La théorie médiévale des Modes de signifier - article ; n°65 ; vol.16, pg 117-127
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Description

Langages - Année 1982 - Volume 16 - Numéro 65 - Pages 117-127
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 14
Langue Français

Extrait

Irène Rosier
La théorie médiévale des Modes de signifier
In: Langages, 16e année, n°65, 1982. pp. 117-127.
Citer ce document / Cite this document :
Rosier Irène. La théorie médiévale des Modes de signifier. In: Langages, 16e année, n°65, 1982. pp. 117-127.
doi : 10.3406/lgge.1982.1122
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1982_num_16_65_1122Irène Rosier
C.N.R.S. — D.R.L. Paris VII
La théorie médiévale des Modes de signifier
Les mots, dit le grammairien modiste Radulphus Brito , furent d'abord institués
pour être signes des choses et secondairement pour exprimer des jugements. Si un mot
isolé peut signifier, il faut en revanche qu'il soit lié à d'autres pour que s'exprime un
« concept mental composé ». Or, pour les Modistes 2, grammairiens spéculatifs dont
la doctrine fut enseignée à l'Université de Paris durant la seconde moitié du
XIIIe siècle, ce n'est pas la signification du mot qui lui permet d'être construit : les
mots souffrir et souffrance signifient la même chose et se construisent différemment.
Cette chose peut être conçue et signifiée de diverses manières qui correspondent à ses
diverses propriétés. Si on signifie, par exemple, en même temps que la chose, une pro
priété de mouvement, c'est-à-dire si on signifie cette chose comme étant en mouve
ment, le mot sera un verbe ; si on la signifie comme permanente, en repos, le
mot sera un nom. On dira que souffrir consignifie pour la chose une propriété de mou
vement ou que ce mot signifie la chose sur le mode du mouvement. Toutes les caracté
ristiques grammaticales d'un mot sont ainsi, pour les Modistes, des modes de signifier,
des manières particulières pour un mot de signifier la chose, des formes particulières
de la signification. On pose alors une « double articulation » du langage (Jean de
Dacie, pp. 202, 205) : la première par laquelle une « voix » signifie la chose, la seconde
1. Quaestio 26 (Cf. note 2 pour la référence de l'ouvrage).
2. Les principaux textes modistes édités sont ceux de Jean, Martin, Simon et Boèce de Dacie,
édités dans la collection « Corpus Philosophorum Danicorum medii aevi » , respectivement vol. I
(éd. A. Otto, 1955), vol. II (éd. H. Roos, 1961), vol. III (éd. A. Otto, 1963), vol. IV (éd. J. Pin-
borg et H. Roos, 1969) ; les Quaestiones Alberti de modis significandi, éd. et trad, anglaise de
L.G. Kelly (Benjamins, 1977) ; la Grammatica speculativa de Thomas d'Erfurt, éd. et trad,
anglaise de Bursill Hall (Longman, 1972) ; la Summa modorum significandi de Siger de Cour-
trai, récemment rééditée par J. Pinborg (Benjamins, 1977) et les Quaestiones super Priscianum
minorem, de Radulphus Brito, éditées en 1980 par H.W. Enders et J. Pinborg (Frommann-
Holzboog). Pour les textes prémodistes citons la Summa super Priscianum constructionum de
Pierre Hélie, le Commentaire sur Priscien Mineur attribué à Robert Kilwardby, les Notulae
super Priscianum Minorem de Jourdain de Saxe, éditées dans les Cahiers de l'Institut de Moyen
Age Grec et Latin, respectivement dans les Cahiers 27-28, 15 et 36 ; la Summa grammatica de
Roger Bacon, éd. par R. Steels en 19(1') (Oxford University Press) et le Tractacus de Grammat
ica faussement attribué à Robert Grossteste, éd. K. Reichl en 1976 ; cf. aussi Thurot, 1869
(v. bibliographie). Les travaux les plus complets sur le sujet sont ceux de Pinborg 1967 et Bursill
Hall 1971. Pour une bibliographie, cf. les articles de L.G. Kelly dans Stefanini-Joly 1977.
117 par laquelle une voix significative consignifie une propriété de la chose. C'est la
seconde articulation du langage, la consignification qui est du ressort de la grammaire,
alors que la première est proprement du ressort de la logique. C'est à cette seconde
articulation, à la théorie des modi significandi, que nous nous intéresserons ici.
1. Modi essendi — modi intelligendi — modi significandi.
Une chose {res) peut être appréhendée de diverses manières, correspondant à ses diffé
