L émergence de l Asie en développement menace-t-elle l emploi en France ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 55-106
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L'émergence de l'Asie en développement menace-t-elle l'emploi en France ? - article ; n°1 ; vol.48, pg 55-106

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Revue de l'OFCE - Année 1994 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 55-106
Les pays de l'Asie du Sud- Est ont connu dans les deux dernières décennies un fort dynamisme économique et des taux de croissance de l'ordre de 7 %, qui contrastent avec la généralisation du chômage de masse et la faible croissance en Europe. Aussi certains ont accusé la politique commerciale agressive des pays d'Asie en développement d'être responsable des difficultés européennes, tandis que d'autres mettaient l'accent sur les facteurs internes de dynamisme de ces pays et voyaient dans leur émergence une chance à saisir pour l'Europe. Si les échanges de l'Asie en développement avec la CE ont crû rapidement, ils restent modestes et ne représentent en 1992 que 1,4 point du PIB communautaire pour les importations, 1 point du PIB pour les exportations. Toutefois, comme les importations sont réalisées à bas prix, elles évincent une part plus importante de la production européenne. En sens inverse, elles induisent des baisses de prix et des gains de pouvoir d'achat en Europe. Les pays d'Asie en développement, pris dans leur ensemble, ont un solde commercial globalement équilibré, mais sont excédentaires vis-à-vis de l'Europe et des Etats-Unis, et déficitaires vis-à-vis du Japon. Les investissements directs des firmes européennes dans cette région sont d'ampleur négligeable : les délocalisations passent surtout par des accords de sous-traitance. La sous-évaluation des monnaies des pays d'Asie en développement par rapport aux taux de change de PPA correspond à la fois à leur niveau de développement et à une stratégie visant à limiter les importations aux biens d'équipement indispensables et à inciter leurs producteurs à se tourner vers l'exportation. Cette stratégie s'est avérée gagnante. Mais elle permet à leurs partenaires de bénéficier d'importations à bas prix et d'exporter des biens d'équipement. Cependant l'émergence de cette zone a entraîné de fortes destructions d'emplois dans certains secteurs de l'industrie française. En tenant compte de leurs exportations, de leurs achats en France, de leur concurrence sur les marchés tiers, une évaluation macroé- conomique, réalisée avec le modèle Mosaïque, chiffre les pertes d'emplois en France à 190 000 ou 230 000, selon les hypothèses retenues. Les importations en provenance des pays à bas salaires évincent de leurs emplois les travailleurs non qualifiés et augmentent les inégalités sociales et le chômage dans les pays riches si aucune mesure de redistribution n'est prise. Aussi, une politique active de subvention aux secteurs et aux travailleurs directement concurrencés est-elle nécessaire. Par contre, la proposition consistant à remplacer des cotisations employeurs par une « TVA sociale » est illusoire. Il est erroné d'accuser ces pays de dumping monétaire, salarial, ou social. Une taxation spécifique des produits en provenance des pays à bas salaires serait foncièrement égoïste et injustifiable. L'Europe doit savoir accueillir les nouveaux pays industrialisés, permettre aux pays de l'Est et du Sud de suivre leur exemple, en même temps qu'elle doit retrouver elle-même une croissance plus satisfaisante. Cela nécessite une politique économique plus active (baisse des taux d'intérêt, relance économique) ; une réforme fiscale pour rapprocher le coût social du coût privé du travail (en particulier pour le travail non-qualifié) ; des mesures pour redistribuer aux travailleurs directement touchés par la concurrence des pays à bas salaires les gains que procure le commerce avec ceux-ci.
