La sémantique lexicale est d abord inférentielle - article ; n°1 ; vol.113, pg 92-106
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Description

Langue française - Année 1997 - Volume 113 - Numéro 1 - Pages 92-106
D. KAYSER : La sémantique lexicale est d'abord inférentielle Lexical Semantics is concerned with the meaning of words ; but how to express a meaning ? In words ? With « atoms of meaning » ? With logical predicates ? With mathematical functions ? We discuss the weaknesses of these solutions, try to identify their causes and conclude that the problem is basically ill-defined. Actually, what matters are the inferences which are warranted by the use of a word in its context ; the existence of a referent in some universe of discourse is merely a possible by-product of these inferences. We finally explain that the inferential behaviour obeys general principles that can be represented in a logic, provided it is a nonmonotonic one.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Daniel Kayser
La sémantique lexicale est d'abord inférentielle
In: Langue française. N°113, 1997. pp. 92-106.
Abstract
D. Kayser : La sémantique lexicale est d'abord inférentielle
Lexical Semantics is concerned with the meaning of words ; but how to express a meaning ? In words ? With « atoms of meaning
» ? With logical predicates ? With mathematical functions ? We discuss the weaknesses of these solutions, try to identify their
causes and conclude that the problem is basically ill-defined. Actually, what matters are the inferences which are warranted by
the use of a word in its context ; the existence of a referent in some universe of discourse is merely a possible by-product of
these inferences. We finally explain that the inferential behaviour obeys general principles that can be represented in a logic,
provided it is a non-monotonic one.
Citer ce document / Cite this document :
Kayser Daniel. La sémantique lexicale est d'abord inférentielle. In: Langue française. N°113, 1997. pp. 92-106.
doi : 10.3406/lfr.1997.5372
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1997_num_113_1_5372Daniel KAYSER
LIPN URA 1507 du CNRS
Université Paris-Nord, 93430 Viiletaneuse
e-mail : Daniel. Kayser @ ura 1507.univ-parisl3.fr
LA SEMANTIQUE LEXICALE EST D'ABORD INFERENTIELLE
Compréhension et inference
On décompose souvent l'étude des langues, notamment en vue de leur traitement
informatique, en différents « niveaux » (morphologique, lexical, syntaxique, sémanti
que, pragmatique), niveaux dont il convient également d'analyser les articulations ; il
n'est pas nécessaire de se prononcer sur la pertinence d'un tel découpage pour se rendre
compte qu'aucun traitement n'est possible sans savoir ce que les mots « veulent dire ».
D'une façon très intuitive — mais en existe-t-il de meilleures ? — , ceci définit exacte
ment le domaine de la sémantique lexicale.
Il est assez étonnant de constater qu'après des siècles de réflexion autour de ce
sujet, on n'est pas parvenu à spécifier plus exactement comment exprimer ce que « veut
dire » un mot. Nous voulons inventorier ici quelques voies qui s'avèrent infructueuses,
et leur opposer la seule piste qui nous paraisse prometteuse, à savoir que la sémantique
d'un mot s'exprime d'abord par les inferences qu'il autorise.
L'inférence jouant un rôle majeur dans cet article, il importe d'expliquer clair
ement ce que nous entendons par là : intuitivement, on ne voit pas ce qu'il y a de commun
entre Zadig inférant, à partir de ses observations, le signalement de la chienne de la
reine, et les règles d'inférence d'un système déduclif hilberlien. Dans le premier cas, les
prémisses, que la sagacité du personnage lui fait confronter à ses connaissances préa
lables (non explicitées) l'amènent à énoncer des conclusions plausibles ; dans le
deuxième, il s'agit d'une réécriture systématique de symboles, effectuée selon des
critères stricts.
Pour s'assurer qu'une personne a compris un texte, on n'a généralement pas de
meilleur moyen que de lui poser des questions sur ce texte ; la compréhension inclut
donc la compétence, déclenchée par le questionnement, à produire une conclusion — la
réponse — en fonction d'une prémisse — le texte. Cette compétence est clairement
infère nlielle, dans la première acception que nous lui donnons, celle qui se réfère au
sens commun.
