Le rôle historique des perdikan ou « villages francs » : le cas de Tegalsari - article ; n°1 ; vol.30, pg 137-162
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Le rôle historique des perdikan ou « villages francs » : le cas de Tegalsari - article ; n°1 ; vol.30, pg 137-162

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Description

Archipel - Année 1985 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 137-162
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Claude Guillot
Le rôle historique des perdikan ou « villages francs » : le cas de
Tegalsari
In: Archipel. Volume 30, 1985. pp. 137-162.
Citer ce document / Cite this document :
Guillot Claude. Le rôle historique des perdikan ou « villages francs » : le cas de Tegalsari. In: Archipel. Volume 30, 1985. pp.
137-162.
doi : 10.3406/arch.1985.2249
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1985_num_30_1_2249Claude GUILLOT
Le rôle historique des perdikan
ou «villages francs» : le cas de Tegalsari
Parmi les institutions qui modelèrent la société javanaise de l'époque
musulmane, celle des villages francs ou perdikan mérite une attention qui
ne lui est peut-être pas toujours accordée. En effet, elle contribua forte
ment, par sa double nature religieuse et politique à donner ses couleurs
propres à l'Islam javanais mais aussi à former, ou plutôt à maintenir, dans
une religion qui les ignore, une classe de «prêtres» dont l'influence débor
dait largement le domaine purement religieux et qui sut évoluer pour con
server jusqu'à aujourd'hui sa place privilégiée.
Pour illustrer l'importance du rôle des perdikan, comme agents ou
reflets de l'évolution historique de la société javanaise, nous avons choisi
l'exemple de Tegalsari, village situé au sud de Panaraga. Ce choix s'expli
que par la célébrité de ce perdikan d'abord, mais aussi par la relative abon
dance de documents dont nous disposons pour reconstituer son histoire et
enfin par la durée exceptionnelle de son existence, de 1742 à 1964, qui per
met de saisir son évolution sur une longue période. Nous avons tenu à faire
un large usage, malgré son aspect souvent légendaire, de «l'histoire de
Tegalsari» telle qu'elle a été recueillie par le maître actuel du pesantrèn,
Kyai Mohamad Poernomo pour laisser place à un discours riche d'ense
ignements sur la vision que les Javanais ont d'eux-mêmes et de leur passé.
On sait que le perdikan, loin d'être une particularité de l'époque musul
mane, apparaît en fait comme la permanence d'une institution très ancienne, 138
puisqu'attestée dès le IXe s., celle des sima de l'époque indianisée.
Le mot perdikan, construit à partir de mardika : libre, servait à dési
gner une terre franche, c'est-à-dire exemptée d'impôts, dont la surface pou
vait varier d'un lopin de terre à un village tout entier. Cette franchise
octroyée par le souverain était officialisée par la promulgation d'une charte
royale ou piagam qui en stipulait le bénéficiaire, la durée et les obligations
afférentes. La terre, inaliénable dans la tradition javanaise, restait en pos
session du souverain qui n'en abandonnait que l'usufruit au bénéficiaire du
perdikan. La jouissance de cette franchise pouvait disparaître avec le bénéf
iciaire ou, plus souvent, se léguer en héritage, soit pour une période déter
minée - sept générations par exemple - soit, cas le plus fréquent, pour une
période illimitée. Le perdikan demeurait sous l'autorité du souverain mais
contrairement aux terres de droit commun, relevait directement de lui, ce
qui excluait toute immixtion dans les affaires du perdikan, de fonctionnai
res royaux, en particulier collecteurs d'impôts et soldats. Cette interdic
tion faite aux fonctionnaires de franchir les limites des perdikan serait à
l'origine du toponyme Larangan (= Interdiction), largement répandu à
Java. (!)
Les raisons poussant le souverain à créer un perdikan pouvaient être
de trois ordres : politiques, en reconnaissance de services rendus except
ionnels; familiales, pour assurer des revenus à une personne de sang royal;
religieuses, pour pourvoir à l'entretien de tombes sacrées (kramatan) ou
de mosquées ou encore pour aider à la diffusion de l'Islam en particulier
par un soutien aux écoles religieuses (pesantrèn). Les perdikan à vocation
religieuse représentaient la grande majorité des cas. Ajoutons que les Hol
