La déconstruction de l état-nation : le cas Belge - article ; n°1 ; vol.50, pg 36-54
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Description

Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 1996 - Volume 50 - Numéro 1 - Pages 36-54
The deconstruction of the nation-state : the Belgian example.
Since 1830, Belgium has offered the example of a constantly changing nation-state. After the unity period of the 19th century, the emergence of Flemish autonomism and the Walloon identity crisis during the 20th century skewed the institutional and intellectual basic data of the nation-state construction. The recent 1993 Constitution is a spectacular illustration of the political and legal complexity of Belgium today.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jean Stengers
La déconstruction de l'état-nation : le cas Belge
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°50, avril-juin 1996. pp. 36-54.
Abstract
The deconstruction of the nation-state : the Belgian example.
Since 1830, Belgium has offered the example of a constantly changing nation-state. After the unity period of the 19th century, the
emergence of Flemish autonomism and the Walloon identity crisis during the 20th century skewed the institutional and intellectual
basic data of the nation-state construction. The recent 1993 Constitution is a spectacular illustration of the political and legal
complexity of Belgium today.
Citer ce document / Cite this document :
Stengers Jean. La déconstruction de l'état-nation : le cas Belge. In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°50, avril-juin 1996. pp.
36-54.
doi : 10.3406/xxs.1996.3519
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1996_num_50_1_3519LA DECONSTRUCTION
DE L'ÉTAT-NATION: LE CAS BELGE
Jean Stengers
Du haut de son siècle et demi d'exis O HISTOIRE UNITAIRE
tence, la Belgique semble déjà avoir
En 1830, le royaume des Pays-Bas, qui parcouru toutes les étapes de l'histoire
avait été constitué en 1815, se disloque. d'un État-nation européen: unité conquise
Les Belges se révoltent contre ce qu'ils par la lutte pour l'indépendance, uni
considèrent, au sein de ce royaume, fication obtenue par le suffrage univers comme la «domination hollandaise», le el et l'industrie moderne, épreuves
«joug» que les Hollandais, à leurs yeux, patriotiques des deux guerres mondial font peser sur eux. L'indépendance de la es, régionalisation et enfin dissociation Belgique est proclamée. Il ne s'agit là en linguistique et communautaire. Cette aucune manière de la naissance d'une histoire n'a rien cependant d'une évo nation - c'est parce qu'ils ont déjà une
lution linéaire: elle transforme autant nette conscience nationale que les Belges
qu'elle menace les formes classiques de se dressent contre les Hollandais -, mais
l'État et de la nation. la forme d'État que prend la nation est,
elle, une nouveauté. En 1830, la Belgique offre l'exemple,
La nouveauté, cependant, n'est pas et presque le modèle, d'un Etat-
complète. Déjà en 1789-1790, pendant nation dont les deux éléments,
une brève période de moins d'un an, la nation et État, sont également solides et
république des États Belgiques-Unis, née coïncident parfaitement. Cette double de la révolte contre Joseph II et fondée solidité s'affermit encore dans les décenn
elle aussi sur la nation, avait connu l'indies suivantes et connaît son apogée en épendance. La nation de 1789-1790 était 1914. Un double processus de déconstruct
ce que l'on appelait à l'époque la «nation ion se produit ensuite, avec d'ailleurs des
belgique». Ses contours ne corresponà-coups : déconstruction de la nation en daient pas entièrement à ceux de la nation
premier lieu, puis, corrélativenent, de belge de 1830, puisqu'il s'agissait en l'État. Il aboutit à la situation que l'on l'occurrence de la population des ex-
connaît aujourd'hui.
Pays-Bas autrichiens, non comprise la Comparons d'abord, pour voir les cho population de la principauté de Liège qui
ses plus clairement, le point de départ et constituait un État séparé. Mais cette dile point d'arrivée.
fférence territoriale mise à part, il faut sou
ligner que les États Belgiques-Unis n'ont
36 LA DECONSTRUCTION DE L'ÉTAT-NATION BELGE
pu être en aucune manière une source la grossièreté des temps barbares, dans
d'inspiration pour les révolutionnaires de l'enthousiasme des Croisades et de la lutte
1830 : ils avaient en effet rapidement somcommunale, dans l'aisance de la prospér
bré dans l'impuissance, une impuissance ité industrielle et parmi les raffinements
due notamment à des divisions politiques de la civilisation moderne»1. L'historien
internes, et même dans le ridicule. C'était Reiffenberg lui fait écho en écrivant : « Mal
tout sauf un modèle à suivre. gré des différences de langage, de mœurs
La situation de 1830 présente cinq et d'intérêts, il y a dans les populations
caractéristiques majeures. qui habitent la Belgique des traits géné
On trouve tout d'abord chez les Belges raux de caractère qui constituent une
un sentiment national vigoureux, un nationalité, et que le temps et les révolu
patriotisme qui fait que beaucoup sont tions n'ont pas eu le pouvoir d'altérer»2.
