L esthétique de John Donne - article ; n°1 ; vol.23, pg 50-61
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L'esthétique de John Donne - article ; n°1 ; vol.23, pg 50-61

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Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles - Année 1986 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 50-61
12 pages

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Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 16
Langue Français

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Robert Ellrodt
L'esthétique de John Donne
In: Le continent européen et le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles. Actes du Colloque - Société
d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1986. pp. 50-61.
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Ellrodt Robert. L'esthétique de John Donne. In: Le continent européen et le monde anglo-américain aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Actes du Colloque - Société d'études anglo-américaines des 17e et 18e siècles, 1986. pp. 50-61.
doi : 10.3406/xvii.1986.2237
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xvii_0294-1953_1986_act_23_1_2237L'ESTHÉTIQUE DE JOHN DONNE
Donne n'a pas écrit de préface ni fait de commentaire sur son œuvre
poétique dont on puisse tirer une esthétique. L'épître en prose qui pré
cède Metempsychosis a toutefois l'allure d'un manifeste. L'auteur entend
mettre son portrait à l'entrée :
Others at the Porches and entries of their Buildings set their
Armes ; I, my picture ; if any colours can deliver a minde
so plaine, and flat, and through-light as mine (1).
Cela sent son Montaigne. Mais le portrait est intellectuel, l'image d'un
esprit. Qu'il le déclare "transparent", soit : c'est une façon de s'ouvrir
à son propre regard comme au regard des autres. Mais ce qu'il découvre
en lui-même est loin d'être "plain" : son âme lui est un labyrinthe qui l'i
ntrigue, comme il le déclarera dans une lettre (2). Il se borne ici à camper
le personnage d'un auteur qui ne veut rien emprunter : "Now when I
beginne this booke, I have no purpose to come into any mans debt". II
confirme ainsi le mépris exprimé dans la "Satyre II" à l'égard de celui qui
"(beggarly) doth chaw / Others wits fruits" (24-5). En outre, il s'exprime
en poète qui veut choisir ses lecteurs : "for I will have no such Readers
as I can teach" (Patrides, 403). Il écrit donc pour une élite ; mais à la di
fférence de Shakespeare qui citait Ovide dans la dédicace de Venus and
Adonis - Vilia miretur vulgus - il vise une aristocratie de l'esprit. Il ne se
méprenait pas sur les intentions de l'auteur celui qui, dans l'édition de 1 633,
a substitué sur la première page "The Printer to the Understanders" au
banal "The Printer to the Reader" (3).
Mais, hormis cette affirmation de soi et de sa différence, que
trouvons-nous dans la poésie de Donne qui nous éclaire sur son esthéti
que ? Que dans ses Satyres il parle avec condescendance de "Giddie fan
tastique Poëts" ("Satyre I", 10) et avec dédain de ceux qui font de la
poésie une profession ("Satyre II", 21-2) n'est pas pour nous surprend
re. Mais dans de courtes épîtres familières adressées à des amis comme
lui M' gentilshommes (5-10, 61) pour et un poètes, péché il ou ne tient une maladie plus la poésie, : comme en la "Satyre
Though to use, and love Poëtrie, to mee,
Woodward" Betroth'd to no'one 7-8, Patrides, Art, be no'adulterie 262). ("To Mr Rowland
Cependant il se garde de donner une idée exaltée de l'inspiration poétique
même quand il salue le feu de l'invention : "All haile sweet Poet, more
spirit" ("To full of more strong fire/Then hath or shall enkindle any
Mr T.W.", 1-2 ; Patrides, 283). Il a aimé, dit-il, chez ce poète les dons
de la "nature" : la poésie est d'inspiration naturelle et non surnaturelle.
Et ce qu'il "admire", c'est l'association de l'esprit et de l'art : "this merit/Of
wit and Art" (ibid., 3-4).
Quoi que l'on ait écrit sur le caractère impersonnel du "je" poéti
que dans la littérature du Moyen Age et de la Renaissance (4), Donne
50 n'innove pas quand il évoque le pouvoir qu'aurait la poésie d'apaiser les
