La lettre vidéo - article ; n°1 ; vol.68, pg 249-266
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Description

Communications - Année 1999 - Volume 68 - Numéro 1 - Pages 249-266
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Michèle Gellereau
Muriel Molinié
La lettre vidéo
In: Communications, 68, 1999. pp. 249-266.
Citer ce document / Cite this document :
Gellereau Michèle, Molinié Muriel. La lettre vidéo. In: Communications, 68, 1999. pp. 249-266.
doi : 10.3406/comm.1999.2040
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1999_num_68_1_2040Michèle Gellereau, Muriel Molinié
La lettre vidéo
Enjeux éducatifs
d'une pratique amateur
Lorsque l'on parle des « réalisateurs » de lettres vidéo, c'est par le statut
que leur confèrent les institutions dans lesquelles ils travaillent (élèves
dans l'institution scolaire, stagiaires dans des organismes de formation,
étudiants de l'enseignement supérieur, détenus d'une maison d'arrêt1),
ou encore par leur rôle dans la relation épistolaire (destinateurs ou des
tinataires d'une lettre), ou enfin par le terme « auteur » (l'auteur d'une
lettre), qu'on les nomme. Constatant que, dans leur grande majorité, ceux
qui réalisent des lettres vidéo n'appartiennent pas au mondé du cinéma
ou de la télévision, on pourrait s'étonner que le terme « amateur » ne soit
généralement pas utilisé pour les désigner. C'est pourquoi cet article exa
mine les relations entre l'espace éducatif de production des lettres vidéo
et l'espace amateur.
UN AMATEUR DE NOUVELLES FORMES
Une remarque préalable : la dénomination de l'objet est elle-même
fluctuante. « Vidéolettre », « lettre vidéo », « vidéocorrespondance »,
« carte postale », « court métrage », « lettre de cinéma »... ces désignat
ions indiquent que, loin d'être fixé une fois pour toutes et tout en s'ins-
crivant dans une filiation épistolaire, cet objet se cherche au détour de
chaque réalisation. Disons que la lettre vidéo est un vidéogramme réalisé
par un individu ou un groupe, à destination d'un correspondant, et qui
porte dans sa composition même les marques sonores et visuelles de cette
recherche de correspondances.
En France, nous avons contribué à définir le terme « lettre vidéo » au
confluent de préoccupations éducatives, langagières et cinématographiq
ues, en relation avec des enseignants, des formateurs et des cinéastes
249 Michèle Gellereau, Muriel Molinié
dans des pratiques de recherche en réseau2. Au cours des années 80 et
jusqu'à aujourd'hui, des centaines de lettres vidéo ont été produites dans
l'Hexagone et à l'étranger, dans des cadres institutionnels et selon des
pratiques variés, plus ou moins attentives aux lettres de cinéma qui virent
le jour dans les mêmes années (celles de Godard : Lettre à Freddy Buache,
de Frédéric Mitterrand : Lettres d'Amour en Somalie, et, plus récemment,
de Romain Goupil : Lettre pour L... ), ou encore au cinéma documentaire
(du « ciné-œil » de Dziga Vertov3 au « cinéma du réel »).
Si nous utilisons la correspondance par lettre vidéo, c'est en tant que
praticiens et chercheurs intervenant dans le réel, via des dispositifs d'écri
ture et de réalisation « en vue de résoudre des problèmes dans une pers
pective de changement ou de transformation 4 » . Nos dynamiques de tra
vail associent étroitement recherche, production de connaissances et
modalités de l'action ou de l'intervention ; elles se caractérisent, dans
l'espace éducatif (institutions scolaires ou universitaires), par les points
suivants : un public d'élèves ou d'étudiants non professionnels de l'audio
visuel, une animation assurée par une équipe mixte (enseignants associés
à des cinéastes et/ou des techniciens), enfin, un travail de réalisation
autant centré sur le médium - sur l'acquisition de la maîtrise de l'outil
(la caméra), d'un langage (audiovisuel) et de ses codes - que sur les
médiations.
