L image, le signe, la lettre - article ; n°1 ; vol.35, pg 31-49
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L'image, le signe, la lettre - article ; n°1 ; vol.35, pg 31-49

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Description

Communication et langages - Année 1977 - Volume 35 - Numéro 1 - Pages 31-49
II n'est pas étrange qu'après les cinq siècles d'alphabétisation mécanique (postgutenbergienne) et à l'aube de l'informatisation généralisée de l'alphabet, la plupart des créateurs de caractères se réclament d'une fonctionnalité qui les fait vivre (plutôt moins bien que mieux). Mais la lettre est susceptible d'autres usages, d'autres fonctions, de lectures autres, c'est ce qu'il faut entendre dans les propos et les exemples de Dominique Amat (Dom). Je me souviens encore parfaitement du choc que j'éprouvai devant certaines pages de la bande dessinée (mais est-ce encore une bande dessinée ?) appelée « Yragaël », par Druillet.
Je retrouvais l'espèce d'attraction irraisonnée éprouvée naguère à regarder des reproductions du sublime « livre de Kells » (Irlande, IXe siècle). Les procédés modernes de fac-similé ouvrent le musée imaginaire du livre au néo-manuscrit. Plus qu'un lettreur de bande dessinée, Dom se situe dans une dynamique qui passe par les mystiques de la calligraphie : le moine irlandais anonyme, les kabbalistes hébreux, le poète-graveur William Blake, le musicien calligraphe rosicrucien Erik Satie et les peintres psychédéliques. La lettre n'est pas seulement conçue pour d'infinis réemplois économiques mais aussi pour former des pages-blocs composées comme des tableaux. Il y a là une dimension « autre » de la typographie.
Gérard Blanchard
19 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Dom Amat
L'image, le signe, la lettre
In: Communication et langages. N°35, 1977. pp. 31-49.
Résumé
II n'est pas étrange qu'après les cinq siècles d'alphabétisation mécanique (postgutenbergienne) et à l'aube de l'informatisation
généralisée de l'alphabet, la plupart des créateurs de caractères se réclament d'une fonctionnalité qui les fait vivre (plutôt moins
bien que mieux). Mais la lettre est susceptible d'autres usages, d'autres fonctions, de lectures autres, c'est ce qu'il faut entendre
dans les propos et les exemples de Dominique Amat (Dom). Je me souviens encore parfaitement du choc que j'éprouvai devant
certaines pages de la bande dessinée (mais est-ce encore une bande dessinée ?) appelée « Yragaël », par Druillet.
Je retrouvais l'espèce d'attraction irraisonnée éprouvée naguère à regarder des reproductions du sublime « livre de Kells »
(Irlande, IXe siècle). Les procédés modernes de fac-similé ouvrent le musée imaginaire du livre au néo-manuscrit. Plus qu'un
lettreur de bande dessinée, Dom se situe dans une dynamique qui passe par les mystiques de la calligraphie : le moine irlandais
anonyme, les kabbalistes hébreux, le poète-graveur William Blake, le musicien calligraphe rosicrucien Erik Satie et les peintres
psychédéliques. La lettre n'est pas seulement conçue pour d'infinis réemplois économiques mais aussi pour former des pages-
blocs composées comme des tableaux. Il y a là une dimension « autre » de la typographie.
Gérard Blanchard
Citer ce document / Cite this document :
Amat Dom. L'image, le signe, la lettre. In: Communication et langages. N°35, 1977. pp. 31-49.
doi : 10.3406/colan.1977.4429
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1977_num_35_1_4429L'IMAGE,
LE SIGNE,
LA
LETTRE
par Dom Amat
II n'est pas étrange qu'après les cinq siècles d'alphabétisation mécanique
(postgutenbergienne) et à l'aube de l'informatisation généralisée de l'alpha
bet, la plupart des créateurs de caractères se réclament d'une fonction-
nalité qui les fait vivre (plutôt moins bien que mieux). Mais la lettre est
susceptible d'autres usages, d'autres fonctions, de lectures autres, c'est ce
qu'il faut entendre dans les propos et les exemples de Dominique Amat
(Dom). Je me souviens encore parfaitement du choc que j'éprouvai devant
certaines pages de la bande dessinée (mais est-ce encore une bande dessi
née ?) appelée « Yragaël », par Druillet.
Je retrouvais l'espèce d'attraction irraisonnée éprouvée naguère à regarder
des reproductions du sublime « livre de Kells » (Irlande, ixe siècle). Les
procédés modernes de fac-similé ouvrent le musée imaginaire du livre au
néo-manuscrit. Plus qu'un lettreur de bande dessinée, Dom se situe dans
une dynamique qui passe par les mystiques de la calligraphie : le moine
irlandais anonyme, les kabbalistes hébreux, le poète-graveur William
Blake, le musicien calligraphe rosicrucien Erik Satie et les peintres psy
chédéliques. La lettre n'est pas seulement conçue pour d'infinis réemplois
