Les interprétations de la crise de mai-juin 1968 - article ; n°3 ; vol.20, pg 503-544
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Description

Revue française de science politique - Année 1970 - Volume 20 - Numéro 3 - Pages 503-544
Interpretations of the May-June 1968 crisis, by Philippe Bénéton and Jean Touchard The May-June 1968 crisis has been diversely interpreted. Interpretations have ranged from a subvervise undertaking to a civilization crisis. These interpretations fall into eight major categories. 1) A plot, a subversive undertaking the authors of which may be seen as communists or leftists. 2) A crisis within the University: explained by the rigidity of the system of higher education and the non-integration of students in society. 3) A feverish revolt of the youth - a sort of psychodrama, a rite, a feast, an eruption of youth, the assassination of the father figure. 4) A spiritual revolt, a crisis of civilization: the insurrection of the spirit, a revolt against society and civilisation. 5) A class conflict, a social movement of a new kind: a struggle between the professionals and the technocrats. 6) A traditional social conflict: the strikes may be explained by the economic and social context. 7) A political crisis stemming from the constitution of the 5th Republic and the lack of any real alternative on the left. 8) A chain of circumstances. After having presented and criticized these different interpretations, the authors conclude that there is not a single, unique cause and that new research must be undertaken - in particular on the strikes - before proposing a new interpretation of the May crisis.
Les interpretations de la crise de mai-juin 1968, par Philippe Bénéton et Jean Touchard De l'entreprise de subversion à la crise de civilisation la crise de mai-juin 1969 a suscité de multiples interprétations - qu'il est possible de classer en huit types principaux. 1) Un complot, une tentative de subversion dont les auteurs seraient tantôt le Parti communiste, tantôt les groupes gauchistes. 2) Une crise de l'Université : l'interprétation par les rigidités de l'enseignement supérieur et par la marginalité sociale des étudiants. 3) Un accès de fièvre, une révolte de la jeunesse : l'explication par le psychodrame, le jeu, la fête et d'autre part par l'irruption de la jeunesse, le meurtre du père. 4) Une révolte spirituelle, une crise de civilisation : l'insurrection de l'esprit, la révolte contre une société ou une civilisation. Un conflit de classes, un mouvement social d'un type nouveau : la lutte des professionnels contre les technocrates. 6) Un conflit social traditionnel : l'explication des grèves par la conjoncture économique et sociale. 7) Une crise politique : les institutions de la Cinquième République et l'absence d'une alternative de gauche. 8) Un enchaînement de circonstances. Après avoir présenté et critiqué ces diverses interprétations, les auteurs concluent qu'il convient de renoncer à toute clef unique d'interprétation et qu'il importe de procéder à de nouvelles recherches, notamment sur les grèves, avant de proposer une interprétation nouvelle de la crise de mai.
42 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Monsieur Philippe Beneton
Monsieur Jean Touchard
Les interprétations de la crise de mai-juin 1968
In: Revue française de science politique, 20e année, n°3, 1970. pp. 503-544.
Citer ce document / Cite this document :
Beneton Philippe, Touchard Jean. Les interprétations de la crise de mai-juin 1968. In: Revue française de science politique, 20e
année, n°3, 1970. pp. 503-544.
doi : 10.3406/rfsp.1970.393237
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1970_num_20_3_393237Résumé
Les interpretations de la crise de mai-juin 1968, par Philippe Bénéton et Jean Touchard
De l'entreprise de subversion à la crise de civilisation la crise de mai-juin 1969 a suscité de multiples
interprétations - qu'il est possible de classer en huit types principaux. 1) Un complot, une tentative de
subversion dont les auteurs seraient tantôt le Parti communiste, tantôt les groupes gauchistes. 2) Une
crise de l'Université : l'interprétation par les rigidités de l'enseignement supérieur et par la "marginalité
sociale" des étudiants. 3) Un accès de fièvre, une révolte de la jeunesse : l'explication par le
psychodrame, le jeu, la fête et d'autre part par l'irruption de la jeunesse, le "meurtre du père". 4) Une
révolte spirituelle, une crise de civilisation : l'insurrection de l'esprit, la révolte contre une société ou une
civilisation. Un conflit de classes, un mouvement social d'un type nouveau : la lutte des "professionnels"
contre les "technocrates". 6) Un conflit social traditionnel : l'explication des grèves par la conjoncture
économique et sociale. 7) Une crise politique : les institutions de la Cinquième République et l'absence
d'une alternative de gauche. 8) Un enchaînement de circonstances. Après avoir présenté et critiqué ces
diverses interprétations, les auteurs concluent qu'il convient de renoncer à toute clef unique
d'interprétation et qu'il importe de procéder à de nouvelles recherches, notamment sur les grèves, avant
de proposer une interprétation nouvelle de la crise de mai.
