François Bernier, philosophe de Confucius au XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.60, pg 385-400
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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1973 - Volume 60 - Numéro 1 - Pages 385-400
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 93
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

José Frèches
XIV. François Bernier, philosophe de Confucius au XVIIe siècle
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 60, 1973. pp. 385-400.
Citer ce document / Cite this document :
Frèches José. XIV. François Bernier, philosophe de Confucius au XVIIe siècle. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-
Orient. Tome 60, 1973. pp. 385-400.
doi : 10.3406/befeo.1973.5151
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1973_num_60_1_5151BERNIER FRANÇOIS
PHILOSOPHE DE CONFUCIUS AU XVIIe SIÈCLE
PAR
José FRÈGHES
François Bernier, né à Paris en 1620, y meurt en 1688. Issu d'un
milieu humble, ses parents cultivent à bail les terres du chapitre de
Saint-Maurice-d'Angers, il tombe orphelin très jeune. La ferme de
ses parents valant quelque argent1, François Bernier se trouve à la
tête d'un modeste pécule qu'il léguera à son neveu René Bomogault.
Après une jeunesse studieuse, Bernier passe un doctorat à Montpellier,
en 16522. Devenu médecin, il est attiré par les contrées orientales et
s'embarque pour la Syrie en 1656. De là, il gagne les Indes et le Cache
mire. Médecin attitré du Grand Mogol, il a rang de Vizir. Des intrigues
de cour l'obligent à regagner la France en 1669. C'est en sortant de
la table du Procureur Général de Harley8 qu'il meurt, frappé d'apo
plexie.
Voyageur, Bernier l'est à coup sûr. Ambitieux aussi. Sans doute
faut-il voir dans son départ pour l'Orient une tentative pour sortir
de la médiocrité à laquelle sa situation sociale le condamnait. La chance
lui sourit aux Indes.
De son œuvre écrite, on peut dire qu'elle est d'un orientaliste.
Bernier ne s'est pas contenté d'étudier les pays où il a vécu. Le but
de cette étude, à propos d'une traduction inédite de Confucius faite
par Bernier à la fin de sa vie, serait d'éclairer l'aspect sinologique des
écrits de François Bernier, en montrant comment on pouvait devenir
sinologue à la fin du xvne siècle.
(1) Voir l'acte de vente du 18 juillet 1638, cité in L. de Lens, Documente inédite ou peu
connus sur F. Bernier, Angers 1873.
(2) Ibidem.
(3) L. Racine, Mémoires sur la vie de Jean de Racine, Paris s. d., p. 343. JOSÉ FRÈCHES 386
I. Confucius selon Bernier
La bibliothèque de l'Arsenal possède deux exemplaires manuscrits
non signés, attribués à François Bernier, ayant pour titre Confucius
ou la science des Princes, contenant les principes de la religion de la
morale particulière et du gouvernement politique des anciens empereurs
et magistrats de la Chine abrégée et mise en français par M. Bernier,
docteur en médecine de la Faculté de Montpellier1. Un avis au lecteur
précède le texte confucéen proprement dit2. Ce texte éclaire en de
nombreux points la démarche intellectuelle de Bernier. Les biographes
de Bernier, à tort, l'ont ignoré. Lorsque Nivard prononce l'éloge du
médecin en 1685 devant l'Académie d'Angers, le rédacteur des procès-
verbaux se contente de citer Г Abrégé de la philosophie morale de Gassendi
parmi les ouvrages du médecin. Quant aux diverses relations3 orientales,
on y fait à peine allusion4. De Confucius il n'est pas question.
Pourtant, au moment où Bernier écrit son ouvrage sur le philosophe
chinois, sa réputation intellectuelle n'est plus à faire. Ses ouvrages
sur l'Orient connaissent des succès. Par ses lectures, et notamment
grâce à La Mothe Le Vayer, il se tient au courant des recherches pour
suivies depuis le début du siècle par les orientalistes européens, qu'ils
soient jésuites ou laïcs. Aussi l'Avis au lecteur pour servir de clef ou
d'introduction à la lecture de Confucius commence-t-il de manière quelque
peu abrupte par une déclaration d'intention visant à faire de l'histoire
chinoise un des plus anciens et des plus vénérables récits du monde.