économiques mais aussi pour former des pages-blocs composées comme
des tableaux. Il y a là une dimension « autre » de la typographie.
Gérard Blanchard
QUARTIER LIBRE »
Ma principale collaboration avec la bande dessinée a été le
lettrage d'« Yragaël » que j'ai élaboré pour Philippe Druiilet.
Ce fut une expérience exceptionnelle et peut-être unique dans
l'histoire de la B.D. que d'avoir eu, grâce à la confiance totale
du « maître d'œuvre », ainsi quartier libre.
A la simple vue de mon travail graphique, lettres et illustra
tions, il me donna — sans aucune restriction — toute liberté
de création pour le dessin de son texte.
Sur un alphabet spécialement créé pour lui, me rapprochant le
plus possible de son style graphique, et au gré des images
impétueuses de son récit, je pus, ô joie ! broder à loisir de
multiples variations.
A l'occasion de cette même B.D., P. Druillet me fit l'agréable
surprise de me laisser composer trois pages de texte et pierre
ries en solo... dans l'esprit moyenâgeux des enluminures
me permettant de réaliser le rêve de faire sortir de l'ombre de le signe, la lettre L'image,
mes « cartons » les rejetons actuels de cette somptueuse tra
dition.
LA LETTRE DANS LA BANDE DESSINEE
Dans cette suite d'images « parlantes », les philactères (ballons
de textes) ont autant d'importance que l'image. Sans eux, la B.D.
ne serait pas. Cependant, dessins et textes se soutiennent
dans un équilibre où la lettre est souvent défavorisée.
La case de B.D. séparée en deux est l'objet de deux attentions
de qualités différentes. Le dessin de la lettre est le plus souvent
exécuté par le dessinateur lui-même, qui lui apporte une valeur
graphique moindre, se consacrant particulièrement à l'illustra
tion. Texte et image cohabitent la même petite case, sans
s'épouser.
Je m'efforce, pour ma part, toujours de prouver qu'un lettrage
peut être en harmonie avec l'image, de quelque nature qu'elle
soit, et ainsi de redonner vie à la valeur littéraire du texte.
Je m'étonne toujours que des B.D. de la qualité poétique d'un
« Little Nemo » ne soient pas honorées d'un lettrage digne du
dessin.
Dans de bonnes B.D., textes et images se font des clins d'œil
complices. Gérard Blanchard ! a donné un échantillon de lettrages
intéressant des humoristes américains, où une animation est
apportée par la mise en mouvement des contrastes de la lettre,
en ayant recours aux gags les plus imprévisibles.
Ces expériences nous consolent du lettrage stéréotypé si répand
u... garde-fou de tout délire, de toute expressivité personnelle
du graphiste. Cependant, l'édition en général ne permet pas,
à l'heure actuelle, l'existence de B.D. pouvant intégrer une
véritable vitalité graphique du lettrage.
En ce domaine, les contingences matérielles d'une production
accélérée, comme le manque de courage d'innovation, ont enfan
té une mode routinière et figée, puisque autosatisfaite.
Le langage souvent pauvre des B.D. entraîne un lettrage stéréo
typé, réduit à sa plus sommaire expression, sous prétexte de
lisibilité automatique au premier survol de la page. Ce lettrage
peut être excellent pour une certaine catégorie de B.D., mais,
malheureusement, ce despotisme se révèle à l'observation plus
étendu qu'il n'est souhaitable.
Le texte est souvent considéré comme ne voulant qu'expliciter
ce que l'image n'a pas réussi à transcrire, ou bien l'image
n'est plus qu'un moindre support à un travail littéraire.
Là où le manichéisme voyait la lutte de forces spirituelles
de la Lumière et de l'Obscurité s'équilibrant, les innombrables
1. Esartinuloc ou les alphabets de la bande dessinée, dans Communication et
langages, n° 26. Graphisme 33
images de la B.D., elles, trop fréquemment, laissent percevoir
une juxtaposition arbitraire d'engins de guerre et de brutalités
musculaires en guise d'héroïsme ou un « débridement » facile
en guise d'imagination. Cette prédominance des forces instinc
tives et sombres engendre un déséquilibre.
Ces représentations détériorent l'imagination et prennent la
place d'un travail de création artistique indispensable au libre
épanouissement de l'être et des arts.
Car nos esprits décentrés sautent furtivement d'une image à
l'autre pour aboutir à une fin illusoire... et la faim, inassouvie,
réclame déjà d'autres images.
Rares sont, effectivement, les B.D. pouvant prendre place hono
rable parmi les chefs-d'œuvre de la gravure, de la peinture,
de l'illustration ou de la poésie.
GENESE D'UN ALPHABET
L'amour et l'étude des « maîtres lettreurs » ont éduqué mon
regard et me sont d'un grand enseignement. Cependant, la
création d'un alphabet est toujours, à mes yeux, un mystère ;
je ne la soumets à aucune règle précise. Elle proc&

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