La vie littéraire et artistique des Chinois peranakan de Makassar (1930-1950) - article ; n°1 ; vol.26, pg 143-178
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La vie littéraire et artistique des Chinois peranakan de Makassar (1930-1950) - article ; n°1 ; vol.26, pg 143-178

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Description

Archipel - Année 1983 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 143-178
36 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Gilbert Hamonic
Claudine Lombard-Salmon
La vie littéraire et artistique des Chinois peranakan de Makassar
(1930-1950)
In: Archipel. Volume 26, 1983. pp. 143-178.
Citer ce document / Cite this document :
Hamonic Gilbert, Lombard-Salmon Claudine. La vie littéraire et artistique des Chinois peranakan de Makassar (1930-1950). In:
Archipel. Volume 26, 1983. pp. 143-178.
doi : 10.3406/arch.1983.1852
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1983_num_26_1_1852DIASPORA CHINOISE
& LITTERATURES
LA VIE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
DES CHINOIS PERANAKAN DE MAKASSAR (1930-1950)
par Gilbert HAMONIC & Claudine SALMON
Malgré les efforts déployés par certains pour mettre la littérature dite
«sino-malaise» sous un juste éclairage, il s'en faut pourtant de beaucoup que
toutes les zones d'ombre aient été explorées ni même recensées 0). Parallèle
ment, ceux qui se penchent sur les littératures régionales de l'Indonésie s'expo
sent, par négligence, à laisser au néant un pan entier de toute une activité litt
éraire — traductions ou créations originales - qui fut l'oeuvre des Chinois
peranakan dans les diverses langues de l'Archipel. Si les traductions malaises
de romans chinois sous forme imprimée ne cessèrent en effet de se multiplier
en Indonésie et en Malaisie dans les deux dernières décennies du XIXe siècle,
on sait qu'existaient également des traductions madouraises, balinaises et
javanaises de la littérature chinoise, ces dernières leur étant antérieures (2).
Pour ce qui touche aux activités littéraires des Chinois peranakan en langue
makassar qui vont essentiellement nous occuper ici, la période la plus riche -
telle du moins qu'elle nous est apparue au cours de nos enquêtes (3) — semble
se situer aux alentours de 1930, et donc beaucoup plus tardivement qu'à Java.
Si ce fait nous suggère peut-être déjà une résistance toute particulière de la lan
gue makassar face au malais, ou du moins nous renseigne sur l'existence et la
composition culturelle d'un public particulièrement apte à apprécier ce type de
littérature, gardons-nous pourtant de conclure, en pays makassar, à l'absence
d'une littérature rédigée en malais par et pour des Chinois peranakan. Dès la 144
fin des années 1920 au moins, on voit apparaître le nom de quelques auteurs.
Il s'agit de Teng Tjong Hae (alors directeur de la revueNjaring , voir plus bas)
dont les histoires courtes parurent notamment dans le mensuel Liberty publié
à Java-est et de deux femmes, Ong Eng Lie et Thio Sumber Nio, dont nous
n'avons pas encore retracé les oeuvres mais qui, vers 1928, étaient en rapport
avec la journaliste et écrivain Hong Lee Hoa de Java (4). Un autre moment de
ce courant littéraire se situe dans les années 1945-1950, c'est-à-dire postérieu
rement à la grande éclipse que représentera l'occupation japonaise, mais nous
n'y ferons ici qu'allusion.
Si nous nous concentrons principalement, d'une part sur les traductions
de romans chinois rédigées en langue et écriture makassar, d'autre part sur les
créations originales des Chinois peranakan de langue makassar sous forme de
poèmes et de chansons, précisons immédiatement qu'il ne nous paraît pour
tant pas exister de véritable coupure entre ces deux types de littératures. Au-
delà du choix de la langue makassar ou malaise, ces auteurs, qui oeuvraient
différemment, se caractérisent par une attitude commune dont l'esprit cons
iste surtout à revivifier les traditions et la littérature chinoise ancienne. Tra
vaillant à la fois pour la mise en valeur de leur spécificité sans pour autant
jamais remettre en cause leur indonésianité, les écrivains dont il va être ques
tion sont, croyons-nous, particulièrement aptes à nous donner une image des
milieux chinois peranakan de cette période dans leurs rapports aux populat
