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Publié par | HISTOIRE_DE_L-EDUCATION |
Publié le | 01 janvier 1997 |
Nombre de lectures | 46 |
Langue | Français |
Poids de l'ouvrage | 1 Mo |
Extrait
Michel Lemoine
Les auteurs classiques dans l’enseignement médiéval : l’état de
la question
In: Histoire de l'éducation, N. 74, 1997. Les Humanités classiques. pp. 39-58.
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Lemoine Michel. Les auteurs classiques dans l’enseignement médiéval : l’état de la question. In: Histoire de l'éducation, N. 74,
1997. Les Humanités classiques. pp. 39-58.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hedu_0221-6280_1997_num_74_1_2908Résumé
On sait aujourd'hui que le Moyen Âge ne s'est pas contenté de reproduire l'héritage littéraire antique. Sa
réhabilitation est bien assurée : les études ont permis de montrer combien les textes latins, et même
grecs, étaient connus et assimilés, et produisaient à leur tour une culture authentique. L'article éclaire
sous cet angle les différentes périodes depuis l'expansion du christianisme jusqu'au XIIIe siècle, en se
fondant sur la bibliographie récente. Pour chacune de ces périodes, on examine les modalités de la
formation intellectuelle, les hommes et les centres les plus innovants et les plus productifs, en mettant
l'accent sur la façon dont la question de l'utilisation chrétienne de la littérature païenne a été résolue.
Abstract
We are now aware that the Middle Ages did not simply reproduce the literary tradition of Antiquity. New
studies have changed our vision of the period by showing how Latin and even Greek texts were known
and assimilated, producing as a result a new and authentic culture. In line with this perspective the
article considers different time periods from the expansion of Christianity until the thirteenth century,
using the results of recent work. In each time period, the author considers the characteristics of
intellectual training, as well as the most innovative and productive men and centers of learning, while
insisting on the way pagan literature was reused in a Christian perspective.
Zusammenfassung
Man weiß heute, daß das Mittelalter sich nicht damit begnügt hat, das literarische Erbe der Antike
einfach zu reproduzieren. An zahlreichen Beispielen laßt sich nachweisen, in welchem Umfang auch die
paganen lateinischen (und selbst die griechischen) Autoren bekannt waren, rezipiert wurden und
ihrerseits neue kulturelle Strömungen auslösen konnten. Unter Berücksichtigung der jüngsten
Forschungsliteratur unter sucht der Beitrag den Lektürekanon verschiedener Epochen von der
Ausbreitung des Christentums bis zum 13. Jahrhundert. Für jede der angesprochenen Perioden werden
dabei die Modalitäten der Bildungsvermittlung sowie die bedeutendsten und literarisch produktivsten
Persönlichkeiten und Bildungszentren vorgestellt und analysiert, wobei immer wieder die Frage im
Mittelpunkt steht, in welcher Weise die paganen Autoren für eine christliche Lehre dienstbar gemacht
wurden.LES AUTEURS CLASSIQUES DANS
L'ENSEIGNEMENT MÉDIÉVAL :
l'état de la question
par Michel LEMOINE
Le titre de cet article aurait, à une époque encore récente, étonné
bon nombre de lecteurs. La lecture des auteurs classiques n'est-elle pas
un trait propre à la Renaissance, ignoré, par conséquent des âges obs
curs qui ont précédé celle-ci ? Il y a seulement quelques décennies,
l'auteur d'un excellent recueil oï uvres choisies de Tite-Live n'hésit
ait pas à expliquer la rareté des manuscrits de cet auteur dans les b
ibliothèques médiévales par « le discrédit général où était tombée
l'étude de l'Antiquité » (1). Cette vision dépréciative du Moyen Âge,
plaisamment illustrée par Rabelais, lui-même si médiéval par certains
côtés, a été reprise par les beaux esprits du Grand Siècle, puis complai-
samment entretenue par les philosophes du temps des Lumières, défen
due enfin au XIXe siècle par une certaine historiographie positiviste.
