Ignorances et distractions administratives en France aux XIVe et XVe siècles - article ; n°1 ; vol.100, pg 145-156
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Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1939 - Volume 100 - Numéro 1 - Pages 145-156
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1939
Nombre de lectures 13
Langue Français

Extrait

Gustave Dupont-Ferrier
Ignorances et distractions administratives en France aux XIVe et
XVe siècles
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1939, tome 100. pp. 145-156.
Citer ce document / Cite this document :
Dupont-Ferrier Gustave. Ignorances et distractions administratives en France aux XIVe et XVe siècles. In: Bibliothèque de
l'école des chartes. 1939, tome 100. pp. 145-156.
doi : 10.3406/bec.1939.449190
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1939_num_100_1_449190IGNORANCES
ET DISTRACTIONS ADMINISTRATIVES
EN FRANGE
AUX XIVe ET XVe SIÈCLES
De Philippe le Bel à Louis XII, l'administration monar
chique semble avoir été rarement avide de précisions rigou
reuses : son principal souci c'était, aux dépens des anciens
maîtres du pays, les seigneurs féodaux, d'accroître les droits
du maître actuel de la France, le roi. Quant à connaître exac
tement les limites du royaume et de ses subdivisions, cela
paraissait presque toujours impossible, sinon quelque peu
mutile. Deux anciens conservateurs des Archives nationales,
MM. Léon Le Grand et Henri Stein, ont démontré, en 190Í51,
comment, au xvie siècle encore et depuis 843, les frontières
orientales du royaume restaient incertaines, sans qu'on s'en
alarmât outre mesure. Pour notre part, nous avons, en 1902
et en 1930, tenté de prouver à quel point les limites des bail
liages et celles des élections restaient indécises et flottantes,
aux xive et xve siècles.
Constamment ces anciennes circonscriptions voyaient sur
gir, au milieu d'elles ou sur leurs flancs, des circonscriptions
nouvelles qui, comme une troupe de rongeurs voraces, gr
ignotaient le territoire de leur ressort primitif2. Aux dépens
du bailliage de Tours, naquit la jugerie de Loudun, puis le
1. La frontière ď Argonne, 843-1659 ; Procès de Claude de la Vallée, 1535-
1561. — Cf. L. Mirot et A. Bossuat, Les limites du Nivernais..., 1938. — Abbé
A. Pissier, Les limites de V Ile-de-France et de la, Champagne du XIIe au
XIVe siècle, dans Bulletin de la Société archéologique de Sens, t. XL (1937).
2. Les officiers royaux des bailliages et sénéchaussées (Bibl. Hautes- Études,
145e fasc, 1902, p. 16-18).
BIBL, ÉC. CHARTES. 1939 10 IGÍ4ORANCES ET DISTRACTIONS ADMINISTRATIVES 146
bailliage d'Amboise ; aux dépens du bailliage d'Orléans, appa
rut le bailliage de Montargis ; aux dépens des bailliages de
Sens et de Troyes, furent créés les bailliages d'Auxerre et de
Meaux. La sénéchaussée de Périgord se sépara de la séné
chaussée de Quercy. Du хше siècle au xvie, la sénéchaussée
de Poitou ne cessa de diminuer au profit de sénéchaussées
limitrophes.
On ignora, sous Louis XI, Charles VIII ou Louis XII, si
les bailliages d'Étampes, de Dourdan, de Montfort-l'Amaury,
de Nemours, de Sézanne, de Valois, de Goucy, de La Ferté-
Alais, de Soissons, de Saint-Dizier avaient ou n'avaient pas
une existence légale. La Chancellerie accordait parfois des
lettres de création à tel bailliage et le roi n'en savait rien.
Il en allait de même pour les élections1. Ainsi, du diocèse-
élection de Sens, naquirent les élections de Melun, Nemours,
Provins, Étampes, Joigny, Saint-Florentin, Montargis, Mon-
tereau, Villeneuve-le-Roy : et cette paternité continua cette
lignée, de 1405 à 1617. Il a été possible, pour la plupart des
élections primitives, de dresser la généalogie de leurs descen
dants.
D'ailleurs, la durée d'une élection était très variable. Il y
eut des élections plusieurs fois séculaires : Lyon, Saint-Flour,
Clermont, Sens, Ghâlons, Rouen, Chartres. Mais il y eut des
élections plus ou moins éphémères et qu'il importait cepen
dant de connaître : par exemple, Barbezieux, Charlieu, Châ-
teau-Chinon, Meulan, Mézières, Montmorillon, Moret, Pon-
toise, etc.
Ce serait une erreur de croire que les élections n'ont cessé
