L interprète-modèle et Salut les Copains - article ; n°1 ; vol.6, pg 43-53
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Description

Communications - Année 1965 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 43-53
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 53
Langue Français

Extrait

Christian Hermelin
L'interprète-modèle et "Salut les Copains"
In: Communications, 6, 1965. pp. 43-53.
Citer ce document / Cite this document :
Hermelin Christian. L'interprète-modèle et "Salut les Copains". In: Communications, 6, 1965. pp. 43-53.
doi : 10.3406/comm.1965.1068
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1965_num_6_1_1068Christian Hermelin
L'interprète-modèle et « Salut les Copains »
Le terme d' « idole » semble désormais consacré pour désigner Johnny,
Sylvie, Richard etc.. En fait, et nous verrons pourquoi, nous utiliserons
plus volontiers celui de « modèle » qui, incontestablement, recouvre mieux
la réalité que nous allons nous efforcer de décrire. D'autres l'on fait avant
nous. Ainsi, dans le récent numéro de la revue Janus, « L'homme et ses
idoles », Edgar Morin écrit que « l'adolescence secrète désormais des héros
modèles ailleurs qu'au cinéma, notamment dans la chanson » ; Didier Lévy
Masson, dans le même numéro titre l'un des paragraphes de son article
« des idoles ? non des modèles » et, ajoute-t-il en soulignant dans le texte :
« Ainsi, dans le cinéma comme dans la chanson, il paraît faux de parler
d'idoles alors qu'en fait les jeunes demandent des modèles ».
Nous utiliserons donc le mot « modèle », mais nous irons plus loin
qu'Edgar Morin ne le fait là, en faisant observer que depuis cinq ans l'ado
lescence a sécrété ses modèles presque exclusivement dans la chanson.
Les héros de la nouvelle vague intéressent surtout les jeunes adultes et
Jean-Paul Belmondo, grand acteur, considéré comme tel, n'a pas atteint
la dignité de modèle, du moins apparemment. Il en est tout autrement
avec la chanson, où une génération a fait entrer en force à l'Olympe des
chanteurs et des chanteuses nés d'elle-même, provoquant un bouleverse
ment considérable des valeurs, détrônant vigoureusement les dieux installés
forçant ceux qui voulaient y conserver un semblant d'auréole à adopter
un style nouveau, à entrer dans le moule d'une mythologie nouvelle.
Il semble que cette génération tendant peu à peu à considérer le cinéma
comme un « art », à s'intéresser à son esthétique, à ses auteurs, à ses acteurs
(plus qu'à ses vedettes), ait transféré du cinéma à la chanson le culte des
vedettes. C'est que, dans la civilisation audio-visuelle, le son a conquis
une place de plus en plus importante grâce aux transistors, aux micros
illons, aux juke boxes, tous d'apparition récente ; actuellement le son,
mieux que l'image, pénètre la vie quotidienne (le transistor, comme le
chien est le compagnon fidèle et toujours à la suite de l'homme audiov
isuel). Par ailleurs la radio, aveugle, retrouve avec la télévision les yeux
43 Hermelin Christian
qui lui manquaient. Il fallait que le chanteur retrouve un visage, que son
image put pénétrer la vie quotidienne comme une présence magique et
permanente, pour qu'il puisse supplanter la star cinématographique.
Ajoutons à cela la progression de la technique photographique qui permet
de donner au portrait de chanteur une étonnante présence, plus vraie que
nature et surtout plus divine. On peut d'ailleurs se demander si l'image
fixe n'a pas un pouvoir d'impact plus grand que l'image mobile et si sa
fixité, sa permanence obsessionnelle ne la fait pas s'assimiler plus vite
que l'autre à la magie.
Comme la vedette de cinéma, le chanteur modèle s'offre en représen
tation sur scène, au disque et dans la vie. Il paraît en scène ; il apparaît
sur le petit écran ; sa voix sans visage est véhiculée par le disque et la
radio ; son visage sans est sur la couverture des magazines, et repro
duit plusieurs fois à l'intérieur (le numéro de février 65 de Salut les Copains
offre aux lecteurs 85 portraits de Françoise Hardy) ; il l'est encore dans
