L impossible diététique : Philosophie et récit - article ; n°1 ; vol.3, pg 11-27
18 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'impossible diététique : Philosophie et récit - article ; n°1 ; vol.3, pg 11-27

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
18 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1997 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 11-27
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Françoise Collin
L'impossible diététique : Philosophie et récit
In: Les Cahiers du GRIF, Hors-Série N. 3, 1997. Sarah Kofman. pp. 11-27.
Citer ce document / Cite this document :
Collin Françoise. L'impossible diététique : Philosophie et récit. In: Les Cahiers du GRIF, Hors-Série N. 3, 1997. Sarah Kofman.
pp. 11-27.
doi : 10.3406/grif.1997.1917
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1997_hos_3_1_1917L'impossible diététique
Philosophie et récit
Françoise Collin
« Un martyr juif ne songe pas à renoncer à ses entra/7/es arrachées : au jour de
la résurrection, il veut les avoir. »
Nietzsche
Si j'ai souhaité qu'un hommage public et international soit rendu à Sarah
Kofman, c'est d'abord que la persévérance de cette uvre m'a fascinée et, en
un certain sens, intriguée. Je recevais livre après livre, brièvement dédicacés,
et vers la fin, devant le volume des deux Explosions, je me plaignis même à leur
auteur de ce que ma lecture ne puisse être aussi rapide que son écriture.
Il est difficile d'écrire sur ses contemporaines, même et surtout lors
qu'ils/elles vous précèdent dans la mort. Je n'étais pas assez proche de Sarah
Kofman - je n'appartenais pas au cercle de ses intimes - pour en parler (m'en
souvenir) au nom de la seule amitié, mais peut-être trop proche pour l'appr
éhender comme un auteur parmi les autres. Disons que j'avais et garde
rapport avec une uvre et une personne, une uvre/personne que je saluais
d'un seul mouvement. Il appartiendra à d'autres de se livrer à la pure exégèse
des textes.
Les Cahiers du Grif 11 peut sembler inconvenant d'appuyer d'abord la nécessité d'un Il
hommage à l'existence des livres dans leur factualité, avant même de viser
tel ou tel de leurs thèmes : car ce n'est bien évidemment pas au nombre de
ses signes ni au poids du papier noirci que se mesure une uvre. Mais ce
rapport vise peut-être obscurément, dans ce cas du moins, un point
central : celui de la mise en uvre de l'uvre, qui en fait intrinsèquement
partie.
Depuis des années, je croisais occasionnellement Sarah Kofman dans des
colloques, surtout à l'étranger, et nous nous adressions des signes qui
pouvaient être de politesse ou de connivence et qui, par leur répétition,
étaient devenus signifiants et nous liaient. Mais signifiants de quoi ? Ses livres,
grossissant sur un rayon de ma bibliothèque - et peu à peu dans ce qui allait
devenir leur uniforme editorial -, m'assuraient qu'elle veillait, trouvant la
force incessante de parler et d'écrire, s'introduisant et se réintroduisant
dans les uvres philosophiques qu'elle privilégiait pour les défaire et pour
les défendre, pour en indiquer la faille et se porter à leur secours, leur
ouvrant le ventre avec volupté pour mieux s'y faufiler et les faire résonner
de leur voix et de la sienne.
Les petites bonnes femmes et les féministes
Si mon attention avait été très tôt attirée par la démarche de Sarah
Kofman, c'est cependant que la thématique du féminin y avait surgi précoce
ment, sans en constituer pour autant le motif principal ou déterminant, et
sans entraîner un quelconque engagement féministe. Elle a été, avec
Catherine Chalier, et Louise Marcil-Lacoste ' à Montréal, l'une de celles,
assez rares dans l'espace francophone, à avoir précocement relevé ce motif
dans les uvres philosophiques et à en avoir traité de manière spéculative
pendant que d'autres - dont j'étais - l'articulaient au politique, ce politique
qui depuis les Grecs a toujours provoqué le dédain des « philosophes
professionnels », à moins qu'eux-mêmes ne croient l'incarner. Cette persis
tante dichotomie de la philosophie et du politique, Hannah Arendt l'a
dénoncée et, tout en reconnaissant les motifs, l'a assumée en forme de
tension paradoxale. Car « les idées ne mènent pas le monde » et il y a une
invention propre à l'agir, mais il faut penser pour accueillir et accompagner
12 Les Cahiers du Grif ce qui advient, pour en juger. Ainsi la « question des femmes », qui pourtant
était souvent le cadre de nos rencontres à l'étranger, restait-elle entre nous
un non-dit, car c'était un « autrement dit », prononcé sinon dans deux
langues, du moins à partir de points de vue différents.
