Le comportement de déférence - article ; n°1 ; vol.69, pg 5-26
23 pages
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Description

Communications - Année 2000 - Volume 69 - Numéro 1 - Pages 5-26
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Claudine Haroche
Le comportement de déférence
In: Communications, 69, 2000. pp. 5-26.
Citer ce document / Cite this document :
Haroche Claudine. Le comportement de déférence. In: Communications, 69, 2000. pp. 5-26.
doi : 10.3406/comm.2000.2045
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2000_num_69_1_2045Claudine Haroche
Le comportement de déférence :
du courtisan à la personnalité démocratique
qu'il honneur, là monde Les cet égaux, source entre l'on qui fait et sur naissent la autre eux, est honneur veut hommes arrive déférence, celui vient embarrassé sentent se et encore que rassemble, celle entre que même l'on de [...] la qu'ils moins ou l'un, vous eux dans supériorité feint de que cherche connaissent la ou on ont voulez vous, et se fierté les de celui la se qu'on laisser sur ne endroits familiarité, à et trouve aborder retenir, dont pas quelques que qui a joindre ceux le connaître, honte quelques-uns vous mépris. à publics est tous ou qui autres ; quitte. de vous à que celui le leur moments saluer, De et l'autre respect l'on ; faites où aussi et cette dont sont ont de se et le ;
La Bruyère, Caractères
L'habitude de l'inattention doit être considérée
comme le plus grand vice de l'esprit démocratique.
Tocqueville, De la démocratie en Amérique
En 1959, dans une note de bas de page d'un ouvrage consacré aux
rites d'interaction, Erving Goffman remercie Edward Shils de lui avoir
suggéré de travailler sur le comportement de déférence1. Goffman voit
dans la déférence à la fois un concept désignant un type de comportement,
un système de règles de conduite,. et un concept susceptible de rendre
compte des interactions qui sous -tendent aussi bien les relations sociales
les plus quotidiennes, les plus insignifiantes, « les mimiques les plus fuga
ces », que les fonctionnements institutionnels les plus structurés et les
plus visibles dans les sociétés.
Quelques lignes suffisent à Goffman pour esquisser le mode de fonc
tionnement et la fonction de la déférence dans une société : Claudine Haroche
Par le mot de déférence, écrit-il, je désigne un composant symbolique
de l'activité humaine dont la fonction est d'exprimer dans les règles à
un bénéficiaire l'appréciation portée sur lui, ou sur quelque chose dont
il est le symbole, l'extension ou l'agent2.
Goffman entend étudier les façons dont la personne, dans notre société,
se voit reconnue avec force, quoique d'une manière imprécise, une
« espèce de sacralité ». Cette sacralité s'exprime par des comportements,
des gestes, des maintiens, des positions soumis à des règles. Recourant à
certains termes relevant de ce qu'il appelle l'« anthropologie commune »,
Goffman va alors avancer deux concepts qu'il juge déterminants pour
contribuer à la reconnaissance et au fonctionnement de la sacralité de la
personne : la déférence et la tenue.
Il se penche ainsi sur les règles de conduite ordonnant la déférence, et
l'inspirant. S'il remarque que, « dans toutes les sociétés, les règles de
conduite tendent à s'organiser en codes qui garantissent les convenances et
l'équité », il précise que, dans les nôtres, les règles de conduite qu'il désigne
comme cérémonielles se distinguent de celles qu'il définit comme substant
ielles : les premières concernent l'étiquette, les secondes, la morale et la loi 3.
Remarquant la présence de ces deux types de règles dans toutes nos
institutions, Goffman souligne toutefois que les parts du composant céré-
moniel et du composant substantiel n'y sont pas nécessairement identi
ques : certaines activités comportent une part cérémonielle alors que leur
part substantielle semble négligeable ; mais, poursuit-il, « toute activité
dont l'importance est d'abord substantielle n'en comporte pas moins une
certaine signification cérémonielle4 ».
