Le regard des Grecs sur l Italie indigène - article ; n°1 ; vol.137, pg 165-188
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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1990 - Volume 137 - Numéro 1 - Pages 165-188
L'Italie indigène du Ve siècle, est aux yeux des Grecs un monde barbare, ne serait-ce que parce qu'on n'y parle pas grec. Mais, à la différence des classiques barbares de l'Orient, ces barbares italiens, ou au moins les plus évolués d'entre eux, comme les Étrusques ou les Latins, connaissent un type de civilisation, défini par la vie en cités, qui les rapproche des Grecs. Aussi, pour appréhender cette réalité spécifique, les Grecs recourent-ils fréquemment à des concepts ethniques qui les rapprochent d'eux-mêmes, tout en préservant l'écart nécessaire : les Étrusques sont des Pélasges ou des Lydiens, les Latins des Troyens. Sans doute les adversaires grecs de ces indigènes sont-ils amenés à récuser la validité de ces définitions, trop favorables à leurs yeux : mais on ne peut parler d'opposition systématique Grecs/barbares. Celle-ci existe, mais se manifeste à propos d'autres populations, moins évoluées, comme les Celtes du Nord, ou les Italiques qui font alors sentir leur pression sur le monde grec d'Italie.
24 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique Briquel
Le regard des Grecs sur l'Italie indigène
In: Crise et transformation des sociétés archaïques de l'Italie antique au Ve siècle av. JC. Actes de la table ronde de
Rome (19-21 novembre 1987). Rome : École Française de Rome, 1990. pp. 165-188. (Publications de l'École
française de Rome, 137)
Résumé
L'Italie indigène du Ve siècle, est aux yeux des Grecs un monde barbare, ne serait-ce que parce qu'on n'y parle pas grec. Mais, à
la différence des classiques barbares de l'Orient, ces barbares italiens, ou au moins les plus évolués d'entre eux, comme les
Étrusques ou les Latins, connaissent un type de civilisation, défini par la vie en cités, qui les rapproche des Grecs. Aussi, pour
appréhender cette réalité spécifique, les Grecs recourent-ils fréquemment à des concepts ethniques qui les rapprochent d'eux-
mêmes, tout en préservant l'écart nécessaire : les Étrusques sont des Pélasges ou des Lydiens, les Latins des Troyens. Sans
doute les adversaires grecs de ces indigènes sont-ils amenés à récuser la validité de ces définitions, trop favorables à leurs yeux
: mais on ne peut parler d'opposition systématique Grecs/barbares. Celle-ci existe, mais se manifeste à propos d'autres
populations, moins évoluées, comme les Celtes du Nord, ou les Italiques qui font alors sentir leur pression sur le monde grec
d'Italie.
Citer ce document / Cite this document :
Briquel Dominique. Le regard des Grecs sur l'Italie indigène. In: Crise et transformation des sociétés archaïques de l'Italie
antique au Ve siècle av. JC. Actes de la table ronde de Rome (19-21 novembre 1987). Rome : École Française de Rome, 1990.
pp. 165-188. (Publications de l'École française de Rome, 137)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1990_act_137_1_3903DOMINIQUE BRIQUEL
LE REGARD DES GRECS SUR L'ITALIE INDIGÈNE
Quelle image le Grec du Ve siècle se faisait-il de l'Italie indigène?
Pour tenter de l'appréhender, nous ne sommes pas dans des conditions
très favorables. Nous ne disposons pas pour ce faire d'une documentat
ion comparable, même de loin, à celle qu'Hérodote nous offre pour
l'Orient : un travail du genre de celui de F. Hartog sur l'image du Scy
the est ici impensable1. Force est d'opérer à partir des quelques ren
seignements donnés par les auteurs de l'époque, ou de ce qu'on peut
inférer de certains événements de la période. Et les auteurs qui au
raient vraisemblablement été le mieux à même de nous informer - un
Hécatée, avec sa description de la terre à portée universelle, ou les his
toriens grecs d'Occident, directement intéressés à la question, comme
Antiochos de Syracuse - ne nous sont plus accessibles qu'à travers d'in
fimes fragments. La plus grande partie de leurs remarques a dispa
ru2. C'est donc d'un matériau réduit, tributaire de limitations qui tien
nent au simple hasard de la transmission indirecte, que l'on est obligé
de partir. Nous essaierons cependant d'utiliser ce matériel, si pauvre
soit-il, en nous intéressant d'ailleurs plus particulièrement à l'Italie cen
trale qui est plus directement concernée par le colloque.
