Le syndicalisme paysan et la politique agricole du gouvernement (juin 1958-avril 1962) - article ; n°3 ; vol.12, pg 599-646
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Le syndicalisme paysan et la politique agricole du gouvernement (juin 1958-avril 1962) - article ; n°3 ; vol.12, pg 599-646

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Description

Revue française de science politique - Année 1962 - Volume 12 - Numéro 3 - Pages 599-646
48 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Yves Tavernier
Le syndicalisme paysan et la politique agricole du
gouvernement (juin 1958-avril 1962)
In: Revue française de science politique, 12e année, n°3, 1962. pp. 599-646.
Citer ce document / Cite this document :
Tavernier Yves. Le syndicalisme paysan et la politique agricole du gouvernement (juin 1958-avril 1962). In: Revue française de
science politique, 12e année, n°3, 1962. pp. 599-646.
doi : 10.3406/rfsp.1962.403386
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_3_403386Le Syndicalisme Paysan
et
la Politique Agricole du Gouvernement
juin 19 5S - avril 1962 *
YVES TAVERNIER
LA division profonde de l'esprit public en deux blocs irréduct
ibles explique dans une très large mesure l'évolution de la
France sous la IIIe République 1. L'histoire du syndicalisme
agricole illustre cet éclatement de l'opinion à tous les niveaux de
la vie politique et sociale. Le parti de « l'ordre établi » avait, le
premier, ouvert la voie en fondant la Société des agriculteurs de
France, reconnue par décret en 1872. Quelques années plus tard,
à la suite du vote de la loi du 21 mars 1884, fut créée l'Union
centrale des syndicats agricoles. Les principaux dirigeants, « par
fois possesseurs des plus grands titres de l'armoriai français »,
appartenaient à la noblesse terrienne, que la victoire des républi
cains, lors des élections du 16 mai 1876, avait éloigné du pouvoir.
Des officiers démissionnaires et d'anciens magistrats animaient
l'organisation. « Comme la néfaste politique ne leur avait pas permis
de remplir sur le terrain de leur vocation primitive la tâche qui
leur était dévolue, ils croyaient " servir " encore la France en créant
(*) Je tiens à exprimer ma gratitude à M. François Goguel, professeur à
l'Institut d'études politiques de Paris, qui a bien voulu me guider et me cons
eiller au cours de cette recherche.
1. Goguel (François), La politique des Partis sous la III* République,
Paris, Le Seuil. 1958 (3e édition).
599 Yves Tavernier
ces syndicats... 2 » Très rapidement, le « parti du mouvement »
comprit qu'il ne pouvait laisser les libéraux se préoccuper seuls
de l'intérêt des ruraux. Dès 1880, il créa la Société nationale d'e
ncouragement à l'agriculture. Face aux syndicats de la droite, il
fonda des coopératives, des mutuelles et des caisses de crédit.
Ainsi, dès leur origine, les organisations professionnelles agricoles
se trouvèrent divisées en fonction des deux courants politiques
fondamentaux.
Analysant ce phénomène, M. Henri Mendras écrivait, il y a
quelques années : « L'histoire des organisations agricoles n'est
qu'une longue rivalité entre le châtelain et le député radical-social
iste. Le duel débuta en même temps que la IIIe République, chaque
parti eut successivement ses triomphes et ses revers, quelques
francs-tireurs vinrent par instant troubler le déroulement du comb
at, mais après dix ans, la IVe République voit les deux protagon
istes à nouveau seuls sur le pré » 3.
Cette farouche opposition se manifeste-t-elle encore aujour
d'hui ? Les mêmes acteurs tiennent-ils encore le devant de la scène ?
Répondre à ces questions n'est pas aisé. Cependant, il semble
qu'une profonde évolution se soit produite au sein des organisat
ions agricoles au cours de ces dernières années. La rivalité de la
« Rue d'Athènes » et du « Boulevard Saint-Germain » ne paraît
plus dominer la vie du syndicalisme paysan. Les vieilles institutions
ont subi des transformations, des forces nouvelles sont nées.
En particulier, la pénétration progressive des jeunes générations
au sein des états-majors syndicaux depuis quatre ou cinq ans
explique ce bouleversement. Tout au long de son histoire, le mou
vement agricole a été encadré, dirigé par des hommes âgés. La
