Le public français et le film japonais - article ; n°1 ; vol.6, pg 103-142
41 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le public français et le film japonais - article ; n°1 ; vol.6, pg 103-142

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
41 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 1965 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 103-142
40 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1965
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Claude Bremond
Le public français et le film japonais
In: Communications, 6, 1965. pp. 103-142.
Citer ce document / Cite this document :
Bremond Claude. Le public français et le film japonais. In: Communications, 6, 1965. pp. 103-142.
doi : 10.3406/comm.1965.1075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1965_num_6_1_1075Claude Bremond
Le public français et le film japonais
le expérience Harakiri deux coutumes, d'interviews. des genre entre profité Nationale L'enquête cadre concours recherches publics enquêtes d'études. cultures de du pour Japonaise, institutions, la du financier projet française, dont nationaux Les sortie interroger cinéma parallèles d'Orient Grâce patronnées deux majeur nous dans de japonais à l'autre valeurs la organisée l'UNESCO, premières, à et les ont présentons collaboration des Orient-Occident, d'Occident. spectateurs par pu salles en films de être l'UNESCO France par général. chaque au d'exclusivité de menées, ici la printemps titre l'autre des sur Le les Commission par société, La Cinémathèques leurs regroupe du cinéma, conclusions sur l'une le troisième pays. programme CECMAS, parisiennes 1962 réactions le offre au thème témoin les Nationale Japon et un a s'inscrit résultats eu à à champ de sur l'automne d'une lieu ces des de par Paris participation les films L'Ile Française, à modes la dans privilégié de confrontation réactions Dijon, et Commission trois et de nue 1963, le sur de Tokyo, à séries cadre et dans avec l'aleur à vie, ont des de ce
utomne 1964, à l'occasion d'une Semaine du Cinéma Japonais organisée conjoint
ement par le Comité Régional de la Commission Nationale Française pour
l'UNESCO, le Centre de Documentation Pédagogique, et la Cinéma
thèque Française. Six films étaient inscrits au programme de cette semaine :
Macbeth de Kurosawa, Quartier sans soleil de Yamamoto, Chien enragé de Kuro
sawa, La Légende du Grand Bouddha de Kinugasa, La Fête à Gion de Misoguchi,
Ombre en plein jour de Imai. En outre, Chœur de Tokyo, de Osu, écarté du pr
ogramme en raison du mauvais état de la copie, fut projeté par les organisateurs
en séance privée.
Les trois phases de l'enquête ont été conduites selon la même méthode. Les
impressions et commentaires des spectateurs étaient enregistrés sur magné
tophone, soit à la sortie même du cinéma, soit un peu plus tard, à domicile. Il
s'agissait, en principe, d'une interview non dirigée. Toutefois, l'enquêteur pou
vait intervenir en cas de silence prolongé ou de digression flagrante. Il devait
alors s'inspirer pour relancer l'entretien d'un guide d'interview énumérant les
thèmes et les points les plus fréquemment abordés dans les réponses.
Cent quarante interviews, de longueur et d'intérêt très variables, ont été
ainsi recueillies. Les personnes interrogées ne constituent évidemment pas un
103 Bremond Claude
échantillon représentatif du public français. L'enquête s'est limitée à deux
publics urbains, et au sein de ces publics, à la poignée de spectateurs assez pas
sionnés ou assez curieux pour aller voir un film japonais, puis assez complaisants
pour se prêter à une interview. Il n'est pas besoin de souligner les limites d'une
telle enquête. Pourtant, malgré ses imperfections manifestes, elle nous a paru
plus que suffisante pour couvrir l'éventail des goûts et des réactions typiques :
il ne faut qu'une demi-douzaine de réponses pour comprendre les raisons, concises
et frustes, qui justifient l'abstention du plus grand nombre. Quant à la petite
fraction du public qui s'intéresse au cinéma japonais, elle se laisse aisément
répartir en trois ou quatre tendances au sein desquelles chacun ne dispose, pour
construire son opinion, que d'un jeu d'idées dont le tour est assez vite fait.
I. LE JAPON A TRAVERS SES FILMS
Lenteur et poésie.