rentes propriétés. En tant que ces propriétés existent « hors de l'intellect », « absolu
ment », ce sont des modi essendi ou modes d'être. En tant que ces propriétés sont
conçues, « intelligées » 3, ce sont des modi intelligendi, modes d'intelliger. En tant
qu'elles sont signifiées par la « voix » (vox) ce sont des modi significandi, modes de
signifier : « II s'agit de la même propriété de la chose en tant qu'elle est hors de l'âme,
en tant qu'elle est intelligée, en tant qu'elle est signifiée » (Radulphus Brito, p. 153).
C'est parce qu'il s'agit de la même propriété qu'il est faux de dire que le mode de signi
fier est le signe du mode d'intelliger ou du mode d'être : « Rien ne peut être signe de
soi-même » (Martin de Dacie, p. 7). La voix est le signe des trois modes, puisqu'elle
signifie la propriété. Si ces trois modes sont identiques substantiellement, matérielle
ment, puisqu'ils sont une même propriété de la chose, ils diffèrent formellement,
puisqu'ils désignent la propriété comme munie de formes différentes ou rationes. Le
modus essendi est la de la chose en tant qu'elle a une ratio essendi, qu'elle
est une pure essence, le modus intelligendi est la propriété de la chose en tant
a la ratio intelligendi, qu'elle est intelligible, le modus significandi est la propriété de
la chose en tant qu'elle a la ratio significandi, qu'elle est signifiable. Pour que la pro
priété puisse exister sous ces différentes formes, il faut d'autre part que quelque chose
ait la propriété de l'intelliger et de la signifier. L'intellect, grâce à la ratio intelligendi,
peut intelliger la propriété de la chose, et la voix, grâce à la ratio significandi, peut
signifier cette même propriété. Ces rationes sont essentielles puisqu'il est clair, par
exemple, que la voix, par elle-même, en tant que pure forme sonore, ne peut signifier
(Pseudo Albertus Magnus, p. 24). On peut d'ailleurs très bien concevoir des signes
autres que vocaux, bien que la voix soit « le meilleur signe possible » (Martin de
Dacie, p. 7). On voit que la ratio intelligendi est à la fois ce qui rend la propriété de la
chose intelligible et ce qui rend l'intellect capable de matérialiser cette intellection. De
même, c'est la même ratio significandi qui rend la propriété de la chose signifiable et
la voix capable de la signifier (Thomas d'Erfurt, p. 144, 146). Ces rationes ont donc
deux faces, une face active (potentialité d'intelliger/de signifier) et une face passive
(potentialité d'être intelligé/d'être signifié), ce qu'une seconde génération de Modistes
précise en introduisant la distinction entre modes actifs et modes passifs.
3. Nous empruntons à Wallerand, qui fut le premier éditeur de Siger de Courtrai, ce néolo
gisme. On ne peut traduire modus intelligendi par mode de concevoir qui correspond au latin
modus concipiendi. Il nous semble utile d'avoir un verbe correspondant à l'adjectif intelligible et
au substantif intellection.
118 l'ensemble du système à la lumière de cette distinction. Le modus intel- Reprenons
ligendi passivus est la propriété de la chose en tant qu'elle est appréhendée par l'intel
lect. Le modus intelligendi passivus est donc matériellement identique au modus
essendi et ne s'en distingue que formellement par la ratio intelligendi qui le rend intel
ligible. Le modus significandi passivus est la propriété de la chose en tant qu'elle est
signifiée par la voix. Le modus significandi passivus est donc matériellement identique
au modus essendi et ne s'en distingue que formellement par la ratio significandi qui le
rend signifiable. Dans ce contexte, ratio exprime une potentialité qui, lorsqu'elle est
réalisée, devient propriété ou modus. On reconnaît là une application de la distinction
aristotélicienne entre la puissance et l'acte.
Le modus intelligendi activus est la propriété qu'a l'intellect d'intelliger la pro
priété de la chose. Notons que l'intellect est à entendre ici comme une matière et
signifie simplement que le concept, résultat de l'opération d 'intellection, est de nature
intellectuelle. Il ne faut pas confondre cet intellect-matière, support de 1 'intellection,
avec l'intellect-age

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