Nous avons heureusement aujourd'hui une vision plus authentique du
Moyen Âge. Il faut ajouter, du reste, que, de tout temps, des érudits lui
ont rendu justice. C'est ainsi que les premiers temps de l'imprimerie
ont vu la publication de nombreux textes latins de cette époque, tandis
que sa littérature romanesque se perpétuait à travers de nombreuses re
fontes et adaptations. Avant que l'époque romantique ne voie Chateau
briand et Michelet remettre le Moyen Âge à la mode, de studieux
antiquaires, dont les plus illustres furent les Mauristes, avaient entre
pris la publication de ses sources historiques.
Aujourd'hui, le Moyen Âge n'a donc plus à être réhabilité. Ses mo
numents architecturaux déplacent les foules et la littérature en langue
vulgaire est disponible dans des collections de poche. Un domaine,
toutefois, reste encore méconnu : la production en langue latine, qu'il
(1) L. Delaruelle, Tite-Live. uvres choisies, Paris, 1927, p. 25.
Histoire de l'éducation - n° 74, mai 1997
Service d'histoire de l'éducation
I.N.R.P. - 29, rue d'Ulm - 75005 Paris 40 Michel LEMOINE
s'agisse de textes historiques, littéraires ou philosophiques. Nous som
mes tellement habitués à restreindre le champ de la langue de Cicéron
à une période limitée de l'histoire occidentale, celle de l'Antiquité ! Le
présente article voudrait combattre ce préjugé en montrant la continuité
qui existe entre la latinité antique et celle du Moyen Âge, à partir d'un
sujet particulièrement significatif à cet égard, celui de la place occupée
par les auteurs classiques dans l'enseignement médiéval.
Je dois préciser au préalable les limites de cette étude et la méthode
suivie.
Les limites sont d'abord chronologiques. Sans revenir sur la ques
tion inépuisable de la périodisation du Moyen Âge, il faut rappeler que
celle-ci se pose en termes différents suivant les domaines envisagés.
S'agissant de l'utilisation des auteurs classiques par les médiévaux, on
peut prendre pour point de départ l'Antiquité tardive, marquée par la
figure de saint Augustin, qui définit un programme d'études reposant
sur la tradition classique avec, comme finalité, l'accès à la doctrine sa
crée. Ce modèle connaîtra des variantes, mais ses bases théoriques ne
seront pas remises en question. La période carolingienne occupe une
place majeure, avant tout pour ce qui concerne l'organisation de l'e
nseignement. Toutefois, l'âge d'or de l'utilisation des auteurs classiques
est constitué par le XIIe siècle, en raison du prestige inégalé dont ils
jouissent, et donc à cause de l'abondance et de la variété des richesses
qu'on leur emprunte. Le point d'arrivée peut être fixé au tournant du
XIIe et du XIIIe siècle, lorsque s'opère une mutation culturelle dont la
vague aristotélicienne n'est que le phénomène le plus visible, entraî
nant un désintérêt pour les auteurs classiques.
L'autre limite concerne les disciplines où joue l'influence des au
teurs classiques. Je m'en tiendrai aux lettres et à la philosophie. Certes,
elles se taillent la part du lion, puisque la grammaire constitue la base
du savoir. Il ne faudrait pourtant pas négliger d'autres domaines où les
anciens se font les maîtres des médiévaux. Mentionnons d'abord les
sciences que nous appelons aujourd'hui exactes, et que l'on rangeait
alors dans le quadrivium : arithmétique, géométrie, musique, astrono
mie. À cela s'ajoutent des savoirs moins théoriques, c'est-à-dire les
sciences naturelles : botanique, zoologie, médecine. Citons enfin des
disciplines moins courantes, comme la géographie, avec Pomponius
Mêla, l'agriculture, avec Columelle, l'architecture, Vitruve, ou
même l'art militaire, Frontin et Végèce.
J'ai fait plus haut allusion aux progrès récents de nos connaissances
concernant le Moyen Âge. À propos du thème abordé ici, il convient auteurs classiques dans l'enseignement médiéval 41 Les
de rendre hommage à un certain nombre de savants, aux travaux des
quels le lecteur se reportera avec profit. Maurice Roger a joué un rôle
de pionnier grâce à une thèse que l'on consulte toujours (1). Henri-Iré
née Marrou, qui avait ouvert des voies neuves avec son Histoire de
l'éducation dans l'Antiquité, a, en outre, beaucoup fait pour mettre en
valeur une Antiquité tardive à laquelle on donnait autrefois le nom p