Le vieillissement des organisations sociales - article ; n°1 ; vol.37, pg 181-194
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Description

Communications - Année 1983 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 181-194
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Le Moigne
Le vieillissement des organisations sociales
In: Communications, 37, 1983. pp. 181-194.
Citer ce document / Cite this document :
Le Moigne Jean. Le vieillissement des organisations sociales. In: Communications, 37, 1983. pp. 181-194.
doi : 10.3406/comm.1983.1560
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1983_num_37_1_1560Jean-Louis Le Moigne
Le vieillissement des organisations sociales
Pétrification ou rigidification ici, décomposition ou désintégration là, les
deux métaphores d'appui du vieillissement semblent se relayer pour servir cette
hypothèse rassurante : l'organisation sociale est comme les autres, elle vieillit,
prend des rides, s'essouffle, annonçant son irréversible et ultime déchéance : la
mort par disparition, dépôt de bilan ou décret d'abrogation. Pour les uns, elle se
bloquerait par sclérose de type bureaucratique, pour les autres elle se déliterait
par nécrose et divisions internes... Les symptômes changeraient, mais pas
le diagnostic : vieillissement, irréversible quoi qu'en disent les géronto
logues d'entreprise que sont les conseils en organisation ? Vieillissement
devenant à son tour diagnostic : la fin est proche, assurerait-on alors avec
certitude !
Le cliché pourtant résiste mal à l'examen, et l'on appréhende vite ces
analogies faciles : chacun certes sait reconnaître une naissance, une maturation,
un épanouissement, une mort, lorsqu'il observe et décrit les organisations
sociales qu'il approche en acteur ou en témoin. Mais le vieillissement ? Ce que
l'on tenait pour pétrification ou blocage se révèle solidité et solidarité ; ce qui
semblait division et dispersion se révèle différenciation et réadaptation à un
environnement changeant. Les experts soucieux d'expliquer la mort d'une
entreprise ou d'une administration s'attachent à l'accident voire au suicide, à
l'erreur de jugement, à la perfidie de la concurrence commerciale ou politique, à
l'excès de dynamisme et de créativité ou à la médiocrité des t institutions
financières... On ne les entend guère nous assurer que cette organisation est
morte de vieillesse.
Est-il légitime dès lors de réfléchir plus avant ? ISanalogisme permet
l'élaboration de bien des théories, traités, articles... mais il ne livre aucune clef
assurant leur validation, ni à l'usage de l'homme d'action ni à celui de l'homme
de science. Il suggère pourtant, presque par définition, l'examen de la
correspondance sur laquelle il s'est institué : serait-elle recursive, sinon
biunivoque ? L'opération ici nous surprend : s'intéresser au vieillissement de
V organisation, n'est-ce pas envisager aussi l'organisation du ?
Edgar Morin nous a souvent montré l'intérêt scientifique de cette heuristique :
il semble se confirmer une fois encore, relançant une discussion apparemment
mal engagée par une question maintenant pertinente. Ne peut-on en effet
s'interroger sur l'organisation du vieillissement, même si, initialement, le
vieillissement de nous semble un concept gratuit ? Enrichir notre
compréhension, notre modèle organisationnel donc, du vieillissement... afin,
ici, d'enrichir intelligence de l'organisation et de la communication
sociale, n'est-ce pas un projet qui peut nous retenir ? La métaphore du
vieillissement-déchéance irréversible n'est peut-être qu'une ; elle ne
181 Jean-Louis Le Moigne
nous interdit pas de tenir le troisième âge comme un agencement du temps,
aussi autonome, intelligible, organisé et organisant que l'âge du bronze ou du
renne 1 : le vieillissement ne se définit peut-être pas par rapport à la mort, mais
par rapport à lui-même 2 : identifiable dans son autonomie, il est alors
modélisable et interprétable dans son organisation. L'exercice mérite d'être
tenté, en prenant appui sur ces systèmes visibles que sont les invisibles 3 et
omniprésentes organisations sociales : les clichés trop familiers du vieilliss
ement entropique de la matière ou de l'univers, ou du vieillissement biologique
de l'homme et des systèmes vivants, seront alors moins oppressants : lorsque
l'on dit d'une entreprise qu'elle prend de l'âge, on ne nous dit pas à qui elle le
prend, ni en quoi elle se transforme peut-être "*. Ce désaccouplage implicite du
vieillissement et de la mort rend à la réflexion une liberté peut-être bienvenue :
on peut dès lors tenter une exploration et annoncer une formalisation du
concept en s'appuyant sur deux prémices acceptables :
— s'il est identifiable, le vieillissement est une caractéristique de l'organisa
tion en général et de Y organisation sociale en particulier ;
— s'il est représentable, le peut l'être par son organisation
propre, agencement spatio-temporel manifestant quelque forme de régularité et
de stabilité autorisant sa mise en forme.
Une promenade fouineuse dans les théories des organisations sociales puis
dans la théorie de l'Organisation nous livrera peut-être quelques formes, pièces
d'un puzzle qui représenterait assez le vieillissement organisationnel pour que
l'on puisse un jour être tenté... de le théoriser en achevant le puzzle, ou de
l'interpréter en en inférant le dessin, quitte à accepter quelques risques !
Bricolage, sans doute ; mais qui l'interdirait ?
1. L'hypothèse du vieillissement
dans les théories des organisations sociales.
Bien qu'elles soient légion et plus souvent anglo-saxonnes que latines (les
Latins depuis Durkheim préfèrent YInstitution à Y Organisation... et cette
dernière, pour être sociale, dut attendre H. Spencer5!), les théories de
l'organisation sociale sont rarement complexes, nonobstant la prolixité de leurs
exposés. On est souvent tenté de les rassembler sous deux bannières : celle des
mécanicistes et celle des organicistes ; réduction injuste et appauvrissante, mais
qui a le mérite d'autoriser des exposés économiques. Depuis quelque trente ans,
un paradigme cybernétique s'efforçait explicitement 6 sinon de fusionner, au
moins d'articuler ces deux corps rivaux, pas tout à fait en vain : il constitue
aujourd'hui une des bases d'appui d'une nouvelle théorisation en train de se
construire (et donc inachevée), en avant des précédentes, enrichie des contri
butions connexes du structuralisme, du structuralo-fonctionnalisme ou de la
dynamique statistique : entendons là comme une théorie systémique 7 des
organisations sociales, et bornons-nous à cette mention qui met en perspective
les commentaires relativement classiques que les métaphores de la machine et
de l'organisme ont, depuis longtemps, conduit à rassembler sur le thème du
vieillissement... Ils se justifieront sans doute différemment demain, mais la
formalisation systémique des organisations sociales est encore trop inachevée
182 Le vieillissement des organisations sociales
pour autoriser des interprétations solidement argumentées, que l'on tiendrait prématurées.
Les trois métaphores de base
des théories de l'organisation sociale
Compromis
L'Organisation L'Organisation L'Organisation
MACHINE CYBERNETIQUE ORGANISME
III
L'Organisation
SYSTEME
Que nous disent du vieillissement les théories de l'organisation machine ? :
qu'elle est usure des pièces, par frottements prolongés et encrassement des
conduites par sédimentation interne. Rien là que de très familier, le comptable
depuis longtemps sait représenter ces vieillissements qui n'ont rien de mortel et
qu'il nomme amortissement. Quelques dépenses d'entretien assureront les
décalaminages périodiques qui rendront sa jouvence initiale au moteur, et le
remplacement périodique des pièces pouvant s'user (y compris les dirigeants ! )
maintiendra la resilience du mécanisme. L'organisation ici est semblable à ce
couteau de Jeannot qui restait le même après qu'on en ait changé sa lame et
remplacé son manche ! Sa solidité ne nous dit rien sur la solidarité de ses
acteurs, qu'elle veut ignorer : l'organisation machine n'a pas d'état d'âme, mais
elle doit vivre dans un environnement riche, qui dispose de vastes stocks (ou
viviers !) de pièces détachées pour supporter allègrement ces phases périodi
ques de vi

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