La politique des nationalités du gouvernement provisoire - article ; n°2 ; vol.2, pg 131-165
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Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1961 - Volume 2 - Numéro 2 - Pages 131-165
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1961
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Marc Ferro
La politique des nationalités du gouvernement provisoire
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 2 N°2. pp. 131-165.
Citer ce document / Cite this document :
Ferro Marc. La politique des nationalités du gouvernement provisoire. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 2 N°2. pp.
131-165.
doi : 10.3406/cmr.1961.1462
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1961_num_2_2_1462ÉTUDES
LA POLITIQUE DES NATIONALITÉS
DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE
(février - octobre 1917) *
« Le principal mérite de l'insurrection de février, a-t-on pu écrire,
mettons l'unique, mais tout à fait suffisant, consista en ce qu'elle donna,
enfin, la possibilité de parler hautement aux classes et aux nations
les plus opprimées de Russie »2. Et de fait, elle mit en mouvement, non
pas seulement les Finnois et les Polonais, les Baltes et les Ukrainiens,
mais aussi bien les Tatars et les Kazahs, les Baškirs et les Turkmènes.
Trotski l'a bien noté : le problème national n'était pas nouveau
en 1917 ; mais avec la guerre et la chute du tsarisme, il allait exploser
de façon révolutionnaire.
I. La situation initiale
En février 1917, la question des nationalités se posa, très vite, aux
dirigeants de la Russie nouvelle. S'ils étaient divisés sur les objectifs à
assigner à la révolution, et si, notamment, ils étaient en désaccord sur
les solutions à apporter au problème national, libéraux et socialistes,
au moins, étaient solidaires pour faire la guerre ensemble, dès lors qu'ils
jugeaient, chacun pour ses propres raisons, qu'il fallait la poursuivre
pour sauver la révolution.
Cette nécessité conditionnait tout le reste : car s'ils poursuivaient
une guerre déclarée par ceux-là mêmes qu'ils venaient de renverser,
1 Sur la question des nationalités, l'ouvrage fondamental est celui de Richard
Pipes, The formation of Soviet Union, Harvard Univ. Press, Cambridge, 1954,
355 p. ; avec une importante bibliographie (compte rendu critique dans R. Portai,
Revue Historique, oct.-déc. 1956). On consultera aussi E. Carr, The Bolchevik
Revolution, t. I, nouvelle edit., London, i960. Les sources les plus importantes
se trouvent rassemblées dans S. M. Dimanštein, Revoljucija i nacionál' nyj vopros,
t. III, Moscou, 1930.
г Trotski, dans Histoire de la Révolution Russe, t. II, Paris, 1931. 132 M. FERRO
les hommes de Février prenaient en mains, aussi, une carte des hosti
lités héritée du tsarisme.
Or, sur le terrain des nationalités, celle-ci se présentait de telle
façon qu'il leur fallait non plus seulement concilier les exigences des
peuples avec leur programme propre, mais aussi tenir compte du jeu
de leurs alliances comme de la politique de l'adversaire.
Partie complexe, dont il faut reprendre certaines données avant
d'en analyser le déroulement.
La question nationale, en effet, se situait dans un cadre interna
tional qui, avec la guerre, s'était bien modifié3.
Sans doute était-ce naguère l'Entente qui, plaçant volontiers ses
combats sous le signe de la défense du droit des peuples, avait, la
première, donné une dimension internationale au problème des minor
ités. Elle avait en vue l'affaiblissement de l'Autriche-Hongrie —
qu'elle obligerait peut-être à une paix séparée — , tout comme la
décomposition de l'Empire Ottoman ; ce qui valait bien les quelques
concessions que ferait la Russie — sous la pression de ses alliés — aux
Polonais ou aux Finnois. La reconnaissance de Hussein comme roi
des Arabes (novembre 1916) tout comme la note du 10 janvier 1917
allaient bien dans ce sens.
Mais, avec la fin de l'année 1916, la question des nationalités était
devenue, pour les Alliés, une arme plus dangereuse qu'efficace. St
imulées par leur succès en Europe orientale, mais menacées par le
renforcement du blocus, les puissances centrales furent amenées à
reconsidérer le problème de l'organisation de l'espace est-européen.
C'est l'époque où F. Naumann relance l'idée de la Mitieleuropa.
A leur tour, les puissances centrales pouvaient retourner l'arme des
nationalités : contre la France et l'Angleterre, peu soucieuses des
libertés de l'Irlande ou des peuples d'outre-mer ; mais surtout contre
la Russie qui, sur ce terrain, était particulièrement vulnérable4.