Le constat qui sous-tend cette démarche est en effet le suivant : les
institutions éducatives, notamment en formation initiale, rencontrent des
problèmes d'appropriation des savoirs par les publics auxquels elles les
dispensent. A l'école, particulièrement, la distance entre certains élèves
et les connaissances dispensées constitue un véritable obstacle à l'apprent
issage. Nombreux sont ceux qui tentent de créer dans un groupe les
conditions pour que des expériences (cognitives, sociales, affectives)
soient faites permettant à chacun d'attribuer du sens aux démarches
élaborées pour acquérir des savoirs et, par suite, aux savoirs eux-mêmes.
C'est ce qui fonde la plupart des démarches artistiques en milieu scolaire °. également la base de la correspondance scolaire dans la pédagogie
Freinet 6.
La spécificité d'un espace amateur autour de la lettre vidéo est ailleurs.
Elle réside dans le fait que, réalisant une lettre pour l'envoyer à d'autres,
notre amateur coproduit un espace de travail entre l'intérieur et Vexté-
rieur de l'institution et que, dans cette tension, il tente d'inventer de
nouvelles formes.
Pour mieux comprendre cette pratique sociale, il paraît utile de resituer
la problématique de l'amateur de lettres vidéo par rapport à celle de
l'amateur de vidéo.
250 La lettre vidéo
L'amateur et la ronde des objets. .
Un vidéaste amateur consomme des images, des discours sur l'image,
des instruments pour en faire et, à ce titre, n'échappe pas à cette spirale
de la consommation que Baudrillard définissait comme « un mode actif
de relation (non seulement aux objets, mais à la collectivité et au monde),
un mode d'activité systématique et de réponse globale sur lequel se fonde
tout notre système culturel7 ».
Pour Baudrillard, l'activité du consommateur est double : non seul
ement il consomme mais il tient un discours sur cette activité, ce qui lui
permet de créer des relations de « sens » entre ses objets de consommation.
Le consommateur se persuade ainsi, à tort, que consommer est un acte
personnalisé. Aliéné sans le savoir, il se laisse bercer par « l'illusion d'une
distinction personnelle dans la consommation des objets8 ».
En développant la problématique d'un écart entre l'injonction à
consommer et l'acte consommatoire lui-même, Michel de Certeau et Luce
Giard ont, à l'opposé, souligné l'existence de variations entre le mode
d'emploi qui règle l'incorporation sociale du bien de consommation et le
« bricolage » des pratiques et des usages 9. Selon Michel de Certeau, l'usa
ger invente des formes de « résistance » à la pathologie de la civilisation
technicienne. « Bricoleur », il résisterait à l'obsession de l'homme
moderne, ce cybernéticien « obsédé par la circulation absolue des mes
sages » et des objets 10.
Qu'en est-il du geste de l'amateur qui utilise un bien de consommation
(le caméscope) pour produire ses propres objets audiovisuels ? En tant
que consommateur-producteur, il risque fort de jouer le jeu d'une société
qui tente de contrôler non seulement les façons de consommer mais éga
lement les messages produits grâce aux machines conçues dans cet object
if. L'amateur va tellement bien incorporer les schémas de consommation
qu'il ne pourra que les reproduire. Comment faire autrement ? Comment
résister à l'institutionnalisation des machines à communiquer11 et à
l'influence d'un « discours d'accompagnement dont l'objectif est de gui
der clairement l'usage qui sera fait des nouvelles technologies 12 » ?
Pourtant, le modèle imposé par l'institution médiatique, qui situe
l'émetteur actif au centre et les récepteurs passifs à la périphérie, a été
remis en question dans les années 60-70. Un certain nombre de médiat
eurs sociaux voyaient alors dans l'appropriation collective du matériel
audiovisuel léger la possibilité de faire prendre en charge l'information
par la collectivité et de susciter la participation de tous à la vie de la
251 Michèle Gellereau, Muriel Molinié
cité 13. La vidéo, en tant qu'opérateur d'une « contre-télévision H », occu
pait une place importante d

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