L odyssée pionnière des premières vaccinations françaises au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.1, pg 105-144
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Description

Histoire, économie et société - Année 1982 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 105-144
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 50
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Pierre Darmon
L'odyssée pionnière des premières vaccinations françaises au
XIXe siècle
In: Histoire, économie et société. 1982, 1e année, n°1. pp. 105-144.
Citer ce document / Cite this document :
Darmon Pierre. L'odyssée pionnière des premières vaccinations françaises au XIXe siècle. In: Histoire, économie et société.
1982, 1e année, n°1. pp. 105-144.
doi : 10.3406/hes.1982.1285
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1982_num_1_1_1285L'ODYSSEE PIONNIERE DES PREMIERS
VACCINATEURS FRANÇAIS AU XIXème SIECLE (1)
par Pierre DARMON
La tradition fait remonter l'irruption de la petite vérole en Europe au Vlème ou
au Vllème siècle. Introduite par les Sarrasins, elle serait originaire, dit-on, d'Extrême
Orient. Même si plusieurs textes du Moyen Age la désignent sous le nom de picote,
la plupart des ouvrages de médecine la dépouillent pendant très longtemps de toute
spécificité en l'englobant dans la foule innombrable des différentes pestes, maladies
pestilentielles, maladies éruptives ou virulentes. Lorsque le XVIIème et le XVIIIème
siècles la tirent d'un certain anonymat, elle apparaît dès lors comme la maladie infec
tieuse la plus meurtrière. Selon le docteur Faust' deux personnes sur dix en réchappent,
malade' surtout sur par sept une en mort meurt prématurée. (2). Proportions Huit sur corroborées dix la contractent parla plupart un jour des ou observateurs. l'autre. Un
Décimatrice par essence, la petite vérole est près de deux fois plus meutrière au
XVIIIème siècle que ne l'est la peste au siècle précédent. Selon le docteur Biraben (3),
cette dernière moissonne effectivement 4 à 5 % des populations tandis que la petite
vérole fait monter cette proportion à 7 ou 8 %. Mais alors que la peste frappe à de
longs intervalles de façon massive et traumatisante, opérant de spectaculaires ponctions
humaines, la variole, beaucoup plus diffuse, décime par petites touches, sans doute,
mais avec constance et lancinance, élimant les générations à la base sans vraiment sa
brer dans la masse.
D'où cette accoutumance paradoxale au fléau et une indifférence relative à l'un des
tous premiers facteurs de mortalité de l'ère pré-jennérienne. Terriblement meurtrière, la
petite vérole est aussi une maladie rampante, banale, voire «domestique» par excellence.
Comme le remarque Jean-Pierre Peter, «par son caractère régulier, on s'en était fait une
habitude : chacun devait y passer ;en mouraient ceux qui devaient. Il flambait toujours
un foyer d'épidémie quelque part. La maladie était, comme on disait, «universelle» (4).
Aujourd'hui jugulé, le fléau n'offre plus au public le spectacle de l'épouvante. Aussi
l'oubli confèrerait-il une dimension mythologique aux récits d'autrefois si des photo
graphies de varioleux et le témoignage des médecins du XXème siècle ne se portaient
1. Travail réalisé d'après les renseignements fournis par la série F 8 100 - F 8 128 des archives
nationales (affaires de vaccine, correspondance des préfets et des vaccinateurs avec le ministre de l'i
ntérieur) et par les séries M (police sanitaire) des archives départementales de Meurthe-et-Moselle, du
Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de l'Eure, de Seine-Maritime, du Cantal et des Deux-Sèvres.
2. Communication au congrès de Rastadt sur l'extirpation de la petite vérole, A.N. F 8 124.
3. Les hommes et la peste, Paris, 1975-1976.
4. Les médecins français face au problème de l'inoculation variolique et de sa diffusion (1750-
1 790), Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, 1979, tome 86, pp. 251 s. Pierre DARMON 106
garants de leur authenticité : nombre infini de boutons, plusieurs milliers, parfois ; en
cas de confluence, tout le corps en décomposition transformé en une seule et même
pustule et comme trempé à vif dans l'huile bouillante, les yeux clos, un anéantissement
léthargique souvent total, la déglutition laborieuse, des souffrances inimaginables... La
guérison laissait parfois le visage grêlé, défiguré à jamais et l'organisme perclus de sé
quelles indélébiles.