Sans doute doit-on replacer ceci dans la perspective autrement plus
vaste du débat engagé au xvne siècle entre les chronologistes. En cette
fin du xvne siècle, la science chronologique, essentiellement jésuite,
reste une tentative, ambiguë à certains égards, visant à démontrer
l'antériorité de certaines civilisations par rapport au monde judéo-
chrétien. De la sorte, le paganisme de certaines régions du monde
devenait « excusable », et la voie était ouverte aux missionnaires et à
leurs conversions.
« Les Chinois », écrit Bernier, « content depuis Fohi leur premier
empereur jusques à present 4658 ans. Ils ont même l'histoire consecutive
de tous leurs empereurs depuis ce Fohi jusques à celuy qui règne présen
tement, et ils ne doutent non plus de la vérité de cette histoire qu'on
doute en Europe de l'histoire romaine.6 ».
Le ton est pour le moins catégorique. L'auteur poursuit : « Aussy
est-ce de cette sorte qu'en parle le pere Martini9 qui nous a donné
(1) Ms n°« 2381 et 2689. Le dernier est donné par le catalogue comme autographe.
(2) On ne saurait souligner assez l'intérêt d'une édition critique de ce texte.
(3) « Ces relations de voyages, lesquelles ont été traduites avec tant de soins qu'il ne
s'en trouve plus chez les libraires tant les curieux de l'Europe les recherchaient », L. de Lens,
Op. cit., p. 34 (extrait des Procès verbaux de l'académie d'Angers).
(4) Cf. la bibliographie de Bernier, en fin d'article.
(5) Bernier, op. cit., p. 1.
(6) Martino Martini, S. J., auteur de divers ouvrages sur l'Orient, collaborateur du
Novus Atlas Sinensis, Paris 1678 et d'une monumentale Synopsis cronologia monarchiae
dinicae, publiée à Paris en 1672, BERNIER PHILOSOPHE DE CONFUCIUS AU XVIIe SIÈCLE 387 FRANÇOIS
un abrégé de qua ne dubitari quidem potest, ce qui me semble obliger
de régler l'antiquité des temps suivant celle des Hébreux parce que
ceux-cy ont tellement resseré la durée du monde depuis sa création que
si leur chronologie estoit véritable, le commencement de la monarchie
de la Chine se trouverait environ 660 ans au-delà du déluge, au lieu que
selon la supputation des septante qui donne au monde une plus longue
durée il peut avoir esté environ 668 ans après i»1.
Bernier a donc opté pour le clan des chronologistes « nouvelle
manière », qui allongent la durée du monde afin de pouvoir donner
au déluge une apparence de vraisemblance. Les Chinois ont-ils précédé
le déluge? Bernier n'oserait trop formuler une telle hypothèse. Toutef
ois, la suite du texte contient des renseignements que les études sinolo-
giques les plus modernes ont depuis lors confirmé :
ч Pour ce qui est de Testât des choses avant le premier empereur,
ils tiennent pour constant que la Chine estoit divisée en quantité de
petits royaumes qui estoient autant de. petits princes souverains et
absolus, et qu'elle même est restée fort longtemps sous cette sorte de
gouvernement, car les uns parlent de six mille ans, les autres de plus,
les autres de moins, chacun selon sa pensée »2.
Ainsi, a Chine » serait synonyme d'Empire, c'est à dire de pouvoir
absolu, unifié et centralisé, selon les bonnes règles confucéennes, même
si le pouvoir s'exerce au niveau du petit royaume comme c'était le
cas à l'époque de Confucius. Selon Bernier, qui rejoint ici l'ensemble
de ses confrères sinologues du xvne siècle, l'idéologie confucéenne
reste étroitement liée à la structure impériale. Mais le philosophe Confuc
ius se double d'un historien. « C'est apparemment à cause de ce défaut
d'histoire (avant Confucius) qu'ils ne disent pas un mot du déluge
universel, de Noé, de Dilluvio Noemico, dit le même Martini, altum
apud Sinas silentium. Ils ne parlent que de ce déluge de neuf années
consécutives qui arriva longtemps après l'établissement de la monarc
hie »3.
On croirait entendre le père Martini. Le Jésuite avait posé le pro
blème chronologique dès 1658, dans son ouvrage Sinicae Historia decas
primas publié à Munich. Mais François Bernier va plus loin. Le but
qu'il se donne consiste à définir la « sagesse » des empereurs de Chine,
tout en montrant qu'elle est d'essence confuc

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