A la veille de la Révolution de 1917, plusieurs faits annoncent ce
revirement plein de menaces pour la cohésion de l'État russe : la
Conférence des Nationalités de Lausanne, d'abord, qui sonne l'alarme
(juin-juillet 1916) ; l'offensive des Empires Centraux sur le front des
Nationalités dans l'est européen, ensuite. Voilà qui modifia les données
de l'alliance franco-russe, lorsque furent signés les fameux accords
secrets, quarante-huit heures avant la chute du tsarisme.
3 Sur la situation politique et militaire en 1916-1917, nous renvoyons aux deux
ouvrages, classiques, de P. Renouvin, La crise européenne et la Première guerre
mondiale, 3e éd., Paris, 1948, pp. 316 à 539 et l'Histoire des relations internat
ionales, t. VII, ire partie, 1. I, Paris, 1957.
4 Th. Ruyssen, Les minorités nationales d'Europe et la guerre mondiale, Paris,
1923, et J. Droz, L'Europe centrale. L' Évolution historique de l'idée de Mittel-
europa, Paris, i960, 285 p. POLITIQUE DES NATIONALITES DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE I33
* * *
Tenue à Lausanne du 27 au 29 juin 1916, la IIIe Conférence des
Nationalités s'était réunie sous l'égide de Г « Union des Nationalités »,
un organisme constitué à Paris, avant la guerre, par des personnalités
libérales, francophiles pour la plupart5.
Vingt-cinq nationalités répondaient à l'appel6.
Mais, contre toute prévision, la manifestation tourna à la confusion
de l'Entente... D'abord, parce que la Conférence fut comme « envahie »7
par les représentants des nationalités opprimées de l'Empire russe
(surtout Polonais et Ukrainiens) ; ensuite, parce que n'ayant pu venir
en personne, les représentants des Serbes, Tchèques, Roumains de
Hongrie ne purent être entendus et ce furent des Suisses ou des Franç
ais qui parlèrent en leur nom. Enfin, parce que, par la bouche des
Égyptiens et des Tunisiens, on fit bien plus le procès de l'impérialisme
français ou anglais que celui des puissances centrales.
Cette conférence n'eut pas seulement pour intérêt de rendre manif
estes à une opinion mal informée des revendications souvent radicales,
et dont quelquefois même on ignorait l'existence8.
6 Sur la Conférence des Nationalités, on consultera les Comptes rendus publiés
sous l'égide de Г « Union des Nationalités », Librairie centrale des Nation
alités, Lausanne, 191 7 (une trentaine de fascicules). Voir, également, La
Tribune de Lausanne, la Feuille d'Avis de Lausanne et la revue Annales des
Nationalités.
Qu'il nous soit permis de remercier, ici, le bibliothécaire en chef de l'Univers
ité de Lausanne et aussi le Directeur des Archives municipales, pour les indica
tions qu'ils ont bien voulu nous fournir. Notre gratitude va, également, à
MM. Burnier et E. Privât qui ont bien voulu nous fournir des renseignements
sur la Conférence de juin 191 6.
Pour sympathiques qu'ils fussent à l'Entente, les organisateurs n'en étaient
pas moins des neutres, mais qui estimaient qu'une victoire de l'Entente serait
plus à profit aux nationalités opprimées qu'un succès des Empires centraux —
leurs penchants n'étaient point secrets puisqu'ils confièrent la Présidence à un
Belge, le savant P. Otlet. Mais, par souci d'équité, l'invitation qu'ils lancèrent
aux nationalités ne comportait pas d'exclusive.
6 Albanais, Algériens, Arméniens (excusés), Basques, Belges, Catalans, Cir cas-
siens, Daghestanais, Égyptiens, Esthoniens, Finnois, Géorgiens, Irlandais, Juifs,
Kirghiz, Koumouques, Lithuaniens, Luxembourgeois, Polonais, Roumains,
Ruthènes blancs, Serbes, Syriens (excusés), Tatars, Tunisiens, Čagatajs,
' Ukrainiens. L'expression est de M. E. Privât, à l'époque, éditorialiste à la Tribune de
Lausanne, et qui fut un des organisateurs de la Conférence.
8 Les Finnois (K. Zilliacus) comme les Čagatajs réclamaient l'indépendance
« complète » ; les Gé

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