Le XVIIIème siècle avait trouvé dans l'inoculation de la petite vérole par scarif
ication et insertion de pus un moyen de prévention efficace. Mais les avantages de la
méthode étaient contrebalancés de façon dramatique par ses inconvénients. La varioli-
sation tuait dans un rapport de probabilité oscillant entre 1/50 et 1/250. Surtout, les
inoculés porteurs d'une petite vérole généralement bénigne n'en véhiculaient pas moins
un germe qui potentialisait les risques épidémiques.
Lorsque vers l'extrême fin du XVIIIème siècle Jenner découvrit les propriétés pro
tectrices du cow-pox des vaches du Gloucester, la vaccination se substitua de façon
massive à l'inoculation en l'espace de trois ou quatre ans dans toute l'Europe. Phéno
mène instantanément sanctionné par un étiolement spectaculaire de la mortalité vario-
lique. Avant 1800, la petite vérole tuait annuellement 80 000 personnes en France. A
partir de 1805-1806, le nombre de ses victimes ne dépasse plus guère, dans le pire des
cas, la dizaine de milliers.
L'extension foudroyante de la vaccine en France n'est pourtant pas la conséquence
d'un mouvement populaire d'adhésion spontané. Elle est, bien au contraire, le fruit de
l'acharnement, du sacrifice et du dévouement quasi-sacerdotal d'un nombre relativ
ement restreint de vaccinateurs qui évoluent dans un milieu constamment soumis à des
forces d'impulsion et d'inertie dont il convient d'abord d'étudier les principales com
posantes.
Les forces d'impulsion
La première de ces forces est imprimée par les pouvoirs publics. Dès 1804, les pré
fets reçoivent une série de circulaires ministérielles leur enjoignant d'user de leur autor
ité pour assurer la diffusion massive de la vaccine dans le cadre de leur circonscription
administrative.
Aussitôt, ils promulguent des arrêtés dont les articles définissent un certain nomb
re de mesures susceptibles de concrétiser les volontés du gouvernement. Par voie hi
érarchique, sous-préfets et maires sont à leur tour informés. A tous les niveaux, la ma
chine administrative met en place le dispositif capable d'endiguer le fléau dévastateur
de la petite vérole. D'une façon générale, tous les arrêtés sont à peu près conçus sur le
même modèle. Ils contiennent notamment les conditions d'une vaccination générale
gratuite pour les pauvres, des directives relatives à la création d'un comité département
al et de comités locaux de vaccine (5), un ensemble de dispositions financières, les
principales attributions des maires, responsables de la mise à jour de l'état nominatif
5. Siègent généralement au comité départemental, le préfet, président de droit, le maire, des
ecclésiastiques, des médecins, des chirurgiens et, accessoirement, un homme de loi, un professeur, un
propriétaire, un négociant, un conseiller de préfecture, un général, un percepteur... A Strasbourg, le
comité comprend notamment le général commandant la cinquième division militaire, le maire, des
médecins et, unis dans une même volonté œcuménique de pourfendre la variole, l'évêque de Stras
bourg, le président du consistoire de l'Eglise réformée et le grand rabbin (le préfet au ministre de l'I
ntérieur, juin 1810, F 8 120). Mais aucun membre ne représente nulle part le corps des officiers de
santé ou des sages-femmes qui, avec les médecins, fournissent pourtant à l'ensemble des vaccinateurs
une part prépondérante de ses effectifs. PIONNIERE DES PREMIERS VACCINATEURS FRANÇAIS 1 07 L'ODYSSÉE
des enfants susceptibles de contracter la petite vérole, quelques mesures (en vérité fic
tives) de pression et de répression à rencontre des récalcitrants.
En fait, pour la première fois dans notre histoire, l'Etat affirme sa détermination
de diriger un ensemble d'opérations sanitaires d'envergure qui ne manquent, à première
vue, ni de cohérence ni d'habilité. A coup sûr, la médicalisation du pays est amorcée.
Qu'en es

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