Is trade with developing countries in Asia a threat to employment in France ? Catherine Mathieu, Henri Sterdyniak Growth rates have been particularly high in south-east Asian developing countries for the last two decades (averaging 7 %), as compared to those of the rest of the world. Asian dynamic economies are sometimes accused to be a cause for the low growth rates in Europe, and some other times considered as an opportunity for industrial countries to export to these areas. Even though trade between Europe and developing countries in Asia has developed over this period, it stills represents a very small part of European imports : imports from this area only account for 1,4 % of the EC GDP. However these imports mainly consist in low price commodities, which means that they represent a more important part of the European production than they seem to. But, besides, low import prices also mean lower inflation rates, thus allowing increases of the purchasing power in the EC. Developing countries in Asia have external trade surpluses both with the EC and the USA, but no global surplus since they are in deficit with Japan. There are only few european direct investment inflows to developing countries in Asia, European firms generally opting for contracts with local firms. The undervaluation of these industrializing countries currencies, as compared to that of the purchasing power parities, reflects both economic underdeveloped economies and export-oriented policies. This strategy has revealed sucessful. It allows Asian economic partners to import low price products and to export investment goods. Yet, the emergence of this area has entailed massive job destructions in several sectors of the French industry. A simulation made with the OFCE-Mosaique macroeconomic model indicates that, depending on the assumptions made, from 190 000 up to 230 000 jobs have been lost in France, because of the increase of Asian industrial exports all over the world (including French imports). Imports from low wages areas induce unskilled workers dismissals, an increase in social inequalities, and in the number of the unemployed in developed countries if no redistribution takes place. However, taxing imports from these countries would be selfishness and has no justification. Europe should find a way to help developing countries to grow, meanwhile having sustantial internal growth rates again. This requires more active economic policies (lower interest rates and expansionary policies), a fiscal reform to compensate for the gaps between social and private labour costs, and redistribution in favour of the workers hit by imports from low wages countries.
52 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 94
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Catherine Mathieu
Henri Sterdyniak
L'émergence de l'Asie en développement menace-t-elle l'emploi
en France ?
In: Revue de l'OFCE. N°48, 1994. pp. 55-106.
Citer ce document / Cite this document :
Mathieu Catherine, Sterdyniak Henri. L'émergence de l'Asie en développement menace-t-elle l'emploi en France ?. In: Revue
de l'OFCE. N°48, 1994. pp. 55-106.
doi : 10.3406/ofce.1994.1354
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1994_num_48_1_1354Résumé
Les pays de l'Asie du Sud- Est ont connu dans les deux dernières décennies un fort dynamisme
économique et des taux de croissance de l'ordre de 7 %, qui contrastent avec la généralisation du
chômage de masse et la faible croissance en Europe. Aussi certains ont accusé la politique
commerciale agressive des pays d'Asie en développement d'être responsable des difficultés
européennes, tandis que d'autres mettaient l'accent sur les facteurs internes de dynamisme de ces
pays et voyaient dans leur émergence une chance à saisir pour l'Europe. Si les échanges de l'Asie en
développement avec la CE ont crû rapidement, ils restent modestes et ne représentent en 1992 que 1,4
point du PIB communautaire pour les importations, 1 point du PIB pour les exportations. Toutefois,
comme les importations sont réalisées à bas prix, elles évincent une part plus importante de la
production européenne. En sens inverse, elles induisent des baisses de prix et des gains de pouvoir
d'achat en Europe. Les pays d'Asie en développement, pris dans leur ensemble, ont un solde
commercial globalement équilibré, mais sont excédentaires vis-à-vis de l'Europe et des Etats-Unis, et
déficitaires vis-à-vis du Japon. Les investissements directs des firmes européennes dans cette région
sont d'ampleur négligeable : les délocalisations passent surtout par des accords de sous-traitance. La
sous-évaluation des monnaies des pays d'Asie en développement par rapport aux taux de change de
PPA correspond à la fois à leur niveau de et à une stratégie visant à limiter les
importations aux biens d'équipement indispensables et à inciter leurs producteurs à se tourner vers
l'exportation. Cette stratégie s'est avérée gagnante. Mais elle permet à leurs partenaires de bénéficier
d'importations à bas prix et d'exporter des biens d'équipement. Cependant l'émergence de cette zone a
entraîné de fortes destructions d'emplois dans certains secteurs de l'industrie française. En tenant
compte de leurs exportations, de leurs achats en France, de leur concurrence sur les marchés tiers,
une évaluation macroé- conomique, réalisée avec le modèle Mosaïque, chiffre les pertes d'emplois en
France à 190 000 ou 230 000, selon les hypothèses retenues. Les importations en provenance des
pays à bas salaires évincent de leurs emplois les travailleurs non qualifiés et augmentent les inégalités
sociales et le chômage dans les pays riches si aucune mesure de redistribution n'est prise. Aussi, une
politique active de subvention aux secteurs et aux travailleurs directement concurrencés est-elle
nécessaire. Par contre, la proposition consistant à remplacer des cotisations employeurs par une « TVA
sociale » est illusoire. Il est erroné d'accuser ces pays de dumping monétaire, salarial, ou social. Une
taxation spécifique des produits en provenance des pays à bas salaires serait foncièrement égoïste et
injustifiable. L'Europe doit savoir accueillir les nouveaux pays industrialisés, permettre aux pays de l'Est
et du Sud de suivre leur exemple, en même temps qu'elle doit retrouver elle-même une croissance plus
satisfaisante. Cela nécessite une politique économique plus active (baisse des taux d'intérêt, relance
économique) ; une réforme fiscale pour rapprocher le coût social du coût privé du travail (en particulier
pour le travail non-qualifié) ; des mesures pour redistribuer aux travailleurs directement touchés par la
concurrence des pays à bas salaires les gains que procure le commerce avec ceux-ci.
