tenir en défiance.
La vivacité de l'esprit, qui était son fonds, dut le conduire à
la légèreté du cœur.
Trop avez le cuer cangant,
S'en devés mains estre amés...
lui dit Lambert Ferri 3 .
Jehan Bretel, vos faussetés
Vous fait cou dire, bien le sai
reprend Perrin d'Auchicourt 4. Grieviler ne lui ménage pas les
reproches :
Bretel, vos grans fausseries
Sont bien descouvertes chi ;
Bien avés amours traies,
Se vous en ouvrés ensi.
West pas loiaus qui chou croit s.
Et dans une autre occasion :
Jehan Bretel , je cuit que vous menez
Mauvese vie à mie ou à moullier e.
Ce qui semblerait dire que Bretel se maria. S'il se maria, }6
plains sa femme : je la plains d'abord parce qu'il chanta les-
grâces d'une Beatrix adorée 7, et qu'il soutint un jour que l'
amour ne peut durer dans le mariage 8; ensuite parce que sa ré
putation de ruse, j'allais dire de fourberie, était notoire. Dans
une satire contemporaine, après avoir annoncé que Wagon allait
construire u

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