Les Amish ou le communautarisme apaisé - article ; n°1 ; vol.75, pg 50-56
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Description

Matériaux pour l'histoire de notre temps - Année 2004 - Volume 75 - Numéro 1 - Pages 50-56
Communauté traditionnelle au nombre des minorités religieuses non-conformistes et contre-culturelles présentes aux États-Unis, l’Old Order Amish est habité par un idéal de séparation du monde hérité de la tradition anabaptiste. Organisé en congrégations répondant au modèle de l’enclave, le Vieil Ordre n’en est pas moins en interactions constantes avec son environnement et engagé dans un processus de négociations pour faire valoir les modalités du retrait auquel il aspire. Ces interactions, et le dialogue qui en résulte entre les adeptes et le monde extérieur, rendent compte de tensions socioreligieuses clés qui traversent la société états-unienne et de dynamiques d’arbitrage visant à les apaiser. Il est question à travers eux du multiculturalisme et du pluralisme religieux, tenus pour constitutifs de l’expérience sociétale états-unienne. Ces perspectives guident le présent article qui soulignent la portée révélatrice des relations entre les Amish et la société américaine.
One of America’s peculiar groups, the Old Order Amish community represents a non-conformist and traditional religious minority endeavouring to remain faithful to the Anabaptist ideal of separateness from the world. Organized on a congregational basis, on the model of the enclave, the Old Order Amish is nevertheless in constant interaction with its environment, and is involved in a process of negotiations with the American authorities so as to guarantee the recognition of their peculiar way of life. The dialogue between the Amish and the outside world illustrates some of the socio-religious tensions at work in American society as well as the nature of the measures adopted to defuse them. The issues at stake here are those of multiculturalism and religious pluralism considered as major tenets of the American social experience. The paper develops these perspectives and intends to highlight the revealing scope of the relationships between the Old Order and American society.
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 112
Langue Français

Extrait

V
olontiers retenus au nombre des
peculiar
groups
que comptent les États-Unis, les Amish sont aussi
révélateurs de dynamiques constitutives de la société
américaine. C’est de ce paradoxe apparent entre le fait
de constituer un groupe particulier, voire contre-socié-
tal, et celui d’éclairer le fonctionnement de la société
mère qui l’environne dont nous souhaitons traiter.
Non-conformistes, les Amish le sont, qui, de par leur
mode de vie et leur rapport au monde, aspirent à vivre à
part, en marge de la société globale, conformément à la
tradition des ancêtres telle que comprise dans une règle
de conduite propre, dite
Ordnung
. Étrangers par cette
règle à l’
american way of life
que fait valoir la culture
dominante états-unienne, les Amish ne s’en trouvent pas
moins aux prises avec certains pans de la réalité com-
portementale, matérielle, administrative, législative et
juridique de l’ordre social qui règne aux États-Unis. Le
principe de non-mondanité au coeur de la pensée ana-
baptiste, dont ils se considèrent les authentiques héri-
tiers, ne saurait les prévenir d’être en interaction avec
leur environnement. Tensions et conflits résultent de ces
rencontres entre les Amish et la société états-unienne
mais aussi des négociations autour des modalités socia-
lement acceptables d’un art de vivre un certain retrait du
monde comme une forme particulière de présence au
monde qui soit compatible avec les exigences de l’ap-
partenance à la nation que constituent les États-Unis.
Le dialogue ainsi entretenu entre les adeptes et les
instances extérieures dépasse la seule question d’un
mode de vie traditionnel, que d’aucuns diront archaï-
sant, face au monde moderne. Il parle simultanément
de la liberté de religion et des relations Églises/États, des
ambitions et des enjeux du multiculturalisme et du plu-
ralisme religieux en lien avec l’acception d’un
melting-
pot
, creuset régulateur de la diversité, de la dynamique
entre groupes minoritaires et majoritaires et d’un certain
rapport au passé prégnant dans la culture américaine.
On se propose de rendre compte de ce dialogue à
multiples entrées qui se poursuit depuis l’arrivée des pre-
miers Amish aux États-Unis au début du XVIII
e
siècle.
L’objectif n’est pas de tenter d’en retracer chronologi-
quement le développement mais d’en illustrer les prin-
cipales dimensions à partir de moments clés de
confrontation entre les fidèles du Vieil Ordre Amish et
les acteurs de la société états-unienne.
Exemplarité
communautaire ?
Être Amish aux États-Unis, c’est faire partie d’une
minorité dont l’existence même renvoie au principe de
la communauté tel qu’il peut être reconnu comme par-
ticipant légitimement de l’ordre social plus large fonc-
tionnant à l’échelle nationale. L’essor du Vieil Ordre
pourrait sembler indiquer qu’une telle reconnaissance
va de soi. Ce serait là une conclusion hâtive. Être Amish
aux États-Unis, c’est, s’agissant de la notion de com-
munauté, incarner une tension entre un modèle idéal-
typique promu par l’extérieur et la réalité de l’ordre
communautaire amish vécue par les fidèles dans sa
clôture et dans ses liens avec le monde.
L’imagerie populaire la plus répandue veut que
l’
Old Order Amish
constitue un groupe folklorique
dont les adeptes vivent à l’écart, hors du temps contem-
porain et du monde moderne, enfermés dans des pra-
tiques immuables héritées d’un passé lointain qui ren-
dent chaque fidèle conforme à ses ancêtres. Le modèle
de la « petite communauté » conceptualisé par
R. Redfield n’est pas venu démentir cette représentation
1
.
Il a contribué, bien au contraire, à la valider en appa-
rentant le Vieil Ordre à un groupe restreint, homogène,
autarcique, qui se pense comme un peuple à part et
demeure spatialement séparé de la société globale, à
l’abri de tout changement social rapide. Pourtant, la
réalité du Vieil Ordre s’avère toute autre et le modèle
semble ne plus devoir que souligner cette différence.
1
. Robert Redfield,
The
Little Community and
Peasant Society and
Culture
, Chicago,
University of Chicago
Press, 1960. John
Hostetler a repris ce
modèle à propos des
Amish et a contribué à sa
vulgarisation dans
Amish
Society
, Baltimore,
Johns Hopkins University
Press, 1980.
Les Amish
ou le communautarisme apaisé
Fabienne RANDAXHE
F
ABIENNE
RANDAXHE,
Université de Saint-Étienne, GSRL
(CNRS-EPHE).
E
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