les récits chaque fois renouvelés de sa vie et de ses exploits.
Le chanteur modèle se confesse publiquement grâce à l'interview- vérité.
Ainsi demande-ton à Sylvie Vartan : « Une fille doit-elle, lorsqu'elle se
marie, avoir déjà eu ou ne pas avoir eu d'expériences avec les garçons ? »
Réponse : « ça dépend de ce que l'on entend par « expériences ». S'il
s'agit pour elle d'un amusement ou d'un passe-temps je ne la comprends
pas. Si elle agit par amour, elle n'est pas condamnable ». Notons que cet
interview paraît dans le n° 18 de S.L.C., qui après d'énergiques démentis,
puis un long silence, a confirmé dans son n° 17 la nouvelle d'un projet de
fiançailles Johnny-Sylvie.
Il se soumet à l'analyse graphologique ; il reçoit des lettres et il écrit
lui-même ; ainsi le soldat Smet alias « Johnny » envoie-t-il chaque mois
une lettre de la caserne à S.L.C... On jauge fréquemment le succès d'une
vedette au poids du courrier reçu, et comme l'Agha-Khan qui se fait offiir
son pesant d'or, France Gall, nous dit-on, reçoit son poids en courrier :
42 kg. (nouvelle transmise par le service de presse de Philips). La jeune
chanteuse Christine Le Bail fait un succès d'une lettre chantée « Johnny
S.P. 69.603/11 ».
Le chanteur modèle, donc, comme la vedette de cinéma, comme cer
taines vedettes du sport n'est pas celui qui entre en scène, chante ses
chansons puis rentre en coulisse pour redevenir un monsieur comme tout
le monde. Il est toujours en scène. Qu'il fasse son service militaire, qu'il
aime, qu'il fume une cigarette ou qu'il boive un verre, il est en représent
ation.
Son public qui le regarde sur la scène pour l'applaudir, le siffler, le
« regarde » aussi dans sa vie la plus intime approuver, ou s'étonner,
ou protester contre ce qui lui arrive, contre ce qu'il fait, contre ce qu'il
aime. « Sans voyeurs pas d'idoles » dit Léo Ferré (« Les idoles n'existent
pas », Janus). Ainsi le chanteur qui a sur lui des milliers d'yeux braqués,
^end-il de plus en plus à se donner en représentation, soit à devenir le per- interprète-modèle et « Salut les Copains » U
sonnage idéal que ces yeux demandent à voir, en même temps que le public
tendra à adopter et à imiter plus ou moins l'image qu'il contemple. Le
chanteur devient modèle, mais encore faut-il pour être modèle se laisser
modeler.
Bien entendu, les choses ne sont pas en général aussi dramatique pour la
vedette qu'il pourrait sembler ici. Mais il semble que de plus en plus elle
doive apparaître ainsi au public qui exige ce sacrifice. Il a par rapport à la
vedette un réflexe de propriétaire : « notre » Johnny écrivent souvent les
lecteurs de S.L.C.. Ferré l'explique avec un certain humour : « Le critère
de l'idolâtrie c'est l'épingle. Trois phases : l'offertoire, la torture, l'expo
sition. L'offertoire sur la scène, à l'écran de télévision, dans les colonnes de
France-Dimanche. Comme à la foire, on palpe, on discute, on prend. Cela
se passe après, quelque fois dans la rue — l'idole est l'objet public, comme
certaines filles — c'est le regard possessif, l'œil du maquignon. La torture
est consommée, vite, par l'autographe, ce don de l'écriture à défaut d'autre
chose. L'exposition, enfin sur le mur de la chambre, l'épingle qui tue
l'idole. On a l'icône qu'on peut ». (op. cit.)
D'ailleurs, le public admettrait difficilement que « l'idole » soit heureuse
de l'être. Les chemins de l'Olympe passent par la voie du sacrifice. « Je
suis une pierre qui roule toujours », chante Hallyday dans L'idole des
jeunes. Pas un reportage sur la vie de la vedette sans l'épisode de la séance
d'autographes où le chanteur affronte, tel le héros tragique, une foule prête
à l'écraser, prête à le vaincre. Cet affrontement tragique entre l'interprète
et son public, outre ce que nous venons de noter se traduit encore par
l'injure. S.L.C., depuis le second numéro, a trouvé heureusement son
opposant inconditionnel, qui injurie Johnny régulièrement tous les deux
ou trois numéros. S'il n'avait exis

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