passions, en particulier les tourments de l'amour :
I thought, if I could draw my paines,
Through Rimes vexation, I should them allay,
Griefe brought to numbers cannot be so fierce,
For, he tames it, that fetters it in verse ("The triple Foole",
8-11) (5)
Dans The Arte of English Poésie (1 584), attribué à George Puttenham,
la vertu curative des lamentations poétiques était ainsi expliquée :
Therefore of death and burials, of th'aduersities by warres,
and of true love lost or ill bestowed are th'onely sorrowes
that the noble Poets sought by their arte to remoue or
appease, not with any medicament of a contrary temper,
as the Galenists vse to cure contraria contrariis, but as
the Paracelsians, who cure similia similibus, making one
dolour to expell another ... (I. xxiv) (6).
On peut, en revanche, considérer comme un trait distinctif l'insi
stance que met le poète à déclarer ses vers "harsh" :
I sing not, Siren like, to tempt ; for I
Am harsh ... ("To Mr. S.B." ; Patrides, 288).
Haste thee harsh verse as fast as thy lame measure
Will give thee leave, to him . . . ("To Mr T. W. ", 1 -2 ; Patri
des, 285)
Now if this song be too'harsh for rime, yet, as
The Painters bad god made a good devil).
Twill be good prose, although the verse be evill,
If thou forget the rime as thou dost passe ("To Mr T. W. ",
25-8 ; Patrides, 284).
Cependant, ces déclarations ne se rencontrent que dans ces épîtres famil
ières où Donne parle de "Satirique fyres which urg'd me to have writt"
("To Mr R.W.", 7 ; Patrides, 322). Or, l'on sait que la satire aux yeux
des contemporains exigeait un style rugueux et discordant (7). Ces pro
pos ne sont donc pas nécessairement l'affirmation d'une esthétique qui
se voudrait universelle : sinon Donne n'eût point loué ses amis d'écrire
de meilleurs vers.
On ne peut tirer non plus de conclusion certaine de l'épître dédica-
toire qui précède l'élégie sur le Marquis Hamilton : "I did best when I had
subjects" (8). Il est certain, en revanche, que l'auteur least truth for my
des Divine Poems avait conscience qu'il pouvait être "mov'd to seeme
religious / Only to vent wit" ("Litanie", xxi ; Patrides, 464). Il savait que
le poète sacré s'expose à une recherche trop humaine de l'effet poétique
quand il ose imiter :
51 Those heavenly Poëts which did see
Thy Will, and it expresse
In rhythmique feet ... ("Litanie", 68-70)
II les invite à prier
That I by them excuse not my excesse
In seeking secrets, or Poëtiquenesse ("Litanie", 71-2 ;
Patrides, 459).
Le même scrupule conduira George Herbert à se réclamer d'une simplicité
dont il ne cesse en fait de s'écarter. Donne n'a même pas tenté d'y attein
dre, encore qu'on puisse considérer comme une forme de simplicité le refus
des ornements poétiques qui ne contribuent pas à mettre le sens en relief.
Que son inspiration soit profane ou sacrée, il ne pose jamais au poète agité
par l'une des "fureurs héroïques" célébrées par Giordano Bruno (9). Le
thème de l'immortalité poétique est à la fois rénové et transposé sur le
mode mineur dans "The Canonization" (31-4) :
And if no peece of Chronicle wee prove,
We'll build in sonnets pretty roomes ;
As well a well wrought urne becomes
The greatest ashes, as half-acre tombes.
Thème rénové, car c'est toujours une immortalité à deux qui est affirmée,
comme à travers ce livre universel que constituent les lettres échangées
par les amants dans "Valediction to his booke". Poèmes et lettres sont
les garants d'une perpétuation de l'amour, mais ne se présentent pas
comme un orgueilleux monumentum aère perennius (Horace, Odes, III.
xxx). Deux poèmes et conçus sur le mode public et destinés à être publiés
font exception, mais le thème de l'immortalité conférée à la personne célé
brée dans les Anniversaries s'inscrit dans un contexte religieux, devient
un acte de foi en la rédemption. Il faut bien que le poète soit alors pro
phète, qui'il soit "The Trumpet at whose voice the people came" ("Second
Anniversarie", 528) et il est admissible de suggérer que la création poéti
que est l'analogue de la création divine ("First Anniversarie", 461-66).
C'est vers les Sermons que certains se sont tournés récemment
pour y re

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