Le sujet de l oubli selon Freud - article ; n°1 ; vol.49, pg 97-111
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Le sujet de l'oubli selon Freud - article ; n°1 ; vol.49, pg 97-111

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Description

Communications - Année 1989 - Volume 49 - Numéro 1 - Pages 97-111
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Paul-Laurent Assoun
Le sujet de l'oubli selon Freud
In: Communications, 49, 1989. pp. 97-111.
Citer ce document / Cite this document :
Assoun Paul-Laurent. Le sujet de l'oubli selon Freud. In: Communications, 49, 1989. pp. 97-111.
doi : 10.3406/comm.1989.1740
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1989_num_49_1_1740Paul-Laurent Assoun
Le sujet de l'oubli
selon Freud
Qu'est-ce que la psychanalyse peut penser sous le terme
d'« oubli » ? Au seul énoncé de la question, on peut s'aviser d'un évé
nement qui s'est opéré de façon aussi décisive que mystérieuse : le
« savoir de l'inconscient », en ordonnant la psyché autour d'une
logique du refoulement, semble interdire désormais de méditer sur la
« mémoire ». Comme si la mémoire, cette « faculté » des vieilles psy
chologies sur laquelle continue de tisser obstinément le sens
commun, avait perdu de sa fraîcheur. Par une espèce de comble, la
psychanalyse, tout entière mobilisée aux fins de restaurer la force du
passé où se joue le destin du sujet, nous aurait, au sens le plus litté
ral, fait perdre la mémoire (entendons : celle qu'on croyait nôtre).
Voire : elle a, par une révolution subtile, déplacé la position du
sujet envers sa fabrique mnésique. Telle est la mémoire post
freudienne qu'elle s'ordonne à une logique qui, déniant ses puis
sances d'antan, lui restitue des pouvoirs neufs. Or, c'est précisément
l'oubli, ce « trou de mémoire » - à entendre dans son effrayante litté-
ralité -, qui peut nous donner vue sur cette mutation.
D'une part, la psychanalyse a mis en soupçon, comme irrémé
diablement, cette assertion tranquille : « J'ai oublié ! » Quelle naïveté
de se présenter comme victime d'un oubli, raté fonctionnel, alors que
notre savoir des puissances inconscientes corrige immédiatement : ce
« manque ■» dans le procès de remémoration revendique un sens
propre qui pour ainsi dire ôte le droit à l'oubli. A cet oubli, en effet, il
y a une cause : le sujet inconscient est tel qu'il oublie en connaissance
de cause - fût-ce dans l'insu -, ce qui dissout l'oubli dans un « pour
quoi » qui le renvoie au refoulement - qui lui fait perdre sa pureté
autant que sa simplicité...
Mais, d'autre part, l'oubli doit être redécouvert dans sa fraîcheur
propre en quelque sorte. Il y a bien là un événement, qui met le sujet
en rapport avec ces « oubliettes » dont le refoulement, tout en don-
97 Paul-Laurent Assoun
nant la clé, n'épuise pas le cachet propre. Comprenons qu'il y a bien
un sujet de l'oubli, transparaissant en ce moment de vertige où il
s'absente de cette part de soi peut-être la plus chère, qu'il met
momentanément hors jeu, se mettant par là même en jeu.
C'est ce moment qu'il s'agit de cerner, sans céder à quelque nostal
gie d'une mémoire préfreudienne, mais sans non plus sur cette
exigence de saisir ce moment de l'oubli. Ce sujet de l'oubli n'est
autre, en effet, que le sujet inconscient - dont Freud nous aide à faire
la théorie. Encore convient-il d'en saisir l'incidence propre.
L'objet de V oubli.
L'oubli se donne comme un véritable défi dont Freud prend acte
explicitement :
Aucune théorie psychologique n'a été capable de rendre compte du
phénomène du souvenir et de l'oubli dans leur cohérence \
II faut bien entendre ce qui est dit ici : le « souvenir » et
l'« oublier » doivent être pensés dans leur cohérence (Zusammen-
hang), comme deux faces d'un même « phénomène ». Il s'agit de s'a
rracher à la conception de l'oubli comme simple privation de souve
nir : il faut parvenir à une pensée complète de ce phénomène
composite. L'oublier, moment de vérité du souvenir - en ce sens, il
