La place et la fonction de la morphologie dérivationnelle dans la grammaire scolaire au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.41, pg 60-76
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La place et la fonction de la morphologie dérivationnelle dans la grammaire scolaire au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.41, pg 60-76

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Description

Langue française - Année 1979 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 60-76
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 102
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jacques Bourquin
La place et la fonction de la morphologie dérivationnelle dans la
grammaire scolaire au XIXe siècle
In: Langue française. N°41, 1979. pp. 60-76.
Citer ce document / Cite this document :
Bourquin Jacques. La place et la fonction de la morphologie dérivationnelle dans la grammaire scolaire au XIXe siècle. In:
Langue française. N°41, 1979. pp. 60-76.
doi : 10.3406/lfr.1979.6146
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1979_num_41_1_6146Jacques
Besançon
LA PLACE ET LA FONCTION
DE LA MORPHOLOGIE DÉRIVATIONNELLE
DANS LA GRAMMAIRE SCOLAIRE AU XIXe SIÈCLE
La morphologie dérivationnelle (préfixation et dérivation) n'est
guère entrée dans les grammaires scolaires de l'enseignement primaire
qu'après 1870, et c'est à partir de 1880-1885 qu'elle s'y impose pour deve
nir la pierre angulaire d'un enseignement du lexique auparavant négligé. Les
rares ouvrages scolaires qui en traitent avant cette date ne sont pas des
« grammaires » et ne sont pas le plus souvent destinés spécifiquement
à l'enseignement primaire; quand ils le sont, ou du moins le prétendent, leur
forme même et leur technique d'analyse, ainsi que parfois leur format, en
font des ouvrages qui s'adressent plus aux maîtres — et à des maîtres ins
truits et confirmés — qu'aux élèves.
1) Quelles sont les raisons qui rendent compte, sur le plan de l'épis-
témologie, de cette longue séparation de la grammaire et de la construction
des mots? et comment leur confluence a-t-elle été rendue possible?
2) Quelle est la signification socio-historique de cette situation et
de son évolution?
1. Le lexique construit comme moyen d'approche d'une sociologie
historique du langage.
La « grammaire traditionnelle » correspond à un moment de l'his
toire de la langue, et surtout à un moment de son enseignement. S'interroger
sur le rôle qu'y joue la morphologie dérivationnelle revient donc selon nous
à s'interroger sur la sociologie du langage 1, sur les forces sociales qui en
règlent l'usage ou l'apprentissage. Et l'interrogation sur les formes ou sur les
conceptions interprétatives de ces formes doit nous révéler comment, par
les choix préférentiels des discours, se manifestent les forces sociales qui
organisent, non sans contradictions, les institutions à leur profit.
Le rôle spécifique du lexique construit (dérivés et composés) est diffi
cile à évaluer dans la langue parlée au xixe siècle et plus précisément
dans les diverses pratiques langagières correspondant aux clivages sociaux
et professionnels. Une histoire du lexique en fonction des relations de sa
morphologie et de ses usages reste à faire. Elle a été ébauchée de façon
synthétique et quantitative à la fin du xixe siècle dans une perspective d'évo
lution morphologique2. Les études récentes3 sur la constitution du vocabu-
1. Cf. à ce sujet J. Boutet, P. Fiala et J. Simonin-Grumbach : « Sociolinguistique
ou sociologie du langage? » Critique 344, janvier 1976, p. 68-85.
2. Il s'agit alors soit de faire le partage entre les dérivés populaires et les dérivés
savants (cf. Dahmesteter), soit d'évaluer le nombre des dérivés récents par rapport à leurs
mots « radicaux » d'ancien français.
3. J. Dubois, Essai sur la dérivation suffîxale en français moderne et contemporain
(Larousse 1963); L. Guilbert, La formation du vocabulaire de l'aviation (Larousse 1965);
J. Peytakd, Recherches sur la préfixation en français contemporain (Lille 1975).
60 laire de tel domaine technique, aviation, cinéma, etc., ou sur des aspects
morphologiques nous ouvrent quelques perspectives sur la naissance et sur
le « mouvement » des lexiques et des formations particulières. Mais ces