de se ramifier, suivant la loi des végétaux. En réalité, sortie
d'un tronc ancien, il arrivait qu'une élection grandît, mour
ût et ressuscitât, quitte à mourir une seconde fois, pour
renaître encore : ce que l'on vit pour Joinville, Mauriac, la
Charité.
A la différence de nos départements, arrondissements et
cantons actuels, rien de fixe dans l'étendue de toutes ces ci
rconscriptions. Elles ne cessaient guère de varier. En principe,
sans doute, pour que ces changements fussent consacrés, il
1. Voir notre Essai sur la géographie administrative des élections financières
en France de 1356 à 1790, 1930, p. 8-9 (extrait de Г Annuaire- Bulletin de la Soc.
de l'Hist. de France, 1928 et 1929). FRANCE AUX XIVe ET XVe SIECLES 147 EN
fallait l'approbation de lettres royaux, comme celles qui
furent octroyées par Philippe le Bel, le 12 septembre 1314,
au sujet des bailliages d'Auvergne et de Mâcon et de la séné
chaussée de Lyon x, ou par Philippe VI, en août 1347 2, quand
Bar-sur-Seine fut détaché du bailliage de Ghaumont et ratta
ché au bailliage de Troyes. Mais, le plus souvent, un bailli,
un sénéchal, un élu ignorait si telles ou telles localités ressor-
tissaient à sa circonscription ou à la circonscription voisine,
royale ou féodale. Les villes ou les villages litigieux étaient
légion 3. La rédaction de chaque coutume ne fit que souligner,
de Charles VII à Louis XII notamment, l'ignorance presque
générale des limites séparant les circonscriptions.
C'était là, on le devine bien, matière à procès, mais ces pro
cès risquaient, comme disaient les Ordonnances, d'être « im
mortels ». En attendant leur solution, le pouvoir central pre
nait son parti de n'être pas mieux renseigné de loin que le
pouvoir local ne l'était de près.
Bien plus, la géographie régionale du royaume, et qui pou
vait paraître consacrée par une longue tradition, n'était
guère mieux connue, quant à ses limites, que la géographie
administrative ou fiscale4. Entre le Cambrésis, l'Artois, le
Hainaut, la Picardie, les limites étaient contestées ; de même
entre le Forez et leVelay; entre l'Auvergne et le Bourbonn
ais ; entre le Dauphine et le Lyonnais, la Savoie, la Pro
vence ; le Languedoc et le Comtat-Venaissin.
La royauté, peut-on croire, jugeait tout naturel de vivre
au milieu de ces incertitudes. Nous avons recueilli, à la Bi
bliothèque nationale, dans la collection Clairambault et le
Cabinet des Titres, une dizaine de textes entre 1339 et 1354 5,
qui nous paraissent suggestifs. Philippe VI ou le roi Jean II,
nommant des capitaines souverains en Touraine, Poitou,
Saintonge, Angoumois, Limousin, Périgord, Languedoc,
ajoutent, sans sourciller, et autres lieux voisins. Les limites
entre les pays qui vont de la Loire à la Dordogne, à la Ga
ronne, à l'Aude n'existent pas pour le roi ni pour son capi-
1. Arch. nat., P 1440 \ 895.
2.JJ 68, fol. 460, n° 307.
3. Cf. nos Officiers royaux des bailliages, p. 18-20.
4. Ibid., p. 18, n. 4.
5. Ainsi, 5 avril 1351-1352, Bibl. nat., Pièces orig. 1394, doss. de la Grange,
31413, n° 2 ; P. O. 2119, doss. Noellettes, 48131, n° 3. 148 IGNORANCES ET DISTRACTIONS ADMINISTRATIVES
taine souverain. Nous voudrions être sûr que la guerre, seule,
effaçait ces limites sous les yeux de la royauté.
En réalité, même en temps de paix, le pouvoir central igno
rait ces limites, et cela jusqu'à la fin du xvne siècle et au
xvnie, où les ouvrages de Saugrain et d'Expilly permettront
de les connaître moins mal. Moins mal seulement, car, en
1788-1789, pour la réunion des États généraux, la royauté
adressera des lettres de convocation à des bailliages qui
n'existaient pas.
Les premières cartes précises des bailliages, sénéchaussées
et élections n'ont pas été dressées avant ces toutes dernières
années.
La royauté n'ignorait pas seulement l'exacte composition
des cadres administratifs locaux de l'ancienne France, elle
ignorait parfois encore, ce qui peut paraître plus surprenant,
le nom et la qualité des agents qu'elle y avait nommés. Elle
faisait même, et non sans ingénuité, ce semble, l'aveu de
cette ignorance, en s'excusant de son amnésie et de ses dis
tractions.
L'augmentation du nombre des offi

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