ions locales, et de la fonction sociale que revêtait ici l'activité littéraire et
artistique. Aussi, avant d'aller plus avant, convient-il de brosser un bref
tableau de l'arrière-fonds socio-culturel du Makassar des années 30 dans
lequel ces activités vont se développer.
1. Le contexte socio-économique de Makassar dans les années 30
Lorsque nous saisissons Makassar aux alentours de 1930, la ville n'a pas
encore oublié sa puissance passée qui, dès le XVIIe siècle, lui avait fait asservir
Sumbawa, attaquer Brunei, occuper la côte nord du Minahasa... Si la chute de
Malaka en 1511 avait déjà facilité ici l'afflux de commerçants étrangers venus
de Johor, du Campa et du pays minangkabau, Makassar conserve à la période
qui nous occupe toute son atmosphère cosmopolite; ayant été constamment
impliquée dans le commerce des épices de la colonisation hollandaise, elle
reste toujours l'un des plus importants carrefours de trafic et d'échange de
l'Archipel. Dès 1906, la ville, en tant que «Capitale du Gouvernement de Cele
bes et Dépendances», était d'ailleurs reconnue comme «municipalité»; son
conseil était alors composé de huit Hollandais, trois Indonésiens et deux Chi
nois (5). En 1938, lorsque les structures du pouvoir colonial seront réorganis
ées, elle deviendra même la capitale administrative des cinq résidences com
posant le «Grand Est» de l'Archipel et le restera jusqu'en 1950. Toujours est-
il qu'en 1930, avec ses 84.855 habitants, Makassar est la plus grande ville de 145
l'Indonésie orientale et contraste très sensiblement avec l'intérieur même de
l'île. En effet, outre les 65.445 Indonésiens qui composent sa population (sur
tout Bugis et Makassar, mais aussi Javanais, Ambonais, Madourais, Mina-
hasa...), plus de 75% des Européens vivant à Célèbes-Sud sont concentrés à
Makassar (6), et si les Chinois, au nombre de 21.380 dans toute la résidence,
représentent moins de 1% de l'ensemble de sa population, 15.363 d'entre eux
vivent à Makassar et forment ici plus de 18% des habitants de la ville, aux
quels il nous faut encore ajouter quelque 600 «autres asiatiques étrangers» (7).
Au sein de cette importante colonie chinoise de Makassar, surtout origi
naire du Fujian et à moindre degré du Guangdong (8), il nous faudrait bien
sûr pouvoir distinguer entre les peranakan ou baba, c'est-à-dire les Chinois
nés en Indonésie, de mères indonésiennes ou elles-mêmes peranakan et les
totok, c'est-à-dire les Chinois nés en Chine même et souvent mariés à des fem
mes chinoises. Distinction nécessaire, non pas tant parce que ces derniers ont
conservé la langue, les coutumes et les croyances de leur région d'origine, tan
dis que les premiers, de sang plus mélangé, ont vite adopté certaines coutumes
et surtout la langue bugis ou makassar; que parce que baba et totok semblent
très peu se mêler dans leur vie sociale comme dans leur vie professionnelle, et
qu'un certain mépris les oppose peut-être les uns aux autres (9).
A l'époque qui nous occupe, la communauté chinoise possède encore le
monopole de certaines professions (menuiserie, orfèvrerie), et si les exporta
tions inter-insulaires sont quasiment aux mains de firmes hollandaises et de
trois grandes firmes chinoises, il s'en faut pourtant de beaucoup que toute la
colonie chinoise de Makassar participe à cette relative prospérité et, nous le
verrons par l'origine sociale des écrivains dont nous ferons mention, nombre
deperanakan appartenaient sans doute à la couche la plus humble de la popul
ation (10).
En 1930, la grande dépression économique mondiale commence à pro
duire ses effets à Célèbes-Sud, et bien que la région soit essentiellement agri
cole 00, l'impact n'est pas moindre sur le trafic import-export de la ville (12).
En quelques années, l'exportation d'huile de coco, qui constitue une part
importante du négoce, est presque entièrement abandonnée, et si les exporta
tions de copra ne cessent de s'accroître, leur valeur va pourtant chuter de près
de 40% (13). Enfin, les rares industries existant dans l'île à cette époque
(décortiqueries de riz et usines électriques) sont surtout concentrées dans la ville
même de Makassar, et rapidement, les difficultés économiques s'alliant à la
gestion archaïque des entreprises, le nombre de chômeurs, quoique bien moin
dre qu'à Java et

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