Ceci nous permet d'étayer par de nouveaux arguments l'intuition que les deux
acceptions sont foncièrement différentes : les critères régulant l'inférence logique
92 correspondent à l'idée de préservation de la vérité, ce qui conduit à inférer à la fois trop
et trop peu : trop, car la conclusion « il fail beau aujourd'hui ou Napoléon est un
homme », logiquement inférée de la prémisse « Napoléon est un homme », ne sera
jamais considérée comme une preuve de compréhension de cette prémisse ; trop peu,
car l'évidence « l\apoléon n'est pas Jules César » n'est pas une conclusion logiquement
admissible, puisque cette proposition est fausse dans un modèle où les deux noms, César
et IMapoléon, renvoient au même individu de l'univers d'interprétation.
Enfin, il peut exister plusieurs niveaux de compréhension (un spécialiste ne répond
pas de la même façon qu'un novice), ce qui correspond à des inferences plus ou moins
élaborées tirées des mêmes prémisses, alors que toute les logiquement
acceptables sont, en droit, de même niveau.
Avancer que la sémantique lexicale est d'abord infércnticllc, c'est conjecturer que
l'aptitude à tirer des conclusions ne dérive pas d'une raison plus profonde, par exemple
de ce que les mots dénoteraient des objets d'un modèle qu'il suffirait de consulter pour
obtenir les conclusions souhaitées ; c'est, tout au contraire, penser que l'aptitude à
construire un ou plusieurs modèles résulte des propriétés inférentielles des mots du
texte, propriétés vues comme primitives.
Avant de développer cette idée, il semble opportun de faire une brève critique des
théories lexicales les plus courantes.
Les impasses de la Sémantique Lexicale
Bref panorama des voies essayées
L 'expression de la signification dans la langue elle-même
Spontanément, on répond à l'interrogation : « que veut dire le mot x ? » par une
phrase en langue naturelle. C'est également la langue qu'utilisent les dictionnaires pour
définir un mot — on y adjoint quelques illustrations dans le cas des encyclopédies.
L'obstacle bien connu du cercle vicieux semble contournable : le simple fait d'énoncer
la question « que veut dire x ? » présuppose une maîtrise au moins partielle de la
langue ; une définition n'utilisant que des éléments considérés comme préalablement
acquis est une réponse adéquate, sauf. . . Sauf qu'elle pose au moins autant de questions
qu'elle en résout :
• Comment garantir qu'une réponse n'utilise que des éléments « plus simples » que le
mot à définir ? On peut certes imposer — comme le font certains dictionnaires — que
les définitions n'utilisent que des mots d'un noyau de langue considéré comme
universellement connu. Mais cette précaution est en grande partie illusoire : il ne
93 suffit pas de contrôler les mots utilisés, il faut encore vérifier qu'ils sont bien
employés dans un sens « simple », vérification qui s'avère impossible en pratique '.
• Comment savoir si l'expression langagière proposée comme réponse épuise effect
ivement les significations du mot à définir ? Ce problème aussi est insoluble, et ces
absences de solution indiquent en fait que la question elle-même était mal posée.
La réduction atomistique de la signification
Si définir en langue des mots de la langue est un objectif mal défini, s'imposer de les
définir dans une métalangue rigoureuse est un but plus facile à formuler... mais
certainement pas à atteindre. L'hypothèse qui sous-tend un tel but est l'existence d'un
ensemble exhaustif de significations primitives, qui ne coïncident pas nécessairement
avec des éléments d'une langue quelle qu'elle soit, mais grâce à la composition desquell
es s'exprimerait la signification de tous les mots.
Cette hypothèse (« le rêve absolu du lexicologue » pour Mel'cuk & al., 1995 !) a
attiré plusieurs chercheurs ; dans les années récentes, Y. Wilks,R.C. Schank, A. Wierz-
bicka, J.P. Desclés ont essayé de lui donner corps, avec des présupposés théoriques très
divers et dans des objectifs de traitement assez fortement différents. Certaines spécu
lations en philosophie du langage (D. Bolinger, L. Wittgenstein, ...) les avaient précé
dés, en général pour prédire l'échec de ces tentatives.
Ce n'est pas parce que ces efforts n'ont pas, loin s'en faut, produit jusqu'à présent
des réussites indiscutables qu'il faut condamner l'idée qui les a inspirés. L'absence de
résultats probants conduit néanmoins à estimer que, contrairement au monde physique
dans lequel toute substance (à échelle macroscopique) est réductible à une

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