prêts à verser leur sang pour leur pays, C'est le sentiment tranquille et général.
et que le sang coulera effectivement dans La dualité des langues n'est à la source
la lutte contre les Hollandais. Quand on d'aucune division politique, ni même psy
dit «chez les Belges», il faut évidemment chologique, interne.
s'entendre : il y a sûrement dans certaines «Dualité des langues» est une formule
couches de la population, et notamment qui, notons-le tout d'abord, ne corre
de la population rurale, nombre d'hom spond pas à la réalité de l'époque. Chacun
mes - et peut-être une majorité - dont sait et dit, avant 1830 et en 1830, qu'il y
l'horizon psychologique ne s'étend guère a des Flamands et des Wallons, l'on parle
des « provinces flamandes » et des « provinau-delà de leur village et de ses envi
rons mais ne faut- il pas faire la même ces wallonnes», mais cela ne signifie pas
réserve, la question de degré mise à part, qu'il y ait au Nord un bloc de néerlando-
lorsque, parlant de la même époque et du phones face aux francophones du Sud.
même sujet, on dit «les Français»? Ce qui Les couches supérieures de la société, en
frappe néanmoins, est que chez tous ceux Flandre, et surtout dans les villes, ont pro
qui prennent la parole, qui écrivent, qui gressivement, à partir de la fin du 17e siè
expriment un sentiment, l'affirmation cle, adopté le français comme «leur» lan
belge est nette, voire passionnée. gue, langue de la vie privée, et, lorsque
Cette affirmation se fonde sur une les institutions s'y prêtent, de la vie publi
conviction non moins nette, et qui est que. Le processus s'est accéléré sous le
d'ailleurs souvent explicitée, que le peu régime français (1795-1814), lorsque le
ple belge est un vieux peuple qui a depuis français est devenu langue officielle. Il
des temps très anciens son identité, sa s'est poursuivi à l'époque du royaume des
personnalité propre. Le «caractère natio Pays-Bas. La Belgique se retrouve donc
nal» des Belges, qui s'est maintenu à tra en 1830 avec, dans toute l'élite dirigeante,
vers les âges, est constamment évoqué (et une véritable unité de langue : le français.
c'est d'ailleurs toujours, sous la plume des La presse politique, dans les provinces fl
hommes de 1830, un caractère noble et amandes, est dans sa très grande majorité
fier). On remonte volontiers à César, qui de langue française. En 1840, sur 11 jour
écrivait que, de tous les peuples de la naux politiques de ces provinces, 9 sont
Gaule, «les Belges sont les plus braves», de langue française, et 2 seulement de lan
horum omnium fortissimi sunt Belgae. Un gue néerlandaise. En dessous de la cou-
des hommes les plus remarquables de
1. J.-B. Nothomb, Essai historique et politique sur la Révo1830, Jean-Baptiste Nothomb, déclare: 3e éd., p. 300. lution belge, Bruxelles, 1834, « Les Belges ont un caractère particulier et 2. Baron de Reiffenberg, Souvenirs d'un pèlerinage en l'hon
indélébile, qu'on retrouve également sous neur de Schiller, Bruxelles, 1839, p. 203.
37 JEAN STENGERS
ehe francisée, en Flandre - mince sans ment normal. Mais, il faut y insister, nul
doute numériquement, mais qui est aux ne songe à brimer ceux qui ignorent le
commandes -, la masse de la population français. L'autorité s'adressera à eux, quand
ne connaît en général que ses dialectes, besoin est, dans leur langue, qu'elle soit
et un West-Flamand pratiquant son dia écrite ou parlée. Ironiquement, on peut
lecte ne comprend absolument pas un dire que les Wallons, à cet égard, seront
Limbourgeois pratiquant le sien. La place plutôt moins bien traités que les Fl
du néerlandais proprement dit, comme amands. Aux Flamands, o

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