La question du « mépris des Juifs » a été accompagnée dans l'uvre de
Sarah Kofman par la question du fallacieux « respect des femmes ». S'il est
cependant un philosophe qu'elle s'efforce d'exempter d'antisémitisme autant
que de misogynie, c'est bien Nietzsche. Quant à sa misogynie, elle souligne
qu'il échappe à toute critique possible en reconnaissant a priori que ses
propos sur les femmes ne relèvent que de son point de vue singulier. Ainsi il
ne pourrait y avoir sur cette question qu'opinion, toujours subjective, et non
vérité. « Sur l'homme et sur la femme par exemple, un penseur ne peut pas
changer d'opinion, il peut seulement découvrir ce qui est arrêté (feststeht) en
lui sur ce point... Après cette politesse, cet aveu que je fais à mes dépens,
on me permettra peut-être d'énoncer un certain nombre de vérités sur la
"femme en soi" puisqu'on sait maintenant que ce sont mes vérités et qu'elles
échappent dès lors radicalement à la discussion 2. »
Ce n'est d'ailleurs pas de misogynie dont témoigne Nietzsche mais plutôt
d'anti-féminisme. Ainsi il oppose « les petites bonnes femmes » - les vraies
femmes - à ces féministes qu'il excècre. C'est que l'hostilité philosophique,
et non seulement philosophique à l'égard du politique, se démultiplie et
probablement se complique quand le politique relève par surcroît des
femmes et touche à la sexuation.
« Celles qui apparemment luttent pour leur libération » sont « les pires
ennemies » non tant des hommes que des vraies femmes. « Leurs attaques
contre les hommes ne sont qu'une tactique, une stratégie, pour mieux atta
quer obliquement, elles qui en sont incapables, les femmes capables d'en
fanter », écrit Sarah Kofman commentant Nietzsche dont on sait qu'en
même temps, ailleurs, il dit le plus grand mal des « mères 3 ». Elles manifes
tent le « désir de vengeance des faibles contre tout ce qui est fort et
puissant ». Et elle ajoute : « Comme Rousseau le défendait déjà dans le Livre
V de l'Ém/7e, l'égalité des droits entre hommes et femmes ne pourrait qu'ôter
à celles qui sont de vraies femmes leur puissance, leur toute-puissance
fantasmatique... en acceptant d'entrer dans le monde du droit, et a fortiori
en revendiquant l'égalité, elles cesseraient d'être des bêtes de proie, rusées,
qui subjuguent et fascinent 4. »
Les Cahiers du Grif 13 Dans ce règlement du féminisme, ou des féministes, Sarah Kofman relève
au passage que, selon Nietzsche, « le droit n'a pas été établi pour régler les
rapports entre les sexes » mais « pour sauvegarder le respect réciproque des
forts entre eux et éviter, en leur faisant renoncer à une partie de leur puis
sance, qu'ils ne se fassent une guerre à mort 5. » Idée forte et intéressante
selon laquelle, malgré la prétention qu'il a ou l'idée qu'on s'en fait, le droit ne
régule pas les rapports entre les forts et les faibles mais bien plutôt les
rapports des forts entre eux - les rapports des frères. Il n'égalise que les
égaux, ce que l'analyse politique semble confirmer. Sarah Kofman revient à ce
thème dans Le mépris des Juifs quand, toujours inspirée par Nietzsche, elle
écrit de la loi : « d'un côté elle défend apparemment les faibles... Mais elle se
place aussi du côté des forts en donnant force de loi aux préjudices... la loi,
c'est-à-dire la puissance même de la société 6 », facteur de conservation et
non de novation.
Ainsi « la guerre des sexes » est la nature même du rapport sexuel, et
non le fait des « féministes » qui voudraient au contraire le réguler, et par là
le dévitaliser. Elles risquent d'être plus perdantes

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents