Les groupes de pression sous la Ve République - article ; n°3 ; vol.12, pg 672-697
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Description

Revue française de science politique - Année 1962 - Volume 12 - Numéro 3 - Pages 672-697
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1962
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Meynaud
Les groupes de pression sous la Ve République
In: Revue française de science politique, 12e année, n°3, 1962. pp. 672-697.
Citer ce document / Cite this document :
Meynaud Jean. Les groupes de pression sous la Ve République. In: Revue française de science politique, 12e année, n°3,
1962. pp. 672-697.
doi : 10.3406/rfsp.1962.403388
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1962_num_12_3_403388Les Groupes de Pression
sous la Ve République
JEAN MEYNAUD
La Ve République ayant apporté une solution de continuité
dans le fonctionnement apparent de la vie politique française,
je me propose de décrire et d'évaluer dans cette étude les
conséquences de cet événement sur la pression des groupes. Ainsi
posée, la question suggère une comparaison avec les pratiques de
la IVe République : il s'agit, en somme, d'examiner ce qu'il y a
de neuf et ce qu'il reste d'habituel dans ce secteur des activités
publiques.
J'examinerai ce problème d'un double point de vue : la position
des groupes eux-mêmes et l'attitude des autorités à leur égard.
Sous chacun de ces aspects, la part de la tradition est demeurée ou
est redevenue considérable. Cependant, l'expérience comporte des
traits originaux dont on peut se demander s'ils correspondent à
une mutation des conduites ou, simplement, à l'accentuation de
particularités anciennes. Il arrive souvent, en de tels domaines,
qu'un phénomène soit qualifié de nouveauté par oubli de l'expé
rience passée.
I. POSITION DES GROUPES
On trouve dans l'expérience de ces dernières années beaucoup
d'éléments anciens et quelques tendances nouvelles. Il est naturel
que les commentateurs aient été surtout intéressés par celles-ci.
(*) Article écrit d'après le texte d'un exposé fait le 16 janvier 1962 au
Cycle supérieur d'études politiques. Pour la bibliographie du sujet, je me per
mets de renvoyer le lecteur à mon ouvrage Nouvelles études sur les groupes
de pression en France, Paris, 1962 (Cahiers de la Fondation nationale des
sciences politiques, 118).
672 Groupes de Pression
Mais, une telle propension, qui se manifesta avec vigueur au moment
de la Libération, risque de susciter des erreurs dans l'estimation
des forces en présence.
A. Persistance des attitudes revendicatives
Cette permanence est due au fait que la Ve République a pra
tiquement laissé intacte la constitution sociale du pays : dès lors,
le simple changement institutionnel ne pouvait prévaloir contre le
maintien des structures et pratiques habituelles.
Soit le problème agricole qui a constitué sous la Ve comme
sous la IVe République l'une des préoccupations les plus graves
des pouvoirs publics. Il peut se résumer en une constatation banale :
le déclin de l'agriculture nationale est un aspect particulier de la
croissance économique. Dans les pays industrialisés, le revenu
agricole par tête est égal à la moitié et, dans le meilleur des cas,
aux deux tiers du revenu moyen des secteurs agricoles. Depuis
1945, malgré un gros effort de productivité, la situation du paysan
français n'a cessé de se détériorer : les études les plus sérieuses
établissent que, dans l'ensemble, la paysannerie subit un mouve
ment de paupérisation relative. C'est la prise de conscience de
cette situation qui explique l'acharnement des intéressés à obtenir
l'indexation intégrale des prix agricoles sur ceux des produits
industriels.
La gravité des événements de l'été 1961 pourrait donner à croire
que les autorités ont totalement négligé la paysannerie. Or il n'en
est rien, la Ve République ayant à son actif, comme on le dira
plus loin, un important ensemble de mesures favorables à l'agri
culture. Mais ces dispositifs complexes, à moyenne ou longue port
ée, n'ont pas permis de contenir la colère que suscite de plus en
plus dans les campagnes le jeu des mécanismes courants du mar
ché (ainsi, écart entre les cours à la production et ceux au détail,
ou encore absence de répercussion sur le prix de la viande d'une
baisse affectant le bétail sur pieds).
Il serait très facile de multiplier les exemples. Actuellement,
la Confédération générale des cadres et le Comité national de lia
ison et d'action des classes moyennes (les deux organismes ayant
le même délégué général) luttent pour la défense du régime de
retraite des cadres et s'opposent à une élévation du « plafond »
de la Sécurité sociale qui ne serait pas motivée par une augmen-
673 .
Jean Meynaud
tation générale des salaires (éventualité permise par le décret du
12 février 1961). Ces revendications rappellent la bataille menée
par les organismes de « classes moyennes » contre les projets d'ex
tension de la Sécurité sociale à l'ensemble de la population active.
Autre affaire qui rend un son familier : les manifestations des
planteurs de tabac du Sud-Ouest contre la politique de la Régie
des tabacs tendant à rapprocher du niveau international les prix
pratiqués en France. Selon un procédé, également habituel, le maire
de Marmande a fait savoir télégraphiquement au ministère de l'In
térieur que l'ordre ne pourrait vraisemblablement être maintenu au
cours des prochaines semaines « si la question du prix du tabac ne
recevait pas rapidement une solution conforme aux intérêts légi
times des planteurs » *.
Dernier exemple : l'opposition des mineurs de Decazeville aux
mesures de fermeture décidées par l'autorité supérieure. Elle illustre
le conflit entre l'attachement des hommes à leur condition d'exis
tence et les exigences de la rentabilité économique. Quand elle
revêt une certain ampleur, la reconversion peut susciter de véri
tables crises politiques (cas du Borinage en Belgique). Le déclin
relatif du charbon comme source d'énergie nous vaudra, sans nul
doute, d'autres drames de cet ordre.
L'allure des rapports du travail durant l'année 1961 illustre
à plusieurs égards la permanence des conduites habituelles. On sait
qu'en date du 6 mars 1961 le premier ministre écrivit au président
du Conseil national du patronat français pour lui demander de fixer
aux environs de 4 co par an le rythme des augmentations de salaires
(la marge supérieure qui pourrait exister dans certains secteurs
devant être affectée partie à la baisse des prix, partie aux inves
tissements). Or ces directives n'ont pas été respectées, de nom
breuses branches et firmes du secteur privé ayant accordé à leur
personnel un taux bien supérieur d'accroissement des salaires. On
s'explique ainsi que durant cette période le front du secteur privé
soit resté plutôt calme, une importante agitation caractérisant au
contraire le secteur public et para-public à l'égard desquels les
autorités tentèrent, finalement sans succès, de maintenir les restric
tions officielles. En un sens, le calcul du patronat privé est compréh
ensible : il est pourtant impossible de ne pas rapprocher cette
politique des tensions inflationnistes qui se manifestent dans l'éc
onomie française. Une fois de plus, le consommateur fait les frais
de l'opération.
1. Le Monde, 26 décembre 1961, p. 10.
67-4 de Pression Groupes
Au total, les positions des groupes sous la Ve République ne
diffèrent pas sensiblement de celles adoptées sous le précédent
régime. Cependant, on aperçoit aussi des transformations dont il
est difficile de spécifier la nature et la portée.
B. Apparition de tendances nouvelles
J'en signalerai trois séries qui, en une certaine mesure, forment
un tout. Sans dater de la Ve République, ces tendances ont pris au
cours des dernières années une ampleur assez remarquable.
a) Extension de la formule syndicale.
Le recours au procédé syndical dans la défense des intérêts a
d'importantes conséquences : il implique notamment un durcisse
ment et une « radicalisation » des attitudes revendicatives, l'emploi
de la grève comme technique d'action, et, à la limite, l'insertion des
demandes particulières dans un cadre global qui corresponde à une
vue d'

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