Le cinéma japonais a la réputation d'être lent, poétique et cruel. Quand on
interroge un Français sur les films japonais qu'il a vus, c'est à un de ces trois
caractères, à une combinaison de deux d'entre eux, ou aux trois ensemble que sa
réponse se réfère presque toujours pour expliquer son plaisir, sa réserve ou sa
déception.
Des trois, la lenteur semble jouer le rôle le plus important. C'est la notation
qui surgit le plus spontanément, d'ordinaire dès les premiers mots de l'entretien,
pour caractériser l'impression produite par les films japonais (quand on en a une
expérience directe) ou l'idée qu'on s'en fait (si on n'en a encore jamais vu).
Le plus souvent, il s'agit d'un rôle négatif : la lenteur équivaut à l'ennui. La
substance de certaines interviews se réduit à une déploration, constamment
reprise, de la longueur interminable du film japonais. Mais il importe de souligner
que cette assimilation de la lenteur à l'ennui n'est pas générale : des fractions
importantes du public, surtout cultivé et semi-cultivé, y échappent. Elle ne vaut
même pas de façon constante pour le grand public dont les appréciations peuvent
varier : selon, par exemple, qu'il voit le film dans une salle de quartier où il est
entré « pour se détendre » ou dans le cadre d'une manifestation culturelle où il
s'est préparé à voir « quelque chose. d'intéressant et qui sort de l'ordinaire », le
même spectateur réagit différemment : un spectacle jugé interminable dans le
premier cas devient très supportable dans le second. L'impression de lenteur
cesse d'être un vice rédhibitoire et peut même devenir un mérite du film. Au lieu
de dire : c'est ennuyeux parce que c'est lent, on prononcera des jugements inter
médiaires tels que « c'est intéressant bien qu'un peu lent » ou on passera à l'affi
rmation contraire : « c'est parce que c'est lent ». On dira : « C'est
un film japonais qui est assez, je ne veux pas dire terne, mais assez long.
tout de même un assez grand tour de force. » « Je l'ai trouvé lent, comme tous
les films japonais. Mais je le savais en venant ; je savais ce qui m'attendait. »
Certaines approbations sans réserves insistent sur les vertus incantatoires
de ce rythme, sur son pouvoir de suggérer une ambiance insolite qui cor
respond à notre idée de l'Orient. Ainsi dans Harakiri : « Ce qui m'a frappé, c'est
d'y retrouver une certaine atmosphère qui me plaît particulièrement : (...). Les
104 Le public français et le film japonais
silences, les courbettes, les lenteurs surtout, cette espèce de rythme qui m'a tou
jours frappé et toujours crée une sorte d'envoûtement » ; dans L'Ile nue, à la
question : « Qu'est-ce qui vous a le plus frappé dans les films japonais ? », un
spectateur répond : « Leur lenteur. Ils n'hésitent pas à faire des films silencieux :
les forêts et cet énorme calme. Alors qu'aucun metteur en scène occidental n'ose
rait ce procédé (...) Derrière moi, il y avait des gens qui disaient : ce que c'est
long, c'est un simple documentaire. Moi, je ne suis pas de cet avis-là. Je crois que
sans ces longueurs, ce ne serait pas si émouvant. »
Peu nombreuses, les personnes qui accordent une signification positive à la
lenteur peuvent être tenues pour représenter des positions du public « éclairé ».
Ces spectateurs se présentent volontiers eux-mêmes comme une élite allant à
contre-courant des goûts de la masse : s'exercer à aimer la lenteur du film japonais
choisir d'aller voir un Misoguchi plutôt qu'un film américain, c'est pratiquer une
ascèse, mortifier le spectateur moyen que chacun porte en soi. Il serait pour
tant injuste de réduire les ressorts de cette attitude à un simple snobisme.
La lenteur du film japonais apporte aux motivations culturelles des satisfactions
plus intrinsèques. En premier lieu, elle favorise la réflexion critique, le recul, un
détachement de l'action que le cinéma occidental ne rend guère possible. La
lenteur du film japonais diminue la tension émotionnelle et accroît les risques
d'ennui, mais elle augmente aussi les chances de la contemplation. D'un autre
côté, si la lenteur du rythme est g

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents