La mère iranienne entre famille, État et société - article ; n°1 ; vol.85, pg 163-184
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Description

Revue du monde musulman et de la Méditerranée - Année 1999 - Volume 85 - Numéro 1 - Pages 163-184
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 47
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Azadeh Kian-Thiébaut
La mère iranienne entre famille, État et société
In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée, N°85-86, 1999. pp. 163-184.
Citer ce document / Cite this document :
Kian-Thiébaut Azadeh. La mère iranienne entre famille, État et société. In: Revue du monde musulman et de la Méditerranée,
N°85-86, 1999. pp. 163-184.
doi : 10.3406/remmm.1999.2643
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/remmm_0997-1327_1999_num_85_1_2643Kian-Thiébaut* Azadeh
La mère active iranienne
entre famille, Etat et société
La révolution de 1979 en Iran a conduit à des changements importants aussi
bien dans les structures politiques, sociales et économiques que dans les données
démographiques. Dès son instauration, l'État islamique a tenté d'appliquer son
modèle à tous les domaines. Néanmoins, aucune institution n'a subi de chan
gements de législation aussi importants que la famille. L'adoption de la chari'a
(lois islamiques) a substitué à la loi de la protection de la famille (promulguée
en 1967 et qui élevait l'âge minimum du mariage pour les filles de 13 à 15 et
plus tard à 1 8 ans et offrait aux femmes notamment le droit au divorce et à la
garde des enfants), une nouvelle législation, plus proche du modèle islamique.
Par sa volonté d'islamiser la famille, l'élite politique et religieuse tente de faire
de cette institution non pas le lieu d'une distance mais celui d'un rapprochement
entre la société et l'État islamique. L'enjeu est d'autant plus grand qu'en l'absence
ou du fait du dysfonctionnement des institutions sociales, la famille remplit
aussi certaines fonctions sociales. Elle est ainsi considérée par les autorités comme
la principale ressource de régulation des problèmes sociaux. C'est l'une des ra
isons pour laquelle la valorisation de la famille est renforcée au moyen d'une
politique familiale et nataliste de l'État encourageant le mariage, en particulier
chez les jeunes. A cet effet, l'âge minimum du mariage pour les filles est abaissé
* Sciences sociales du inonde iranien, Ivry s/Seine.
REMMM n° 85-86, 163-184 164 1 Azadeh Kian-Thiébaut
à 13 puis à 9 ans et celui des garçons à 15 ans, des dispositions financières sont
prises concernant les jeunes mariés aux revenus faibles, tels que l'octroi de prêts
et/ou de crédits bancaires avantageux, les allocations familiales, le bénéfice d'une
priorité d'accès au logement, à l'emploi, etc.
L'ensemble de ces politiques familiales et natalistes qui marquent les huit
premières années de la révolution, combinées aux événements révolutionnaires
vécus par la jeunesse, force principale de la révolution et la majorité de la popul
ation (en 1991, 64 % de la population avait moins de 24 ans et plus de 44 %
avait moins de 15 ans), comme le début d'une ère nouvelle et prometteuse d'un
avenir meilleur, ont conduit à l'augmentation du nombre des mariages. D'au
tant que de nombreux jeunes militants des formations politiques se sont mariés
au courant des années révolutionnaires et après la révolution pour dissimuler leurs
activités clandestines contre le régime islamique. Ainsi, en 1986 (année du pre
mier recensement général de la population après la révolution), le taux de
mariage pour 1 000 habitants atteint 6,9 alors qu'en 1976, ce taux était de l'ordre
de 5 (A. Mehryar, 1994, 12).
Cependant, l'âge moyen des femmes au premier mariage n'est pas considér
ablement affecté par les nouveaux dispositifs. Il passe de 19,75 en 1976 à 19,72 en
1986, autant dire ne bouge pas. On constate aussi que l'abaissement de l'âge min
imum du mariage pour les femmes n'a pas induit d'augmentation du nombre des
mariages précoces. En effet, seulement 0,04 % des femmes avaient moins de 10
ans lors de leur premier mariage, et seulement 2,2 % des femmes âgées de 10 à 14
ans (qui constituaient 13,5 % de la population féminine) étaient mariées, contre
25,5 % pour la classe d'âge 15-19, 67 % pour celle de 20-24, et 87,5 % pour les
25-29 ans (Centre de statistiques d'Iran, 1991, 278). Les hommes, eux, se marient
en moyenne un an plus tôt qu'avant la révolution (24,24 ans en 1976 contre
23,27 en 1986).