landais, devenus maîtres de Java, tentèrent, par rationalisme, de différen
cier artificiellement ces villages francs selon leur finalité.
A noter que la notion de «village franc» n'implique en aucune façon que
les habitants eussent été plus libres que d'autres puisqu'ils étaient tenus
d'exécuter les travaux permettant non seulement de remplir les obligations
stipulées dans la charte mais aussi de faire vivre le chef du village (kepala
perdikan ou demang) et sa famille.
Histoire de Tegalsari.
Epoque de Setana
L'histoire connue de Tegalsari commence au XVIe s. Un frère de Sunan
Bayât, allié à Bathara Katong, l'islamisateur «officiel» de la ville de Pana-
raga, personnage que la tradition connaît sous le nom de Pangeran Sumen-
dhé Ragil (ce qui signifie seulement : avant-dernier enfant d'une famille)
serait venu propager la religion musulmane dans cette région de Panaraga 139
où il serait mort. Il fut enterré à une dizaine de kilomètres au sud de la
ville, près de la rivière de Keyang, en un lieu qui reçut, par la suite, le nom
peu original de Setana (cimetière).
A une époque indéterminée (fin du XVIe, début du XVIIe s.?), pour entre
tenir cette tombe, un petit perdikan fut fondé qui ne tirait ses revenus que
d'une dizaine d'hectares de rizières et dont les bénéficiaires étaient des des
cendants de Sumendhé Ragil. Le village peu peuplé était encore entouré
de forêt. Le dernier chef du perdikan de Setana, de la famille de Bayât,
qui dut vivre à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe s., s'appelait Kyai
Danapura. La tradition le présente comme un homme de religion sans des
cendance, entouré de ses disciples, d'un naturel bon et miséricordieux qui,
comme le veut le stéréotype «aimait donner de l'ombre en plein soleil, une
canne en terrain glissant, une torche dans l'obscurité» (2h C'est chez ce
kyai, ami de son père, kyai lui-même, que vint étudier un jeune homme,
originaire de Caruban, au nord du Mont Wilis, du nom de Mohamad Besari,
sans doute dans les premières années du XVIIIe s. Après ses études, il
épousa la fille d'un autre kyai, habitant le hameau de Mantub dans le vi
llage voisin de Ngasingan, puis retourna s'installer avec elle à Setana. Dana
pura engagea le jeune couple à ouvrir la forêt, en bordure de Setana, de
l'autre côté de la rivière Keyang pour y fonder un nouveau village auquel
il donna lui-même, le nom de Tegalsari. Mohamad Besari suivit le conseil
de son maître, alla s'installer sur les nouvelles terres et ouvrit par la suite
son propre pesantrèn. Il devint donc, comme le souligne son historiogra
phe «non seulement un kyai mais aussi le chef du village de Tegalsari» (3).
A la mort de Danapura, le perdikan de Setana échut tout naturell
ement à Mohamad Besari et, dit «l'histoire de Tegalsari», tous les disciples
de Danapura se transportèrent à Tegalsari. Il devint peu à peu un maître
recherché par les élèves et respecté par ses pairs.
Mohamad Besari (1742 - ±1773)
A la tête du perdikan de Setana et du village de Tegalsari, se trouvait
donc un homme installé, influent et relativement puissant, lorsqu'en 1740
survint le massacre des Chinois à Batavia. On sait que ce fut le signal d'un
grand mouvement à travers tout Java. Les Chinois soutenus par les Java
nais hostiles à la VOC, attaquèrent les loges hollandaises de la côte nord
de Java central. Le Susuhunan de Mataram, Paku Buwana II, d'abord favo
rable au parti anti-hollandais, devant le tour pris par les événements, se
rapprocha de la VOC. Ce revirement lui valut la fureur des troupes sino-
javanaises qui tournèrent leurs armes contre sa capitale de Kartasura en
juin 1742, l'obligeant à une fuite humiliante en direction de Magetan, Madiun
et Panaraga, en compagnie de quelques soldats hollandais tandis que les 140
insurgés choisissaient pour le remplacer sur le trône, son jeune parent, Mas
Garendi, connu sous le nom de Sunan Kuning.
Ce fut durant cette lamentable retraite, qui dura les six derniers mois
de l'année 1742, alors que Java était parcourue par des armées de toutes
sortes, que Paku Buwana II, sans troupes, sans autre appui que celui de
la VOC, alliée à son pire ennemi, Cakraningrat, le puissant prince de
Madura, rencontra Mohamad Besari, le

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