études renvoient à des domaines techniques ou scientifiques manifestés
d'abord dans des écrits spécifiques, ou elles se fondent sur. les dictionnaires
qui, bien qu'ils soient attentifs aux modifications de l'usage, donnent le
lexique d'une manière globale, sans considération suffisante des pratiques
socio-professionnelles des différentes catégories sociales (et des variations
qui se produisent à l'intérieur de chacune d'elles). Les mentions « technique »,
« populaire » ou « familier », etc., sont bien insuffisantes pour nous rensei
gner. Aussi sommes-nous réduits à quelques coups de sonde dans des types
d'écrit où nous supputons quelque trace de pratique orale marquée et repé-
rable (romans. Physiologies, mélodrames, etc.) à interpréter avec toute la
prudence qui s'impose; ou à raisonner par analogie. A l'occasion du juge
ment du vieux Dominici, accusé il y a quelques décennies, d'avoir assassiné
une famille d'Anglais qui campait sur sa terre, un chroniqueur judiciaire
remarquait que le vieux paysan disposait d'un lexique français de quelques
centaines de mots, et qu'avec trois ou quatre mille mots il aurait été acquitté.
Situation rarement renversée, sinon dans les périodes révolutionnaires où
ceux qui disposent du moins de mots peuvent devenir les juges, et où la dis
ponibilité du lexique et son abondance deviennent à leur tour une source
d'incompréhension et de suspicion. En témoigne l'interrogatoire d'A. Ché-
nier, rapporté par F. Bbunot, et reproduit par R. Balibar et D. Laporte (Le
français national, Hachette 1974 p. 185). Rien ne nous autorise cependant
à apprécier le rôle du degré de « complexité » d'un mot dans son usage cou
rant et dans le processus d'intégration ou d'élimination dont il est l'objet.
Sans doute intervient ici le fait que le lexique français est constitué
de deux séries de lexemes dont les uns sont d'origine « populaire » et les
autres d'origine « savante ». Et que ce phénomène est encore plus marqué
dans le lexique construit où la formation se fait le plus souvent, même
lorsque le choix est possible, sur la base savante, « latine »; et où inter
viennent un certain nombre d'éléments formateurs et de patrons emprunt
és aux langues anciennes classiques. Marty-Laveaux constate après la
Commune que
« le peuple continue, même de nos jours, à n'employer que les mots qu'il a
faits; à peine comprend-il les autres, et jamais il ne s'en sert... Nos divers
gouvernements, si opposés dans leurs principes et dans leurs doctrines,
poussés par je ne sais quel besoin de mystérieux prestige, semblent s'en
tendre de la façon la plus singulière pour parler à tous, précisément dans les
circonstances décisives et solennelles, un langage qui ne peut être compris
que de quelques-uns... {De l'enseignement de la langue française, 1872.)
Il n'empêche qu'un terme, si complexe soit-il, est intégré par l'usage
commun lorsqu'on en a besoin. Le lexique n'est donc pas seul en cause, et il
est clair que les types de discours interviennent de façon importante.
Wey accusait les théoriciens socialistes d'avoir popularisé un certain
nombre de dérivés en -isme dans la première moitié du xixe siècle 4. Brachet
contestant les « mauvais néologismes », ceux qui « expriment des idées
anciennes par des mots nouveaux,... baser, impressionner, illusionner,
émotionner » déclare : « C'est le journalisme et la tribune qui nous ont inondés
4. F. Wey : Remarques sur la langue française au XIXe siècle, Paris, 1845.
61 de ces mots nouveaux » (Grammaire historique de la langue française,
1867, p. 67). Il les rend particulièrement responsables d'une « crue de te
rminaisons », du « développement exagéré des mots anciens, c'est-à-dire de la
création d'une masse de dérivés lourds et déplaisants » :
« ainsi on dit d'abord règle et régler, puis règlement, puis réglementer,
puis réglementation, etc., de constituer, sont venus constitution, consti
tutionnel, constitutionnalité, inconstitutionnalité, inconstitutionnelle-
ment, etc., de nation, national, nationalité, dénationaliser, etc.. »
(ibid.).
On sait aussi le rôle que le renouvellement des techniques relatives
aux secteurs d'activité concernant le plus grand nombre des Français, indust
rie et agriculture, a joué par r

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