La politique nataliste de l'État est largement révisée à partir de 1988, quand
les résultats du recensement général de la population effectué en 1986 eurent révélé
une augmentation de la population de 15 millions par rapport au dernier rece
nsement effectué sous l'ancien régime en 1976 (soit un taux de croissance annuelle
de 3,9 %). La crise économique, aggravée par huit années de guerre Iran-Irak
(1980-88), et l'insuffisance de ressources et de moyens pour subvenir aux besoins
de la jeune génération née sous le régime islamique (en matière d'éducation, de
santé, d'emploi, etc.) obligent les autorités à mettre en œuvre des projets visant
à réduire le taux de natalité, qui est alors parmi les plus élevés du monde. Elles
le font malgré le prestige associé, dans la culture iranienne, au nombre élevé d'en
fants par famille et en dépit de la tradition nataliste de l'islam. Ainsi, la tendance
s'inverse quant à la politique nataliste de l'État, avec la remise en vigueur du plan
ning familial (H. Hoodfar, 1994). Les résultats du recensement partiel de 1991
confirment la réussite de cette nouvelle politique : le taux de croissance de
2,46 % de la population entre les deux recensements, présente en effet une
baisse considérable par rapport à celui de 1986. mère active iranienne entre famille, État et société 1 165 La
La politique familiale de l'État, elle, reste inchangée, le mariage des jeunes étant
toujours encouragé. En 1991, le taux de mariage pour 1 000 habitants était de
8,1, ce qui montre une hausse de 1,2 par rapport à 1986, mais une baisse de 0,6
par rapport à 1989, année suivant la fin de la guerre Iran-Irak pour laquelle le
taux de mariage est parmi les plus forts depuis la révolution. Cependant, il est
significatif que l'âge moyen des femmes au premier mariage ait considérablement
augmenté par rapport à 1986 mais aussi par rapport à celui de l'Iran impérial,
puisqu'il atteint 20,9. L'âge moyen des hommes au premier mariage qui est de
24,4 est très proche des données du recensement de 1976 à un moment où l'É
tat encourageait le planning familial. Comme on le verra plus loin, les raisons
de cette tendance à la modernisation des comportements démographiques qui
va à l'encontre, et des traditions, et de la politique familiale de l'État, peuvent
être recherchées dans les facteurs socio-économiques tels que l'urbanisation
croissante de la population, une meilleure éducation des femmes et l'augment
ation de leur activité économique, on peut invoquer aussi la crise économique.
Le mariage : un contrat de vente
« Pour qu'une République soit bien organisée, les principales lois
doivent être celles qui régissent le mariage » (Platon).
En dépit de la "sacralisation" de la famille, les lois qui régissent le mariage pren
nent la forme d'un contrat civil dont les termes et les implications sont ceux d'un
contrat de vente. Selon le code civil, les époux ont des sphères séparées de droits
et d'obligations. Les articles du code civil quant aux droits de l'épouse sont
notamment ceux qui lui reconnaissent le droit de refuser la cohabitation avant
réception de son douaire (mahriyé), le droit d'exiger de son mari qu'il subvienne
à ses besoins et celui de disposer de ses biens. Les articles du code civil portant
sur les droits du mari lui attribuent notamment la direction de la famille, le
choix du lieu de résidence, le droit de contracter quatre mariages permanents simul
tanés, et un nombre infini de mariages temporaires (sighé) successifs, le droit d'exi
ger l'obéissance de son épouse, de contrôler ses activités hors du foyer, et celui
de mettre un terme au mariage.
Le modèle prescrit par la chari'ay selon lequel l'harmonie matrimoniale se
fonde sur l'immuable domination de l'homme, valide la différenciation des rôles
masculins et féminins. La maternité et les travaux domestiques deviennent ainsi
la fonction principale de la femme, même si l

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