Goffman définit ainsi une « règle cérémonielle » comme « une règle qui
guide la conduite quant aux affaires que l'on estime peu ou même pas
du tout importantes par elles-mêmes, mais qui valent avant tout — off
iciellement du moins — comme moyens de communication conventionnels
grâce auxquels l'individu exprime son personnage ou porte une appré
ciation sur les autres5 ».
S'il distingue les règles cérémonielles des règles substantielles au travers
de l'importance qu'elles revêtent pour les individus, il aperçoit cependant
entre elles une continuité qui tient à l'existence d'une part cérémonielle
dans les interactions quotidiennes aussi bien que dans les situations solen
nelles :
[...] m'ef forçant de souligner ce qui rapproche les poignées de main
des couronnements, je serai amené à négliger ce qui les sépare, à un
point que bien des anthropologues jugeront excessif [...] Le comportement de déférence
et reconnaît s'« écarter de l'usage commun du mot "cérémonie", chargé
de connotations solennelles » 6.
La déférence à laquelle Goffman entend s'attacher - la déférence céré-
monielle — est celle qui s'établit entre deux individus au cours d'inter
actions brèves, ou du moins limitées dans le temps. Il prend ainsi
l'exemple des salutations, des compliments et des excuses, ajoutant que
« tout acte de déférence implique de la part de son auteur une certaine
considération, qui inclut souvent une appréciation globale du bénéfi
ciaire7 », et remarque alors que, si ce type d'interaction semble relativ
ement clair, le sentiment dont il s'accompagne l'est beaucoup moins : s'il
est « banal », il est « pourtant difficile à définir précisément ». On com
prend le caractère crucial de ce type de sentiment quand on sait que
Goffman souligne à plusieurs reprises le rôle de la déférence obtenue de
la part des autres dans la constitution du moi8.
En outre, la déférence exprimée ne se borne pas nécessairement au
moment précis de la cérémonie et ne se limite pas toujours à de la défé
rence formelle, tangible. Autrement dit, la déférence peut être diffuse,
atténuée et sans importance. Elle peut, à l'inverse, être tout aussi diffuse
mais avoir une importance décisive. C'est précisément cette déférence
impalpable et néanmoins cruciale qu'il est particulièrement difficile
d'évaluer.
Discernant dans la déférence un mécanisme inhérent aux sociétés, rela
tif à des questions qui relèvent de cérémonies, de rites et d'interactions,
Goffman adopte une démarche anthropologique et sociologique analogue
par bien des aspects à celle suivie par Spencer pour les cérémonies, et
par Tônnies et Simmel pour la coutume9.
L'anthropologie britannique - avec les travaux de Spencer dès 1879 -
et la sociologie allemande - avec ceux de Tônnies en 1909, de Simmel
en 1908 — ont formulé les catégories de la sociologie, ses concepts fon
damentaux, et refondé les bases de l'anthropologie10. Ces travaux ont
longuement analysé, dans une approche essentiellement sociologique et
anthropologique (avec des exemples empruntés ici à l'histoire, là à
l'anthropologie, là encore au juridique), des questions telles que celles des
institutions cérémonielles, des origines des coutumes, des rapports entre
coutume et morale, entre les formes et les contenus de sociabilité. Ils
permettent d'inscrire la déférence dans un cadre théorique général, ame
nant à percevoir dans cette notion même certains des éléments qui la
fondent, la sous -tendent, l'enveloppent et l'inspirent : la question plus
vaste de la coutume - on parle ainsi de la déférence due à l'âge, aux
anciens, à la tradition.
Présents dans les observations de Goffman sur la déférence, les textes Claudine Haroche
de Spencer, Tônnies, Simmel invitent ainsi à réinscrire dans une approche
générale les formes, les contenus, les origines, les modes de fonctionne
ment de la déférence. Shils soulignera la nécessité de rapprocher la défé
rence du prestige, de l'honneur et du respect, de la renommée, de

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