faut lui conserver son caractère verbal qui en indique le caractère
d'acte (Leistung) -, en exprime donc de façon privilégiée le mystère
(Ràtsel) :
Peut-être l'oubli est-il devenu aujourd'hui plus mystérieux que le
souvenir depuis que l'étude du rêve et des phénomènes patholo
giques nous a appris que ce que nous estimons oublié depuis long
temps peut réapparaître subitement dans la conscience.
C'est donc la logique fraîchement découverte du rêve et du symp
tôme qui oblige de revenir à l'oubli, non pour en normaliser le statut,
mais pour en expérimenter plus radicalement le « mystère », résistant non insondable. Or, il s'annonce par un paradoxe : ce qui est
mystérieux dans l'oubli, c'est qu'il n'est jamais réellement réussi. Si
ce qu'on croit perdu dans les oubliettes de l'âme peut resurgir à l'im-
proviste, c'est que l'oubli est en soi un problème. Que doit être l'ou
bli pour tolérer un tel retour ?
C'est ce moment du revenant - vérité du refoulé - qui commande
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de réinterroger l'oubli. La « perte » de mémoire révèle sa vérité psy
chologique, tel le fantôme, au moment du retour inopiné sur la scène
de la conscience.
Telle est la méthode que nous suggère Freud : aborder l'oubli dans
l'après-coup de son ratage (relatif). Le vrai problème n'est pas que
l'oubli puisse survenir - cela même est le cœur du mystère -, c'est
que, s'étant produit, il tolère la percée, particulièrement nette et brut
ale, de l'objet oublié.
Freud ouvre par là une interrogation neuve, relative à Yobjet de
l'oubli. Que ce dernier puisse successivement manquer et réappar
aître conduit à penser une séquence qui « intrique » intimement la
remémo ration et une sorte de « démémoration ». Ainsi, contrair
ement à ce qu'on pourrait penser, Freud ne se hâte pas d'expliquer
l'oubli par le refoulement : il l'affronte dans l'élément de son mystère
et montre comment la logique du refoulement peut s'y révéler (donc
en rendre compte en dernière analyse).
Il nous faut nous exposer en quelque sorte à cette temporalité de
l'oubli pour en expérimenter le sens propre. Si le refoulement est
bien une fois pour toutes la « pierre de touche » de la psychanalyse, il
n'en résorbe pas la complexité : l'oubli ne s'« explique » pas pure
ment et simplement par le refoulement, bien que celui-ci s'y réfracte
nécessairement. Il nous faut donc pointer cet événement dans sa dens
ité propre, celui que Freud désigne par le terme de Vergesslichkeit.
Nous l'aborderons par sa forme la plus vive et la plus dénudée,
celle de l'événement qui saisit le locuteur à l'improviste :
II concerne de préférence l'usage de noms propres - nomina pro
pria - et se manifeste de la manière suivante : au beau milieu
d'une conversation l'on se voit contraint d'avouer à son partenaire
que l'on ne peut trouver un nom dont on voulait justement se
vir
Le sujet, qui l'a « sur le bout de la langue », ne peut le « mettre »
dans son énoncé. C'est par ce malaise quasi physique, accompagné
d'« une pénible et évidente agitation, semblable à celle des apha
siques moteurs », que se manifeste la prise de l'oublié. Tel est donc
l'oubli qu'il dérange simultanément le langage et le corps. Le « trou »
qu'il y fait se compense par les « efforts successifs » et anarchiques
pour en venir à bout.
Il manifeste cette force quelque peu démoniaque qui contrecarre
l'effort d'attention le plus obstiné. De plus, il semble échapper à lui-
même : « au lieu du nom recherché, un autre nom se présente aussi
tôt, que l'on reconnaît comme faux et que l'on rejette », car il est
99 Paul-Laurent Assoun
insupportable. Il faut coûte que coûte tenter de dire. Il y a plus per
vers encore : le nom oublié laisse quelque chose de lui-même. Preuve
que l'oubli, loin d'être perte sèche, laisse entrevoir, telle une comète,
une trace : on trouve dans sa mémoire, au lieu d'un nom de rem
placement, une lettre ou une syllabe « que l'on reconna&#

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