Les étudiants et la sélection universitaire - article ; n°1 ; vol.119, pg 91-106

Georges Felouzis

Description

Revue française de pédagogie - Année 1997 - Volume 119 - Numéro 1 - Pages 91-106
La sélection est un élément structurant des études universitaires. Les enjeux actuels de la formation et la forte proportion d'échec en Deug dans nos universités le montrent. La question posée ici concerne les différentes conceptions de la sélection par les étudiants : à quelles conditions celle-ci apparaît-elle juste et légitime ? L'enquête a porté sur 315 entretiens d'étudiants dans quatre filières universitaires : le Droit, les Sciences physiques, les Lettres Modernes et la Géographie. Le premier point concerne les conditions concrètes de déroulement des études : la sélection ne peut apparaître juste que dans la mesure où les critères de cette sélection sont explicites. Or cela n'est pas toujours le cas (surtout en Deug), notamment dans la perception des attentes professorales pour l'examen. Plus ces attentes apparaissent floues, plus la sélection paraît injuste aux étudiants. Un deuxième principe général se dégage des entretiens : la sélection n'est bonne que si elle s'applique aux autres : pour les étudiants en Deug, elle devrait s'appliquer principalement au niveau du baccalauréat, en premier cycle pour les étudiants en licence, etc.. Enfin, l'auteur pose la question des normes de justice mises en œuvre par les étudiants pour apporter des solutions aux problèmes actuels de l'Université. Ces normes dépendent essentiellement du parcours universitaire et des conditions d'accomplissement des études. Dans ce cadre, la filière universitaire reste l'élément le plus pertinent pour penser la relation des étudiants à la sélection et à la justice.
Selection is a structuring factor in university studies. Presently higher education is at stake as it is revealed by the high failure rate at the end of the two years of university (DEUG). This paper asks the question of students different conceptions of selection : what requirements must be met to lead to an agreement on the equity and legitimacy of this selection ? The investigation concerned 315 students interviews in four university fields : Law, Physical Sciences, Geography and Arts. The first point is about practical conditions of schooling : selection is considered as equitable only if selection criteria are explicit. But this is not always the case (in particular at DEUG level) especially if teachers expectations for the exam are vague. A second principle emerges from these interviews : selection is right only if applied to others. In the opinion of sophomores, it should be applied to the «Baccalauréat» level etc. ..Finally the author ponders over the question of equity standards set by students to find solutions to present university problems. These standards essentially depend on university schooling ana conditions of study. Within this framework, university path remains the most relevant element to think over the students relation to selection and equity.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_DE_PEDAGOGIE
• Publié le: 01 janvier 1997
• Nombre de lectures: 38
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Mr Georges Felouzis
Les étudiants et la sélection universitaire
In: Revue française de pédagogie. Volume 119, 1997. pp. 91-106.
Citer ce document / Cite this document :
Felouzis Georges. Les étudiants et la sélection universitaire. In: Revue française de pédagogie. Volume 119, 1997. pp. 91-106.
doi : 10.3406/rfp.1997.1170
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfp_0556-7807_1997_num_119_1_1170Résumé
La sélection est un élément structurant des études universitaires. Les enjeux actuels de la formation et
la forte proportion d'échec en Deug dans nos universités le montrent. La question posée ici concerne
les différentes conceptions de la sélection par les étudiants : à quelles conditions celle-ci apparaît-elle
juste et légitime ? L'enquête a porté sur 315 entretiens d'étudiants dans quatre filières universitaires : le
Droit, les Sciences physiques, les Lettres Modernes et la Géographie. Le premier point concerne les
conditions concrètes de déroulement des études : la sélection ne peut apparaître juste que dans la
mesure où les critères de cette sélection sont explicites. Or cela n'est pas toujours le cas (surtout en
Deug), notamment dans la perception des attentes professorales pour l'examen. Plus ces attentes
apparaissent floues, plus la sélection paraît injuste aux étudiants. Un deuxième principe général se
dégage des entretiens : la n'est bonne que si elle s'applique aux autres : pour les étudiants en
Deug, elle devrait s'appliquer principalement au niveau du baccalauréat, en premier cycle pour les
étudiants en licence, etc.. Enfin, l'auteur pose la question des normes de justice mises en œuvre par les pour apporter des "solutions" aux problèmes actuels de l'Université. Ces normes dépendent
essentiellement du parcours universitaire et des conditions d'accomplissement des études. Dans ce
cadre, la filière universitaire reste l'élément le plus pertinent pour penser la relation des étudiants à la
sélection et à la justice.
Abstract
Selection is a structuring factor in university studies. Presently higher education is at stake as it is
revealed by the high failure rate at the end of the two years of university (DEUG). This paper asks the
question of students different conceptions of selection : what requirements must be met to lead to an
agreement on the equity and legitimacy of this ? The investigation concerned 315 students
interviews in four university fields : Law, Physical Sciences, Geography and Arts. The first point is about
practical conditions of schooling : selection is considered as equitable only if selection criteria are
explicit. But this is not always the case (in particular at DEUG level) especially if teachers expectations
for the exam are vague. A second principle emerges from these interviews : selection is right only if
applied to others. In the opinion of sophomores, it should be applied to the «Baccalauréat» level etc.
..Finally the author ponders over the question of equity standards set by students to find solutions to
present university problems. These standards essentially depend on university schooling ana conditions
of study. Within this framework, university path remains the most relevant element to think over the
students relation to selection and equity.Les étudiants
et la sélection universitaire (1)
Georges Felouzis
juste La conditions mesure la Deug), Droit, les forte sélection différentes et les notamment proportion légitime où Sciences concrètes les est conceptions critères un ? L'enquête dans d'échec élément physiques, de de la déroulement perception cette de en structurant a porté la Deug les sélection sélection Lettres sur dans des des des 315 attentes sont nos Modernes par études entretiens les universités explicites. professorales : étudiants universitaires. la et sélection d'étudiants la Or le Géographie. : montrent. cela à quelles pour ne Les n'est dans peut l'examen. enjeux La conditions pas quatre Le apparaître question premier toujours actuels filières Plus celle-ci posée point ces juste de le universitaires cas la attentes concerne apparaît-elle ici que formation (surtout concerne dans appa: les en et la le
raissent floues, plus la sélection paraît injuste aux étudiants. Un deuxième principe général se dégage
des entretiens : la sélection n'est bonne que si elle s'applique aux autres : pour les étudiants en Deug,
elle devrait s'appliquer principalement au niveau du baccalauréat, en premier cycle pour les étudiants en
licence, etc.. Enfin, l'auteur pose la question des normes de justice mises en œuvre par les étudiants
pour apporter des "solutions" aux problèmes actuels de l'Université. Ces normes dépendent essentiell
ement du parcours universitaire et des conditions d'accomplissement des études. Dans ce cadre, la filière
universitaire reste l'élément le plus pertinent pour penser la relation des étudiants à la sélection et à la
justice.
Le monde étudiant constitue un objet de jusqu'aux enquêtes récentes sur le rapport aux
réflexion et d'analyse, autant pour les politiques études et à la vie universitaire dans le nouveau
que pour les sociologues. Les différentes « crises » contexte de nos universités « massifiées » (3), on
que traverse l'université depuis le début des peut retracer les transformations profondes qui ont
années 1960 rythment les transformations d'une affecté le monde étudiant depuis 30 ans. Car entre
les « héritiers » d'hier et les étudiants d'aujourdinstitution qui voit son rôle et ses missions se
transformer, autant que son public. Depuis Les 'hui, la population étudiante comme le contexte
héritiers (2), qui privilégiait un questionnement en universitaire se sont profondément transformés : le
termes de rapport à la culture et de reproduction, taux de scolarisation s'est accru, les filières du
Revue Française de Pédagogie, n° 119, avnl-mai-)uin, 91-106 91 comme du supérieur se sont multi assiste à une très forte déperdition des étudiants secondaire
pliées, entraînant une « inflation des diplômes » et en première année qui dépend largement de la
une diversification de l'offre de formation qui trans série du baccalauréat : les titulaires des baccal
forment radicalement le public étudiant et son rap auréats G, F et H sont les plus enclins à aban
port aux études. On peut prendre une mesure de donner après une première inscription en DEUG
(respectivement le taux d'abandons pour la proces transformations démographiques avec l'évolu
tion du nombre d'étudiants inscrits dans l'ense motion 1983 était, toutes disciplines confondues,
ignement supérieur entre 1960 et 1991. de 59 % pour les G, 53 % pour les F et 48 % pour
les H). Ce taux n'est que de 22 % pour les bac
Tableau I. — Étudiants inscrits calauréats C et 33 % pour les D (6). De même, le
dans l'enseignement supérieur depuis 1960 taux d'accès en deuxième cycle est étroitement
(en milliers) dépendant de la filière suivie dans le secondaire,
montrant que la sélection universitaire obéit aux
1960-1961 1970-1971 1980-1981 1991-1992 mêmes mécanismes et privilégie les mêmes
Université 214,7 637,0 799,2 1 146,9 modèles d'excellence que le système scolaire en
général. Quelle que soit la filière choisie (MédecIUT 24,2 53,7 78,7
ine, Lettres, Sciences, Droit, Économie ou IUT), 8,0 219,6 STS 26,8 67,3 les titulaires du baccalauréat C ont le meilleur
CPGE 21,0 32,6 40,1 72,0 taux de réussite (55 % accèdent en second cycle)
suivis par les A (42 %) et les D (40 %). Les bacAutres etabl. 66,0 130,0 214,7 323,1
calauréats F ne sont que 12 % à accéder en Ensemble 309,7 850,6 1 174,8 1 840,3 Deug. Ainsi, l'université est à la fois le lieu de
Source : Repères et references statistiques, DEP-MEN, 1993. stratégies de formation et d'acquisition de diplô
mes, et un système qui reste largement sélectif,
même si — et peut être surtout — la plupart des
Une première « explosion » des effectifs étu filières universitaires sont des « sous-systèmes
ouverts » : l'accueil de tous semble créer les diants se manifeste dans les années 1960, avec
un taux d'accroissement annuel de 10,6 %, alors conditions d'une élimination massive sur des cr
qu'il n'est, dans les années 1980, que de 3,7 %. itères qui ne sont pas toujours explicites.
Mais cette progression « est plus marquée sur la