Le Folklore breton et les romans arthuriens - article ; n°2 ; vol.56, pg 203-227
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Annales de Bretagne - Année 1949 - Volume 56 - Numéro 2 - Pages 203-227
25 pages

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Publié le 01 janvier 1949
Nombre de lectures 15
Langue Français
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Extrait

Roger Sherman Loomis
Le Folklore breton et les romans arthuriens
In: Annales de Bretagne. Tome 56, numéro 2, 1949. pp. 203-227.
Citer ce document / Cite this document :
Loomis Roger Sherman. Le Folklore breton et les romans arthuriens. In: Annales de Bretagne. Tome 56, numéro 2, 1949. pp.
203-227.
doi : 10.3406/abpo.1949.1888
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391X_1949_num_56_2_1888Roger Sherman LOOMIS
LE FOLKLORE BRETON
ET LES ROMANS ARTHÏTRIENS 0)
En 1888, l'éminent folkloriste breton, Luzel, a écrit dans la
Revue Celtique le passage suivant (2) : « II nous a paru digne de
remarque qu'on ne trouve le nom d'aucun des héros de la Table
Ronde dans la bouche de nos conteurs populaires, pas plus dans
la basse que dans la haute Bretagne, pas même le nom d'Arthur,
et qu'on ne rencontre aussi aucun souvenir des aventures et des
exploits qui, quoique imaginaires presque tous, les rendaient
fameux. »
Luzel, bien entendu, admettait qu'on trouve, et dans les
romans médiévaux et dans les contes modernes de la paysannerie
bretonne, quelques lieux communs de la fiction populaire — des
princesses délivrées, des géants, des fées, des nains, etc., mais
il n'allait pas plus loin qu'à dire qu' « une partie de tout cela
peut bien être de source celtique... et nous venir du cycle
d'Arthur, bien que nous soyons enclin à croire à une source
antérieure et à une autre provenance. » A mon idée, cette décla
ration de Luzel n'est qu'une réaction naturelle contre les doc
trines erronées, peut-être frauduleuses, de La Villemarqué (3/
et la conséquence directe d'une familiarité restreinte avec les
romans arthuriens. Rendu excessivement méfiant par les fantai
sies et les falsifications de son compatriote, sachant trop peu
l'histoire et les détails de la matière de Bretagne, Luzel n'a pas
reconnu dans les contes populaires qu'il collectionnait les concor
dances significatives entre les traditions médiévales et modernes.
Nous possédons, bien entendu, des indications abondantes
sur le fait qu'au xne siècle les Bretons connaissaient bien les
légendes d'Arthur et contribuèrent à leur formation et à leur
( 1 ) Une version anglaise paraîtra dans Comparative Lilerature.
(2) Reu. Celt., IV (1880), 433.
(3) F.-M. Luzel, De l'Authenticité des chants du Bfirzaz-Breiz (Paris, 1872). LE FOLKLORE BRETON 204
propagation. L'abbé de la Rue, Stephens, Zimmer et le docteur
Brugger ont établi cette thèse (4). Elle est hors de doute. Gaston
Paris a déclaré (5) : « C'est par les chanteurs et conteurs bretons
...que les fictions celtiques, dépouillées en général du caractère
national que la plupart d'entre elles avaient eu autrefois, péné
trèrent dans le monde roman. » Bédier aussi, dans son étude
célèbre sur la légende de Tristan est arrivé à la même conclu
sion (6) : « La matière de Bretagne est le produit de la fusion
des légendes armoricaines et des légendes galloises. » Les témoi
gnages de la sculpture de Modène, de Guillaume de Malmesbury,
de Wace, de Giraldus Cambrensis concordent et nous assurent
que la propagation étonnante du cycle arthurien était due,
avant tout, aux conteurs professionnels bretons (7).
Ce serait vraiment curieux si les traditions et les récits que les
conteurs bretons ont rendu célèbres au xne siècle n'avaient
pas laissé de traces dans leur patrie, et le but de ce travail est
de passer en revue quelques motifs, quelques histoires qui,
en même temps, survivent dans les manuscrits arthuriens du
moyen âge et qui ont survécu presque jusqu'à nos jours parmi
les paysans et les pêcheurs d'Armorique.
De ces concordances entre la fiction chevaleresque médiévale
et la fiction populaire moderne, plusieurs ont été découvertes
par les savants des générations passées. Mais j'espère que j'ai
pu ajouter d'autres parallèles, qui n'ont pas été remarqués
jusqu'à présent, et que la somme totale des correspondances
