Histoire et Événement. De la controverse méthodique au débat théorique - article ; n°1 ; vol.104, pg 37-48
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée - Année 1992 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 37-48
Jochen Hoock, Histoire et Événement. De la controverse méthodologique au débat théorique, p. 37-48. «Il suffit de se laisser en quelque sorte porter par les documents, lus l'un après l'autre, pour voir la chaîne des faits se reconstituer presque automatiquement», écrivait Louis Halphen en 1946. Au-delà des critiques de Lucien Febvre, cette assertion invite à réexaminer, à la lumière de l'historiographie allemande du second XIXe siècle (Droysen, Bernheim) et de la genèse de la démarche sociologique (Durkheim, Weber), le rapport qu'entretiennent événement et histoire : L'Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes de Chateaubriand constitue à cet égard, comme l'a récemment souligné Reinhart Koselleck, le point de départ d'une réflexion où l'événement retrouve sa place au sein de toute tentative de «méta-histoire». 30
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

Jochen Hoock
Histoire et Événement. De la controverse méthodique au débat
théorique
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée T. 104, N°1. 1992. pp. 37-48.
Résumé
Jochen Hoock, Histoire et Événement. De la controverse méthodologique au débat théorique, p. 37-48.
«Il suffit de se laisser en quelque sorte porter par les documents, lus l'un après l'autre, pour voir la chaîne des faits se
reconstituer presque automatiquement», écrivait Louis Halphen en 1946. Au-delà des critiques de Lucien Febvre, cette assertion
invite à réexaminer, à la lumière de l'historiographie allemande du second XIXe siècle (Droysen, Bernheim) et de la genèse de la
démarche sociologique (Durkheim, Weber), le rapport qu'entretiennent événement et histoire : L'Essai historique, politique et
moral sur les révolutions anciennes et modernes de Chateaubriand constitue à cet égard, comme l'a récemment souligné
Reinhart Koselleck, le point de départ d'une réflexion où l'événement retrouve sa place au sein de toute tentative de «méta-
histoire».
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Hoock Jochen. Histoire et Événement. De la controverse méthodique au débat théorique. In: Mélanges de l'Ecole française de
Rome. Italie et Méditerranée T. 104, N°1. 1992. pp. 37-48.
doi : 10.3406/mefr.1992.4196
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_1123-9891_1992_num_104_1_4196JOCHEN HOOCK
HISTOIRE ET ÉVÉNEMENT
DE LA CONTROVERSE MÉTHODOLOGIQUE AU DÉBAT THÉORIQUE
1 - INTRODUCTION
Tout le monde connaît grâce surtout au compte rendu de Lucien Feb-
vre «Sur une forme d'histoire, qui n'est pas la nôtre» la remarque de Louis
Halphen qui clôt sa présentation du travail des sources dans son Introduct
ion à l'histoire parue en 1946. «Il suffit, note-t-il, de se laisser en quelque
sorte, porter par les documents, lus l'un après l'autre, tels qu'ils s'offrent à
nous, pour voir la chaîne des faits se reconstituer presque automatiquem
ent»1. Ce conseil désarme par son étonnante naïveté, mais ne se conçoit
pas en réalité sans l'accent mis par Halphen sur la critique méthodique de
ces mêmes documents. Quarante ans plus tôt on trouvait aisément chez
des historiens comme Victor Langlois et Charles Seignobos ou Wilhelm
Bauer et Ernst Bernheim des phrases qui témoignent d'un même sent
iment et de la même tendance à ramener la méthodologie historique à la
seule méthode critique. Mais on y trouve aussi une inquiétude qui est loin
de ressembler à ce positivisme tranquille à la Halphen pour qui les événe
ments majeurs sont déjà consignés dans les archives, et qu'il suffirait seule
ment de déterrer pour leur rendre vie. Le regard de ces historiens se tourne
au contraire vers les sciences sociales systématiques, la psychologie et l'a
nthropologie politique, dont Wilhelm Bauer est par exemple prêt à admettre
qu'elles puissent livrer un jour une «grammaire de l'histoire» et dont
Charles Seignobos concède au moins l'intérêt heuristique tout en récusant,
il est vrai, les a priori d'une théorie sociale générale.
Dans la première partie de notre analyse nous reviendrons surtout sur
cette conscience malheureuse de l'histoire dite événementielle.
