Les « français approchés » des travailleurs migrants : un nouveau champ de recherche - article ; n°1 ; vol.29, pg 45-60
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Description

Langue française - Année 1976 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 45-60
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Colette Noyau
Les « français approchés » des travailleurs migrants : un
nouveau champ de recherche
In: Langue française. N°29, 1976. pp. 45-60.
Citer ce document / Cite this document :
Noyau Colette. Les « français approchés » des travailleurs migrants : un nouveau champ de recherche. In: Langue française.
N°29, 1976. pp. 45-60.
doi : 10.3406/lfr.1976.6101
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lfr_0023-8368_1976_num_29_1_6101Noyau, Paris- VIII. Colette
LES « FRANÇAIS APPROCHÉS » DES TRAVAILLEURS
MIGRANTS : UN NOUVEAU CHAMP DE RECHERCHE
Les travailleurs, pour la toute petite minorité fréquentant des cours,
ont déjà séjourné pendant plusieurs années en France, et, par la force
des choses, ont dû se forger un système de secours pour comprendre
et se faire comprendre en français dans les aspects les plus indispensables
de leur existence, sans l'intervention d'aucune institution d'éducation \
C'est cet aspect de la situation de langage des travailleurs immigrés
que nous voudrions éclairer. Cet examen nous paraît indispensable à une
bonne compréhension de ce qui fait la spécificité de l'enseignement du
français aux travailleurs immigrés. Et au-delà, nous voudrions tracer
les grandes lignes d'un champ d'études sociolinguistiques encore large
ment inexploré.
Il est vital pour les travailleurs contraints à la transplantation de
communiquer pour vivre, malgré tous les obstacles sociaux, culturels,
linguistiques, et ils y parviennent de façon plus ou moins satisfaisante.
Il est important pour la linguistique d'élucider comment se constitue
et fonctionne ce type particulier de bilinguisme, dans lequel les contraintes
sociales et culturelles que l'on sait2 appellent des solutions linguistiques
particulières. Nemser (1971) a pu parler de « langage d'immigrant »
(« immigrant speech ») en le caractéristant de façon externe comme un
système transitoire (d'acquisition d'une langue Z par un locuteur de
langue A) stabilisé. « Stable varieties of La [approximative systems]
are found in immigrant speech, that is, the speech of long time users of Lt
[Target Language] who, often having attained considerable fluency in
this language, have yet obviously reached a plateau in their learning. »
Nous poserons donc trois séries de problèmes pour lesquels on peut
tracer des directions de réponses. Comment se caractérisent les systèmes
de français pratiqués par la grande majorité des travailleurs immigrés,
ceux qui se forgent leur système de français « sur le tas » ? Comment
s'effectue cet apprentissage, spontané ? Et, puisqu'il s'agit de voir com-
1. Un très petit nombre de primo-arrivants bénéficient depuis peu d'une initiation au
français.
2. Voir les études de Celik, Granotier, Calame, Minces, ainsi que le numéro
spécial de mars 1972 de Sociologie du travail.
45 ment l'intervention pédagogique peut amener de la réalité effective
au souhaitable : de quel français les travailleurs immigrés ont-ils besoin ?
1. Les français des travailleurs immigrés.
La première approche qu'on est tenté d'utiliser est celle de la li
nguistique contrastive. Cette discipline s'est développée à partir de l'ou
vrage fondamental de Weinreieh (1953) sur le bilinguisme, et du manuel
programmatique centré sur l'application à l'enseignement des langues
étrangères, de Lado (1957) — où l'étiquette de « linguistique contras
tive » n'apparaissait pas encore. Elle se proposait de partir d'une compar
aison systématique de la langue maternelle et de la langue à acquérir,
pour déterminer les zones aux différents niveaux d'organisation (pho
nique, grammatical, lexical) où les deux langues divergent, de prédire
les difficultés de la langue à acquérir pour les locuteurs d'une langue
maternelle donnée, et leurs fautes « typiques », les interférences, manif
estant le recours à des habitudes linguistiques de la langue maternelle
dans l'expression en langue seconde 3.
