Les aristocrates et Jean-Jacques Rousseau dans la Révolution - article ; n°1 ; vol.234, pg 534-568
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Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1978 - Volume 234 - Numéro 1 - Pages 534-568
35 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Roger Barny
Les aristocrates et Jean-Jacques Rousseau dans la Révolution
In: Annales historiques de la Révolution française. N°234, 1978. pp. 534-568.
Citer ce document / Cite this document :
Barny Roger. Les aristocrates et Jean-Jacques Rousseau dans la Révolution. In: Annales historiques de la Révolution
française. N°234, 1978. pp. 534-568.
doi : 10.3406/ahrf.1978.1028
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1978_num_234_1_1028LES ARISTOCRATES
ET JEAN-JACQUES ROUSSEAU
DANS LA REVOLUTION
Au début du siècle, un historien redécouvrait avec surprise
et ravissement un pamphlet contre-révolutionnaire tombé dans
l'oubli après avoir connu quelque célébrité : /.-/. Rousseau aristo
crate, de Lenormand (1).
Rousseau aurait-il vraiment été aristocrate s'il avait vécu assez
longtemps ? Etait-ce là son « vrai » visage ? Une collection d'extraits
bien choisis semblait en témoigner. L'érudit qui examinait cette
reconstruction se bornait en fait à perpétuer une problématique
désuète, impropre à appréhender la survie d'une ceuvre autrement
que de façon ponctuelle, donc anecdotique, ou arbitraire. La question
ainsi posée n'avait aucun sens, pour deux raisons au moins : elle
ne tenait pas compte de l'ensemble des faits dans le domaine
considéré ; elle ignorait le mode réel d'action des idées, à travers
une lutte intense, à la fois produit et facteur de la lutte des classes.
Pour décrire et apprécier correctement le rousseauisme des contre-
révolutionnaires, il serait donc nécessaire d'élargir le débat, et de
restituer le contexte de cette utilisation, tant au sens étroit : le
champ idéologique, qu'au sens large : l'histoire, c'est-à-dire le
devenir de la Révolution. Je me bornerai à esquisser ce cadre en
rappelant quelques faits établis au cours d'un travail d'ensemble
sur Rousseau dans la Révolution.
En premier lieu, le pamphlet de Lenormand est loin de consti
tuer un phénomène isolé : il est tout à fait représentatif, au contraire,
(1) J. Izoulet, « Rousseau aristocrate », Revue hebdomadaire, janvier 1909. LES ARISTOCRATES ET J.-J. ROUSSEAU 535
d'une ample production contre-révolutionnaite d'inspiration rous-
seauiste ou pseudo-rousseauiste, qui recouvre tous les secteurs où
se développe la propagande de droite.
Dès la fin de 1789, quelques ouvrages ou articles volumineux
offrent l'ébauche d'une synthèse des thèmes contre-révolutionnaires
que l'on peut puiser dans l'œuvre de Rousseau (2). Cette campagne
se développe surtout en 1790 et 1791, avec une douzaine d'ouvrages,
dont le fameux Jean-Jacques Rousseau aristocrate (3). Son impor
tance décroît avec le début de la révolution démocratique, et la
disparition des principaux journaux de droite ; mais elle ne s'inte
rrompt jamais complètement, et connaît des prolongements fort
tardifs, à l'époque impériale et peut-être au-delà (4). L'objectif
poursuivi est double : disqualifier la Révolution en lui opposant
les principes de Jean- Jacques ; rendre à celui-ci son véritable visage,
altéré par la vénération infamante des patriotes. Bien entendu, ces
brochures spécialisées dans la récupération du rousseauisme ne sont
pas isolées : on constate une riche floraison de références à Rousseau,
(2) Cf. Année littéraire, déc. 1789. Lettre aux Commettans du comte de Mirabeau
(an., s.l.). Servan, 1789, in-8°, 80 p. B.N., Lb 39 2528.
(3) 1 - Les Actes des Apôtres, version cinquième, à Paris, l'an de la Fédération
(juin-juillet 1790). Introduction. Le tableau de rapprochement. Les princi
pes et les effets de la Constitution française (pp. 5-64).
'2 - Adresse d'un Citoyen très actif, ou questions présentées aux Etats-
Généraux du manège vulgairement appelé Assemblée nationale (an.,
s.l.n.d.). Ferrand, 1790. B.N., Lb 39 2717.
3 - Analyse raisonnée de la Constitution française décrétée par l'Assemblée
nationale... (par le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre. Cf. signature,
p. 302). Paris, 1791. B.N., Lb 39 5385.