En quoi se distingue-t-elle de la conscience problématique d'un
1 Introduction à l'histoire, Paris, 1946, p. 50.
MEFRIM - 104 - 1992 - 1, p. 37-48. 38 JOCHEN HOOCK
Droysen? Quelle importance accorder à la constellation interdisciplinaire?
Comment, surtout, comprendre la nature spécifiquement historienne de la
réponse apportée par le groupe des Annales?
La deuxième partie s'attachera au problème d'une théorie des temps
historiques et aux questions qu'elle soulève aux yeux de l'historien comme
aux réponses qu'elle apporte. Comment intégrer dans l'analyse historique
un phénomène tel que l'accélération apparente du cours des événements?
Comment concilier, en d'autres termes, «Ereignis- und Strukturges
chichte», sans oublier, pour reprendre une formulation de Paul Ricœur,
«la sorte de contrainte que l'événement passé exerce sur le discours histo
rique à travers les documents connus, en exigeant de celui-ci une rectifica
tion sans fin»2.
Que ce problème ait été entrevu pour la première fois au moment de la
Révolution par Chateaubriand dans son Essai sur les révolutions, commenc
é en 1794 mais paru en 1797, autorise à mon sens que l'on rattache ce pro
blème à la discussion générale sur l'«événement 1789». Tout en étant irr
écusable, cet événement est loin d'être donné. Où donc le situer? Quel statut
lui accorder?
2 - La critique de l'opération historique
Dire que la suggestion de Halphen n'est ici d'aucun secours, n'est pas
tout à fait juste. L'idée du «flot des documents» contient une série de pré
supposés, de non-dits, qui s'explicitent à travers des notions comme «civil
isation», «émancipation» ou «progrès», dont les connotations sociales tout
en indiquant un même mouvement peuvent être parfaitement différentes.
Or ce sont surtout elles qui fondent l'«opération historique».
Ce qui fait que la trace documentaire d'un quelconque fait devienne
aux yeux de l'histoire historisante un fait historique, c'est la détermination
exacte de son insertion dans la chaîne chronologique. L'événement naît à
ce niveau d'observation de la détermination de son «avant» et de son
«après». Cette opération peut être évidemment plus ou moins simple, s'
étendre à des complexes d'événements ou, ce qui est souvent le cas, concer
ner des faits dits imparfaits. Ernst Bernheim utilise, pour illustrer cette
opération, un exemple, que l'on retrouve un peu partout, celui du roi itiné
rant, dont on possède la trace documentaire de sa présence en des lieux et
2 Paul Ricœur, Temps et récit, tome III, Paris, 1985, p. 225. HISTOIRE ET ÉVÉNEMENT 39
à des dates différentes et dont on reconstitue l'itinéraire grâce à l'inte
rférence des conditions de transport3.
À partir de ce type de cas simples on s'élève par des opérations contrôl
ées vers des ensembles plus complexes qui forment la trame d'un récit et
constituent, à la limite, les éléments d'un tableau d'une époque. Victor Lan-
glois et Charles Seignobos conçoivent ainsi par approches successives la
lente constitution d'une histoire générale, mais ils se défendent de l'antici
per autrement que sous forme d'hypothèses. «Pour ma part, déclare par
exemple Charles Seignobos en 1907 au cours d'une réunion de la Société
française de philosophie à la Sorbonne, quand je cherche les mobiles des
actes humains, je me représente à chaque moment de l'histoire, trois
couches de causes de plus en plus profondes : 1) la première, la plus superf
icielle, c'est la couche des phénomènes psychologiques conscients, ce sont
les phénomènes directeurs qui donnent sa forme à la vie politique, intellec
tuelle, économique; 2) la seconde, ce sont les phénomènes psychologiques
conscients correspondant à la région des impulsions et des tendances; ils
fournissent les forces de production de la vie économique et produisent les
grandes crises de la vie publique et privée; 3) la troisième, ce sont les phé
nomènes physiologiques, qui dépendent des conditions matérielles, l'héré
dité, la race au sens anthropologique, le milieu»4. On trouvera chez Ernst
Bernheim des formulations aussi étonnantes, qui paraîtront sans doute à
certains très modernes, mais qui au moment où elles sont formulées, tra
duisaient plutôt un certain embarras.
Car en fait l'activité ordonnatrice et classificatrice en fonction de la
seule critique erudite des faits n'est rendue possible que par une sorte de
garantie tacite qui au début du siècle n'est justement plus sans poser pro
blème. La célèbre formule de Johann Gustav Droysen qu'« au-dessus des
histoires il y a l'histoire», n'est alors plus acc

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