*
* *
1 Voir Le miroir d'Hérodote, Paris, 1980.
2 Voir p. ex. FGH 555 F 2 = DH, I, 12, 3 : (Αντίοχος) έπειτα διεξελθών ôv τρόπον
έπολιτεύοντο (à propos des Œnôtres). Cette description en tant que telle a disparu. Cela
étant, on ne peut pas penser que les populations italiennes aient déjà à cette époque fait
l'objet d'une enquête systématique (comme cela sera le cas au siècle suivant avec l'école
aristotélicienne, au moins pour les Tyrrhenes). Des recueils de νόμιμα βαρβαρικά comme
ceux de Damaste et d'Hellanicos (FGH 5 Τ 5 = Porph., ap. Eus., Praep. Ev., X, 3, 466 b)
devaient concerner l'Orient. DOMINIQUE BRIQUEL 166
On doit déjà relever qu'au Ve siècle l'Italie n'est plus du tout une
terra incognita. Des approximations comme celles qui étaient possibles
lorsqu'à été rédigé l'appendice de la Théogonie, faisant régner Latinos
(avec Agrios) sur « tous les Tyrrhenes » et localisant ces Latins ou Étrus
ques indistincts «bien loin au fond des îles divines», n'ont plus cours3.
La péninsule, y compris dans la partie qui n'est pas sous le contrôle des
Grecs, est bien connue, et se voit décrite d'une manière satisfaisante. Si
on essaie de se faire une idée, d'après les fragments subsistants (sur
tout à partir d'Etienne de Byzance), de la façon dont Hécatée présentait
la péninsule, on aboutit à une description à peu près complète4, qui
n'a rien à envier au Périple attribué à Scylax qui sera vraisemblable
ment rédigé au siècle suivant (mais souvent avec une documentation
recueillie dès cette époque)5.
Certes il convient de nuancer quelque peu cette affirmation. Tout
n'est pas également connu. Malgré l'intensité du commerce en direc
tion des emporta padans les confins du nord de l'Italie restent entourés
d'obscurité : il suffit de citer l'allusion d'Hérodote aux «fleuves Alpis et
Carpis, au nord du pays des Ombriens qui coulent vers le nord et se
jettent dans le Danube»6. Ces vagues références aux Alpes ou aux Car-
pathes, l'imprécision de la localisation, montrent qu'on est en dehors
de la zone de contact direct des grecs.
Plus significatif, la péninsule elle-même comporte des zones inéga
lement connues. Malgré le hasard dû aux aléas de la transmission, il
peut être intéressant de relever que des 31 fragments de la Périégèse
d'Hécatée qui concernent l'Italie plus de la moitié corresponde à des
zones touchées par la colonisation grecque - 3 pour la Campanie, 6
pour Γ« Italie» au sens étroit, 8 pour la Sicile : il est clair que les Grecs
s'intéressent surtout aux régions dans lesquelles ils se sont établis.
Quant au reste des fragments, il est aussi à noter que seuls trois frag
ments concernent le nord de la péninsule : et il s'agit alors de la Tosca
ne et ses abords - et nous sommes à une période où le commerce grec
y est intense - tandis que le dernier concerne Adria, un des grands cen-
3 Voir Th., 1012-7 (traduction de P. Mazon, éd. G. Budé, Paris, 1928).
4 Voir les fragments 59 à 90 des FGH; Étrurie et îles: F 59-60, Campanie: 61-2,
Œnôtrie : 64-71, Sicile : 72-9, Italie au sens propre : 80-5, Iapygie et Peucétie : 86-9, Véné-
tie : 90.
5 Sur le Périple, nous pouvons renvoyer à A. Peretti, // periplo di Scilace, Pise,
1979.
6 Voir IV, 49. REGARD DES GRECS SUR L'ITALIE INDIGÈNE 167 LE
très du commerce padan7. À l'inverse on notera bien des blancs dans
nôtres documentation (ce qui reste vrai si on ne se limite pas à Héca-
tée). Les peuples du centre de la péninsule, avec lesquels les Hellènes
ne peuvent guère avoir de contacts directs, sont soit inconnus, soit fort
mal connus8. Ainsi nulle référence n'est faite aux Sabins, pourtant si
importants pour l'histoire ancienne de Rome9. Même les Ombriens,
plusieurs fois cités, ne sont connus que d'une manière fort approximat
ive. Nous avons relevé l'imprécision de la référence d'Hérodote à pro
pos de l'Alpis et du Carpis. Et l'allusion de I, 94, à leur établissement en
Toscane avant l'arrivée des Lydiens de Tyrrhènos ne permet pas de se
les représenter autrement que comme un vague substrat originel de
cette partie de l'Italie. Signe de ce relatif désintérêt, de cette marginalit
é pour les Grecs, les Ombriens n'ont pas donné lieu à des elaborations
légendaires comme celles concernant les Étrusques, les Vénètes, Rome
ou les peuples méridionaux10.
L'Italie est donc relativement bien perçue par les Grecs. Mais cette
connaissance ne reste pas de l'ordre de la description générale, exté
rieure. Les Hellènes connaissent assez bien l'Italie pour en donner une
image relativement précise et exacte, en faire l'objet d'une véritable
connaissance scientifique, compte tenu du moins des catégories de
l'époque.
Ainsi on sera sensible au souci de classement des réalités ethniques
dont témoigne la littérature de cette époque. Il n&#

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