4 - Année littéraire, 1790, n° XX (mai), Adresse à l'Assemblée nationale, sur
le serment patriotique, sur la nécessité de faire ratifier la constitution
par la Nation entière, sur le droit et l'usage nécessaire des mandats
impératifs (pp. 247-304).
5 - L'Ami du Roi, de Royou. N°« des 15, 17, 24, 28 sept., 11 et 27 oct. 1791.
6 - L'Assemblée nationale convaincue d'erreur par J.-J. Rousseau (an. s.l.),
1792 (ouvrage composé au début de 1791, selon l'avertissement). B.N.,
Lb 39 5761.
7 - Catéchisme anti-constitutionnel... (an., s.l.), avril 1790. B.N., Lb 39 3279.
8 - Les causes de nos maux, de leurs progrès, et des moyens d'y remédier...
par M. Gin, Paris, 1791. B.N., Lb 39 4534.
9 - Le dernier cri de la vérité sur la Révolution française (an.). La Haye,
1791. B.N., Lb 39 9643.
10 - Feuille du jour, nos des 15 janvier, 6 et 16 février 1791.
11 - Jean- Jacques Rousseau aristocrate (an.). Lenormand, Paris, 1790. B.N.,
Lb 39 3927.
12 - Le Journal Politique national. Rivarol (passim.).
13 - Lettre de J.-J. Rousseau à l'Assemblée nationale... (an., s.l.n.d.). B.N.,
Lb 39 2328.
14 - Opinion sur la souveraineté du Peuple... par M. l'abbé Maury, publiée
sur les manuscrits autographes de l'auteur par L.S. Maury, son neveu.
Avignon, 1852.
15 - Le Réveil des Rois... (an.). Paris, 1791. B.N., Lb 39 4488.
16 - Situation actuelle de la France, par M. Bonvallet-Desbrosses, Paris,
décembre 1791. B.N., Lb 39 5639.
(4) Cf. Lionella Sozzi, « Interprétation de Rousseau pendant la Révolution »,
in Studies on Voltaire, LXIV, 1968. 536 R. BARNY
de citations de son œuvre, notamment du Contrat social, dans toute
la littérature politique de droite. On retrouve les mêmes développe
ments dispersés à travers une multitude d'articles et de pamphlets.
Les leaders du parti aristocrate à l'Assemblée constituante ne dédai
gnent pas, de leur côté, ce mode d'argumentation : l'abbé Maury, qui
n'aimait pourtant pas Jean- Jacques et ne cherchait pas à le cacher,
le cite de plus en plus souvent. Dans un registre moins sarcastique et
plus insidieux, des hommes comme Malouet ou Clermont-Tonnerre
se plaisent eux aussi à raisonner dans les principes de l'adversaire.
Car il s'agit bien, avant tout, d'une riposte. On ne saurait
comprendre cette vague de rousseauisme aristocrate si on la considère
en elle-même, en négligeant le fait, capital, que l'idéologie patriote
vient de conquérir l'hégémonie, contraignant ses adversaires à se
battre sur son terrain. En quelques mois, au cours de la campagne
des pamphlets, les conditions de l'expression politique se sont modif
iées : il n'est plus possible à droite de continuer à parler exclusiv
ement le même langage, celui des doctrines féodales ; il faut entrer
dans la logique de la théorie des droits de l'homme. Quelques
observateurs lucides caractérisent fort bien cette situation, qui les
réjouit ou les attriste, selon leurs préférences politiques.
Ainsi, Boissy d'Anglas met ironiquement en valeur le contraste
entre le langage nouveau de l'ex-ministre Calonne et ses propos de
naguère, alors que son attitude contre-révolutionnaire n'a pas varié.
« M. de Calonne est forcé de rendre quelquefois hommage aux
véritables principes. Il dit que la constitution d'un peuple ne peut
être que son ouvrage. Un aveu aussi formel est vraiment précieux
pour moi qui n'ai pas pris la plume pour écrire autre chose [...].
Il est assez piquant de rapprocher des principes actuellement
reconnus ceux que ne rougissait pas d'énoncer, il y a deux ans, le
ministre auquel je réponds [...]. On n'a pas oublié sans doute
qu'en écrivant au roi [...] il soutenait que l'exercice de la souverai
neté, résidant tout entier dans la main du monarque, l'exercice
de la puissance législative devait aussi lui appartenir, et n'appartenir
qu'à lui seul » (5). Le rédacteur fayettiste de la Feuille du jour
fait, sur un ton désenchanté, le même constat. « Soit par
la force irrésistible de l'opinion, soit par le progrès immense
(5) Boissy cTAnglas, Observations sur l'ouvrage de Calonne intitulé De l'

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