Abstract
Is trade with developing countries in Asia a threat to employment in France ? Catherine Mathieu, Henri
Sterdyniak Growth rates have been particularly high in south-east Asian developing countries for the
last two decades (averaging 7 %), as compared to those of the rest of the world. Asian dynamic
economies are sometimes accused to be a cause for the low growth rates in Europe, and some other
times considered as an opportunity for industrial countries to export to these areas. Even though trade
between Europe and developing countries in Asia has developed over this period, it stills represents a
very small part of European imports : imports from this area only account for 1,4 % of the EC GDP.
However these imports mainly consist in low price commodities, which means that they represent a
more important part of the European production than they seem to. But, besides, low import prices also
mean lower inflation rates, thus allowing increases of the purchasing power in the EC. Developing
countries in Asia have external trade surpluses both with the EC and the USA, but no global surplus
since they are in deficit with Japan. There are only few european direct investment inflows to
developing countries in Asia, European firms generally opting for contracts with local firms. The
undervaluation of these industrializing countries currencies, as compared to that of the purchasing
power parities, reflects both economic underdeveloped economies and export-oriented policies. This
strategy has revealed sucessful. It allows Asian economic partners to import low price products and toexport investment goods. Yet, the emergence of this area has entailed massive job destructions in
several sectors of the French industry. A simulation made with the OFCE-Mosaique macroeconomic
model indicates that, depending on the assumptions made, from 190 000 up to 230 000 jobs have been
lost in France, because of the increase of Asian industrial exports all over the world (including French
imports). Imports from low wages areas induce unskilled workers dismissals, an increase in social
inequalities, and in the number of the unemployed in developed countries if no redistribution takes
place. However, taxing imports from these countries would be selfishness and has no justification.
Europe should find a way to help developing countries to grow, meanwhile having sustantial internal
growth rates again. This requires more active economic policies (lower interest rates and expansionary
policies), a fiscal reform to compensate for the gaps between social and private labour costs, and
redistribution in favour of the workers hit by imports from low wages countries.L'émergence de l'Asie
en développement menace-t-elle
l'emploi en France ? *
Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak
Département d'économétrie de l'OFCE
Les pays de l'Asie du Sud- Est ont connu dans les deux der
nières décennies un fort dynamisme économique et des taux de
croissance de l'ordre de 7 %, qui contrastent avec la généralisation
du chômage de masse et la faible croissance en Europe. Aussi
certains ont accusé la politique commerciale agressive des pays
d'Asie en développement d'être responsable des difficultés euro
péennes, tandis que d'autres mettaient l'accent sur les facteurs
internes de dynamisme de ces pays et voyaient dans leur émer
gence une chance à saisir pour l'Europe.
Si les échanges de l'Asie en développement avec la CE ont crû
rapidement, ils restent modestes et ne représentent en 1992 que
1,4 point du PIB communautaire pour les importations, 1 point du
PIB pour les exportations. Toutefois, comme les importations sont
réalisées à bas prix, elles évincent une part plus importante de la
production européenne. En sens inverse, elles induisent des
baisses de prix et des gains de pouvoir d'achat en Europe. Les
pays d'Asie en développement, pris dans leur ensemble, ont un
solde commercial globalement équilibré, mais sont excédentaires
vis-à-vis de l'Europe et des Etats-Unis, et déficitaires vis-à-vis du
Japon. Les investissements directs des firmes européennes dans
cette région sont d'ampleur négligeable : les délocalisations passent
surtout par des accords de sous-traitance. La sous-évaluation des
monnaies des pays d'Asie en développement par rapport aux taux
de change de PPA correspond à la fois à leur niveau de développe
ment et à une stratégie visant à limiter les importations aux biens
d'équipement indispensables et à inciter leurs producteurs à se
tourner vers l'exportation. Cette s

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