paraîtra imposante.
Aucun roman breton n'a fait une impression plus profonde
et plus durable que l'histoire des amours de Tristan et d'Iseut (8),
(4) Abbé de La Rue, Essais historiques sur les bardes, les jongleurs et les trou
vères (Caen, 1834), I, 64-99. T. Stephens, Literature of the Kymry (Landovery,
1849), pp. 418-23. Zls. f. Franz. Sprache u. Lit., XIII (1891), 86-105; XX1 (1898)
79 s.; XLIV2 (1922), 78 s.
(5) G. Paris, Littérature française au moyen âge, éd. 4 (Paris, 1909), p. 97.
(6) Thomas, Tristan, éd. J. Bédier, II (Paris, 1905), p. 127.
(7) Romanic Review, XXXII (1941), 7-9, 22-28, R.S. and L.H. Loomis, Arthurian
legends in médiéval art (New- York, 1938), pp. 32-35. R.S. Loomis, Arthurian tradi
tion and Chrétien de Troyes (New- York, 1949), pp. 15-20. Mod. Phil., XXXIII
(1936), 233-35. Wace, Roman de Brut, éd. I. Arnold (SATF), II, v. 9752-53.
E. K. Chambers, Arthur of Brilain (London, 1927), 102, 272.
(8) R.S. and L.H. Loomis, op. cit., pp. 26 42. ET LES ROMANS ARTHURIENS 205
et il est normal que nous en trouvions des traces dans le folklore
de la Bretagne. Près de Douarnenez est située une île qui depuis
l'an 1368, peut-être même plus tôt, a porté le nom de Tristan (9).
Près de Douarnenez aussi est le village de Ploumarch, et là,
dès 1794, on répandait le récit suivant (10) :
« Le roi Portzmarch faisait mourir tous ses barbiers, de peur
qu'ils ne racontassent au public qu'il avait des oreilles de cheval.
L'intime ami du roi venait le raser; il avait juré de ne pas dire
ce qu'il savait ; mais ne pouvant résister à la rage de raconter
ce fait, par le conseil d'un sage, il fut le dire aux sables du rivage.
Trois roseaux naissent dans ce lieu; les bardes en firent des
anches de hautbois qui répétaient : Portzmarch, le roi Portz
march a des oreilles de cheval. »
Sébillot a recueilli deux versions plus récentes de la même
historiette, dont l'une était courante a Quimper, et il a remarqué
que dans le musée local se trouve une pierre sculptée représentant
une tête humaine avec les oreilles d'un cheval (11). Cette tête
était appelée par les gens du quartier dont elle est venue « la
tête du roi March ». Pendant plus de cent cinquante années,
alors, le récit du roi Marc et de ses oreilles a été familier dans
cette région du Finistère.
On sait que Béroul, vers la fin du xne siècle, a raconté une
histoire semblable du roi Marc, l'oncle de Tristan (12) :
« Un nain qui est en confiance avec Marc sait son secret mais
refuse de le divulguer à trois barons curieux. Il les mène pourtant
à un buisson épineux et c'est à l'arbuste qu'il dit que Marc « a
oreilles de cheval. » Plus tard les barons avertissent le roi que
son secret est connu, et dans sa colère celui-ci décapite le nain. »
Comme Mlle Schoepperle dans son beau livre sur Tristan et
Iseut l'a indiqué (13), Béroul ne pouvait pas être la source de
la tradition populaire bretonne. En effet, une variante galloise,
(9) Romania, XLVI, 39 f.
(10 F. Cambry, Voyage dans le Finistère en 1794 (Paris), II, 287.
(11) Revue des Traditions Populaires, VI (1892), 356-59.
(12) Béroul, Tristan, v. 1306-51.
(13) G. Schoepperle, Tristan and Isolt (London, Frankfort, 1913), II, 269-71. 206 LE FOLKLORE BRETON
assez analogue à la bretonne, se rattachait aussi au roi Marc
et avait cours dès 1693 (14). Il n'est pas possible de croire que
les Bretons et les Gallois, tous les deux, aient choisi cet épisode
de Béroul et aient ajouté tous deux le détail qu'une flûte, faite
de roseaux, avait révélé le secret des oreilles du roi Marc. Essen
tiellement la même histoire se trouve dans une saga irlandaise
du Xe siècle (15). Quoique, influencée sans doute, sinon
inspirée, par l'histoire classique de Midas, la légende du roi aux
oreilles de cheval a dû courir sur le sol celtique, et a dû se ratta
cher au roi Marc parce que son nom voulait dire cheval. Des
rejetons de cette légende ont été conservés par Béroul vers 1200
et par les paysans bretons aussi tard que 1800.
Depuis cinquante ans environ on a reconnu que l'original
historique de Tristan était un certain Drust, qui régnait sur les
Pietés vers 780 (16), et Deutschbein a prouvé qu'à une période
recul

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