structure du monde paysan, sa mentalité permettaient aux chefs
d'exploitation d'accéder seuls aux postes de responsabilités. Le chef
de famille ne partageait pas la direction de l'entreprise, même avec
celui ou ceux de ses enfants qui travaillaient sur la ferme, eussent-
ils cinquante ans... Un homme qui n'était pas « maître chez lui »
ne pouvait prétendre obtenir un mandat électif. Et si parfois un
jeune de quarante ans accédait à un poste de dirigeant départe
mental, il le devait le plus souvent au simple jeu de la cooptation
2. Toussaint (Adrien) , L'Union centrale des syndicats agricoles, ses idées
directrices, Paris, 1920.
3. Mendras (Henri), «Les organisations agricoles», pp. 231-251, in: Fau-
vet (J.) et Mendras (H.) éd., Les paysans et la politique dans la France con
temporaine, Paris, A. Colin, 1958. (Cahiers de la Fondation nationale des
sciences politiques. 94.)
600 Les Paysans et la Politique
ou de la filiation. Il prenait le siège de son père ou on lui faisait
suivre la filière tout doucement : il était le jeune de l'organisation,
celui à qui on pensait pour succéder à Monsieur X « qui avait
travaillé pendant plus de trente ans au service du monde agri
cole » -i. Domestiques sans salaire, associés sans autorité, cohérit
iers abusivement dépouillés, pères de famille foyer personnel,
les jeunes ruraux acceptent de plus en plus difficilement leur situa
tion ;>. Aucun autre milieu ne connaît un conflit de génération aussi
aigu.
La nature et la gravité du conflit entre les « jeunes » et les
« anciens » au sein de la cellule de base, l'exploitation agricole,
permettent de comprendre l'origine et le caractère des oppositions
qui se manifestent depuis quelques années au niveau des organi
sations professionnelles. Les nouvelles élites paysannes, formées le
plus souvent par les mouvements d'action catholique, veulent se
libérer de l'emprise de la famille patriarcale. Elles entendent choisir
leur métier. Elles cherchent à s'instruire, parlent « revenu », rémun
ération, capital d'exploitation, organisation du travail. Elles refu
sent l'état héréditaire d'agriculteurs 6.
La volonté des jeunes de s'intégrer dans le monde moderne,
d'acquérir une grande compétence technique pour améliorer les
méthodes de production, de connaître les mécanismes de l'économie
afin de n'être plus dominés sur le marché, les conduit à mettre en
cause l'individualisme traditionnel de leurs parents. Ce phénomène
explique la transformation, en 1957, du Cercle national des jeunes
agriculteurs (C.N.J.A.) en syndicat de jeunes exploitants et de fils
et filles d'exploitants agricoles, mais jouissant en fait d'une pleine
autonomie.
Au conflit traditionnel entre la droite et la gauche, entre clér
icaux et anti-cléricaux, entre monarchistes et républicains, se subst
itue un nouveau conflit qui tend à faire éclater les vieilles cloisons.
Aux anciennes générations, qui ont conscience d'appartenir à une
classe à part, ayant ses propres valeurs morales, incarnant la
tradition, s'opposent les jeunes qui se préoccupent essentiellement
de l'expansion et de l'organisation de la production, pour qui les
4. Debatisse (Michel), «Les jeunes agriculteurs et le syndicalisme», session
de formation d'agriculteurs des cercles d'études, Draveil, décembre 1959.
n° 5 5. 128, Exposé 14 juillet de M. 1961, Louis p. Estrangin, 8. Semaine sociale de Reims, cf. Le Monde,
6. Cf. J. Boiteau, exposé fait le 21 février 1961 devant le groupe du
Centre d'études prospectives (17, rue d'Astorg, Paris 8e) chargé d'étudier les
relations entre générations en milieu rural.
6Q1 Yves Tavernier
problèmes de réforme des structures des exploitations présentent
une importance prioritaire.
Les vieilles tendances, pour M. Augé-Laribé, ne recouvraient
pas de grandes divergences en matière de doctrine politique. « Les
unes et les autres veulent le respect de la propriété individuelle,
le maintien de l'héritage, le minimum de réglementation légale. 7 »
Or, les conflits entre les nouveaux protagonistes portent précisé
ment sur ces éléments de doctrine. Et dans de nombreuses régions
les adversaires d'hier se rencontrent et s'allient pour défendre des
valeurs et des intérê

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