Elle implique le postulat que l'individu bilingue ou accédant au
bilinguisme est le siège de la rencontre de deux langues (Weinreieh,
pp. 1, 2, 3), que nous discuterons plus bas.
Son évolution même a posé au fur et à mesure des problèmes nou
veaux, que nous allons évoquer rapidement. D'autre part, le champ
d'application pour lequel elle s'est constituée est l'acquisition des langues
non maternelles dans une intervention pédagogique. Nous nous demander
ons donc ensuite dans quelle mesure elle peut s'appliquer au champ de
l'acquisition de la langue, du pays d'accueil par les travailleurs immigrés.
La linguistique contrastive a été rendue possible par le développe
ment de la structurale, qui proposait un modèle global et
ordonné de l'organisation des langues, dans la variante fonctionnelle
comme dans la formelle. Suivant en cela l'évolution de la linguistique
descriptive, elle s'est tout d'abord développée avec dynamisme dans le
domaine de la comparaison des systèmes phoniques et de ses applications
pédagogiques 4.
D'abord, toute l'ambition a été mise dans la prévision des difficultés
et des erreurs par la localisation des différences de structure des deux
systèmes comparés, et dans l'évitement des erreurs par une présentation
pédagogique des faits de langue seconde suivant une progression rigou
reuse. Des études plus enracinées dans le réel ont montré ensuite qu'il
fallait nuancer. « Frequently it is precisely that articulatory features which
is being ignored as redundant for classification that may be paramount
in determining the degree of difficulty » (Brière, A psycholinguistic study
of phonological interference). C'était reconnaître qu'entre les deux sys-
3. Voir article de Debyser dans Langue française, n° 8, et le numéro spécial du
Français dans le monde, 81 (juin 1971).
4. Voir à titre d'exemple Companys : Phonétique française pour hispanophones, et
les vingt premières années de la revue Language Learning, fondée en 1948. Trou-
betzkoy avait déjà tracé cette voie dans ses Principes de phonologie (pp. 66-68)).
46 tèmes linguistiques en contact, il y avait à tenir compte de leur assimi
lation par les individus, et qu'une dimension expérimentale était nécess
aire.
Dans le domaine de la grammaire, le passage des principes aux réa
lisations a été freiné par la difficulté de disposer de descriptions des deux
langues en des termes comparables. Le recours au modèle génératif
transformationnel a partiellement levé cet obstacle 5, mais pour faire
apparaître d'autres problèmes : la tentation, plus forte s'agissant d'appli
cations, et d'applications de la linguistique par des pédagogues, d'ident
ifier les règles de la grammaire generative comme règles décrivant une
compétence idéale, aux règles de production des énoncés qui fonction
neraient chez chaque locuteur ; le sentiment de nombreux utilisateurs
que la linguistique contrastive prédisait essentiellement des évidences,
des difficultés ou types d'erreurs des élèves déjà connus par les ensei
gnants à travers leur pratique.
Puis, le décalage existant entre les comparaisons à partir de des
criptions grammaticales d'où le sens était exclu, et la pratique de l'ind
ividu bilingue chez qui c'est le sens qui constitue le pivot entre les deux
langues, a poussé à essayer d'utiliser dans l'optique contrastive de nou
veaux modèles linguistiques (grammaire des cas, sémantique generative)
qui restructurent la grammaire generative et transformationnelle en accor
dant au sens une place plus ou moins centrale. Ces modèles sont actuell
ement des propositions théoriques en discussion, sur des applications à
des données linguistiques restreintes considérées comme ayant une valeur
heuristique, il n'est donc pas question d'ambitionner par eux une « comp
araison systématique » de deux langues. On a donc essentiellement des
comparaisons de micro-domaines, ceux explorés par la discussion théo
rique, ou d'ensembles isolables référentiellement. L'influence de ces ten
tatives sur la pratiques de l'enseignemnt apparaît comme de plus en plus
restreinte ou problématique, même s

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