Abstract
Interpretations of the May-June 1968 crisis, by Philippe Bénéton and Jean Touchard
The May-June 1968 crisis has been diversely interpreted. Interpretations have ranged from a
subvervise undertaking to a civilization crisis. These interpretations fall into eight major categories. 1) A
plot, a subversive undertaking the authors of which may be seen as communists or leftists. 2) A crisis
within the University: explained by the rigidity of the system of higher education and the non-integration
of students in society. 3) A feverish revolt of the youth - a sort of psychodrama, a rite, a feast, an
eruption of youth, the assassination of the father figure. 4) A spiritual revolt, a crisis of civilization: the
insurrection of the spirit, a revolt against society and civilisation. 5) A class conflict, a social movement
of a new kind: a struggle between the "professionals" and the "technocrats". 6) A traditional social
conflict: the strikes may be explained by the economic and social context. 7) A political crisis stemming
from the constitution of the 5th Republic and the lack of any real alternative on the left. 8) A chain of
circumstances. After having presented and criticized these different interpretations, the authors
conclude that there is not a single, unique cause and that new research must be undertaken - in
particular on the strikes - before proposing a new interpretation of the May crisis.LES INTERPRÉTATIONS DE LA CRISE
DE MAI-JUIN 1968
PHILIPPE BÉNÉTON et JEAN TOUCHARD
De l'entreprise de subversion à la crise de civilisation, la
crise de mai-juin 1968 a suscité de multiples interprétations
et mobilisé d'innombrables interprètes. Très proches de l'év
énement, beaucoup de ces interprétations s'apparentent davantage au
plaidoyer lyrique qu'à l'étude scientifique tandis que d'autres, moins
nombreuses, relèvent plutôt de l'attitude du procureur que de celle
de l'analyste. Presque toujours empreintes de passion, elles n'en
restent pas moins révélatrices — et mêmes explicatives — d'une
crise complexe, hétérogène, où chacun peut déceler le meilleur ou
le pire, trouver des sources de justification ou des motifs de condamn
ation. Difficile à connaître, malaisée à cerner, cette crise charrie
en effet des éléments très nombreux et autorise les interprétations
les plus diverses : irruption des barbares ou renouveau de l'esprit,
révolte poétique ou lutte des classes, révolution juvénile ou crise
spirituelle...
De l'accident de parcours à la révolte de l'esprit, les explications
se situent à différents niveaux, embrassent tout ou partie des évé
nements, font appel à diverses disciplines : sociologie, psycholog
ie, biologie, psychanalyse, etc. Plus ou moins ambitieuses, elles
sont délicates à classer, car certains analystes ne s'intéressent qu'à
un aspect de la crise quand d'autres en proposent une explication
globale, gommant la chronologie et assimilant crise universitaire,
crise sociale, crise politique. Nous avons néanmoins cru possible
de distinguer huit types d'interprétations, de niveaux différents et
d'inégale portée :
— une entreprise de subversion ;
— une crise de l'Université ;
— un accès de fièvre, une révolte de la jeunesse ;
503 Philippe Bénéton et Jean Touchard
— une révolte spirituelle, une crise de civilisation ;
— un conflit de classes, un mouvement social d'un type nou
veau ;
— un conflit social de type traditionnel ;
— une crise politique ;
— un enchaînement de circonstances 1.
Nous n'avons pas d'autre ambition que de passer en revue ces
huit types d'interprétations, en laissant largement la parole à ceux
qui les ont présentées et en indiquant les problèmes qu'elles nous
paraissent poser. Les inconvénients d'une démarche aussi analytique
ne nous échappent pas, mais sans doute est-il plus utile — pour
aider les lecteurs, notamment les lecteurs étrangers, de cette Revue
à s'orienter dans la proliférante littérature consacrée à la crise de
mai 2 — de recenser aussi minutieusement que possible ce qui a été
dit ou écrit par les autres que de prétendre ajouter aux interpré
tations existantes une interprétation nouvelle, qui serait la nôtre
et qui serait la bonne...
1. UNE ENTREPRISE DE SUBVERSION
Inévitable en pareille circonstance, la première explication, la
plus tentante, est celle du complot.
Le général de Gaulle, qui devait ultérieurement présenter une
plus ample interprétation de la crise — il ne faut pas « voir petit
dans cette grande affaire » 3 — commence par déclarer le 30 mai
1968 : « La France ... est menacée de dictature. On veut la contrain
dre à se résigner à un pouvoir qui s'imposerait dans le désespoir
national, lequel pouvoir serait alors évidemment celui du vain
queur, c'est-à-dire celui du communisme totalitaire » 4.
Quelques mois plus tard, en mars 1969, le Président de la Répu
blique reprend cette même explication :
1. Les tentatives d'explication se recoupent ou se conjuguent parfois chez
un même auteur. En rattachant tel ou tel auteur à tel schéma d'interprétation, nous
risquons sans aucun doute de simplifier et d'appauvrir sa pensée. Mais il a paru
plus utile de recenser, avec tout l'arbitraire qu'implique une telle démarche, les
principales interprétations proposées que d'analyser en détail la pensée de tel ou
tel auteur. Pour qui désire connaître la pensée de Raymond Aron ou celle d'Alain
Touraine, rien ne saurait remplacer la lecture de La révolution introuvable ou de
Le mouvement de mai ou le communisme utopigue.
2. Pius de 120 livres sur la crise de mai ont été publiés en France, sans parler
des numéraux spéciaux et des articles de revues.
3. Allocution du 10 avril 1969, citée dans Le Monde du 12 avril 1969.
4. Cité dans Le Monde du 1er juin 1968.
504 La crise de mai-juin 1968
« Pendant près de deux mois, le travail a été systématiquement em
pêché partout. A la faveur de cette affreuse confusion qui, pour
beaucoup de gens, allait jusqu'au désespoir, on vit alors ses prin
cipaux auteurs se dresser contre la République, en la compagnie
provisoire d'une escorte de chimériques, d'ambitieux ou de rancuniers,
pour se saisir d'abord du pouvoir, puis pour soumettre de force la

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