L esclavage africain et le travailleur esclave au Brésil - article ; n°1 ; vol.19, pg 205-230
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1993 - Volume 19 - Numéro 1 - Pages 205-230
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 106
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Silvia Hunold Lara
Monsieur José Antonio Dabdab
Trabulsi
L'esclavage africain et le travailleur esclave au Brésil
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 19 N°1, 1993. pp. 205-230.
Citer ce document / Cite this document :
Hunold Lara Silvia, Dabdab Trabulsi José Antonio. L'esclavage africain et le travailleur esclave au Brésil. In: Dialogues d'histoire
ancienne. Vol. 19 N°1, 1993. pp. 205-230.
doi : 10.3406/dha.1993.2082
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1993_num_19_1_2082DHA 19,1 1993 205-230
L'ESCLAVAGE AFRICAIN ET LE TRAVAILLEUR
ESCLAVE AU BRÉSIL *
(Traduit du portugais par José Antonio DABDAB TRABULSI)
Silvia HUNOLD LARA
UNICAMP (Campinas -SP- Brésil)
"(...) très tôt le matin, en raison du calme, les marins ont
commencé à utiliser ces petits bateaux et à enlever ces captifs (...);
lesquels, disposés tous ensemble dans les champs, étaient une chose
merveilleuse à voir (...).
Mais quel cœur, même dur, n'aurait pas été affecté d'un pieux
sentiment, en voyant ainsi les gens ? Certains/ la tête baissée, en
larmes, se lançaient des regards ; d'autres geignaient très
douloureusement, (...)/ d'autres se blessaient le visage avec les
Je remercie Sidney Chalhoub et Maria Clementina Pereira Cunha
pour les commentaires qu'ils ont bien voulu faire à une première
version de cet article. [Cet ouvrage a été, à l'origine, écrit pour un
ouvrage collectif pour le 500e anniversaire de la conquête de
l'Amérique latine, sous la direction de Alberto Cuevas, de l'Institut
ISCOS (Rome-Italie)]. 206 Silvia Hunold Lara
mains, et se lançaient par terre ; d'autres se lamentaient en
chantant, selon la coutume (•..).
Mais, pour que leur peine soit plus grande encore, sont venus
ceux qui devaient être séparés, (...) les enfants de leurs parents, les
femmes de leur maris, des frères (...).
Qui donc aurait pu finir ce partage sans le plus grand effort ?
Aussi avait-on mis les enfants d'un côté, qui voyaient ainsi leurs
parents de l'autre ; ils se levaient et tentaient de les rejoindre ; les
mères serraient d'autres enfants dans les bras, et les cachaient sous
leurs corps, pour qu'ils ne soient pas enlevés, et se laissaient blesser
de la sorte ! Et cela fut très difficile de finir le partage, parce qu'en
plus de l'effort avec les captifs, l'endroit était plein de monde, aussi
bien des gens du coin que des villages des environs, qui chômaient ce
jour-là, en négligeant leur gagne-pain uniquement pour voir la
nouveauté" 1.
La scène décrite par le chroniqueur portugais vers le milieu du
XVe siècle, scène presque inaugurale, s'est répétée plusieurs fois au
Portugal et dans les îles de l'Atlantique avant de se produire aussi
sur les côtes de la colonie portugaise de l'Amérique. Dans les
premières décennies après la découverte, la présence d'Africains en
terre brésilienne était encore occasionnelle. Mais, à partir des années
1550, et surtout après 1570, ils sont arrivés en grand nombre. Le
spectacle du débarquement d'Africains dans les ports brésiliens est
devenu fréquent et il s'est reproduit, légalement ou non, pendant
presque trois siècles. L'indépendance du Brésil a été proclamée en
1822, mais l'esclavage et le trafic d'esclaves ont été maintenus.
L'Empire brésilien a promulgué deux lois abolissant le commerce
d'esclaves venant d'Afrique. La première loi, de 1831, n'a pas été
appliquée et le trafic a continué sous la forme de contrebande, avec la
connivence du gouvernement impérial. La dernière loi d'extinction du
trafic d'esclaves date de 1850, mais les débarquements illégaux ont
duré jusqu'en 1857 au moins. Le Brésil a été le dernier pays du monde
occidental à abolir l'esclavage noir, par le moyen d'une loi du 13 mai
1888.
Le volume exact du trafic d'esclaves africains vers le Brésil
pendant toute la période est encore sujet à débats. Philip Curtin, en
se fondant sur des estimatives précédentes, établit un total de
3.646.800 esclaves pendant la période 1550-1850, mais il admet que
1. Zurara, Gomes Eanes da. Crônica de Guiné. (1453) (Ed. José de
Bragança) Barcelos : Livraria Civilizaçâo Editora, 1973, p. 122-123. D'HISTOIRE ANCIENNE 207 DIALOGUES
le chiffre exact puisse être plus élevé 2. D'autres auteurs, comme
Robert Conrad, pensent que de 5.000.000 d'esclaves sont entrés au
Brésil : environ 100.000 au XVIe siècle, 2 millions au XVIIe, 2
millions au XVIIIe et encore 1,5 million dans les cinquante dernières
années du trafic 3. Ces esclaves venaient surtout de la région que les
Portugais appellaient la Guinée, de l'Angola et du Congo, à partir de
la fin du XVIe siècle, pour inclure ensuite la plus grande partie des
populations de l'Afrique sub-saharienne. L'esclavage africain a été
utilisé d'abord dans le travail du sucre (dans les engenhos) de la côte
de Bahia et de Pernambouc, dans le Nord-Est brésilien, pour ensuite
se généraliser dans toutes les activités productives de la colonie
portugaise, y compris dans les travaux domestiques et dans les
activités de service dans les villes.
Malgré l'étendue et la diversité de l'expérience esclavagiste
au Brésil, la mémoire de ces trois siècles d'esclavage a été fixée à la
fin du XIXe siècle, pendant la campagne pour l'abolition. Parmi les
diverses tendances de ce mouvement, l'une a été victorieuse, à savoir
celle qui prônait la substitution au travail servile de celui
d'immigrants européens salariés. En construisant l'opposition entre
travail servile et travail libre - dans le sens de l'idéologie du
progrès qui marque l'atmosphère intellectuelle et politique du XIXe
siècle - les projets abolitionnistes qui prônaient la venue
d'immigrants européens ont inauguré une vision raciste de l'histoire
du travail au Brésil. Ils ont non seulement marqué leur époque, mais
aussi conditionné la compréhension même du thème dans
l'historiographie 4. Cette argumentation va jusqu'à apparaître, avec
les signes inversés bien entendu, dans le discours de certains militants
de la négritude au Brésil et en tout cas chez un grand nombre
d'intellectuels qui demeurent enfermés dans ces paradigmes
construits dans les années 1880-1890.
C'est bien pourquoi, en général, quand on parle d'esclavage au
Brésil, la première image qui vient est celle d'un noir avec son corps
marqué par le fouet, enchaîné et soumis à une exploitation sans
2. Curtin, Philip D. The Atlantic Slave Trade : a census. Madison :
University of Wisconsin Press, 1969, p. 47-49.
3. Robert E. Conrad. Tumbeiros. O tráfico de escravos para o Brasil. Sâo
Paulo : Brasiliense, 1985, p. 34-43.
4. Cf. Célia Maria Marinho de Azevedo. Ondá Negra Medo Branco. О
negro no imaginário das elites - século XIX. Rio de Janeiro : Paz e
Terra, 1987. Voir aussi Maria Stella M. Bresciani. "A Lenda da
Aboliçâo" Anais do Museu Paulista, 29 (1979), p. 193-200. 208 Silvia Hunold Lara
limites par des seigneurs blancs, cruels et inhumains. Une autre
image, très fréquente, est celle d'un noir, le regard noble et sévère,
leader de nombreux esclaves fugitifs qui se sont réunis et qui luttent
contre leurs maîtres pendant des décennies, et qui préfère la mort au
retour à l'esclavage, quand son quilombo est vaincu par les troupes
coloniales : Zumbi, leader du de Palmarès, l'un des plus
grands et plus durables rassemblements d'esclaves fugitifs du Nord-
Est brésilien, mort en 1695. Ces deux images indiquent deux formes
d'approche du sujet : elles sont traitées de façon diverse par les
historiens et les militants du mouvement noir, elles ont des
significations politiques différentes, mais elles représentent
seulement une partie (petite et peut-être mal comprise) de l'histoire
de l'esclavage au Brésil.
Or, les Africains et leurs descendants n'ont pas été les seuls ni
même les premiers à être esclaves au Brésil. Au début de la
colonisation portugaise, les indigènes ont été la principale source de
main-d'œuvre pour la culture de la canne-à-sucre pendant presq

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