Les membres des Sociétés de géographie au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.54, pg 161-174
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Les membres des Sociétés de géographie au XIXe siècle - article ; n°1 ; vol.54, pg 161-174

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Description

Communications - Année 1992 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 161-174
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 52
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique Lejeune
Les membres des Sociétés de géographie au XIXe siècle
In: Communications, 54, 1992. pp. 161-174.
Citer ce document / Cite this document :
Lejeune Dominique. Les membres des Sociétés de géographie au XIXe siècle. In: Communications, 54, 1992. pp. 161-174.
doi : 10.3406/comm.1992.1820
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1992_num_54_1_1820Dominique Lejeune
Les membres
des Sociétés de géographie
au xixe siècle
Les Sociétés françaises de géographie, sans être des inconnues, au
moins des histoires de l'exploration et de la colonisation, n'ont pas
fait l'objet de travaux comparables à ceux concernant les Sociétés
savantes du xvme siècle, types de libres associations qui ont été bien
étudiés \ Au cours de nos recherches, un contraste et une césure se
sont rapidement imposés : dans une première période, la Société de
géographie est unique et parisienne - c'est même son nom : Société
de de Paris, et non de France - alors qu'au temps de la
Troisième République les Sociétés sont plurielles et même fort nomb
reuses, la coupure étant d'ailleurs antérieure à l'Année terrible
(1870-1871) et à l'impulsion coloniale donnée par Léon Gambetta.
La Société unique des deux premiers tiers du siècle passé est une
société de pensée, une société de notables romantiques. Ce n'est
qu'au temps de la pluralité de Sociétés de géographie que ces der
nières sont, et avec netteté, colonialistes. L'expansion coloniale
connaît toutefois des variations de rythme et d'intensité et nous ver
rons qu'une seconde coupure, moins nette que la première, est dis
cernable vers 1890.
Pour une premiere période (1821-1864) on peut décrire, grâce à
ses archives (deux dépôts) et à ses copieuses publications, une
Société de géographie de Paris - elle est de loin la doyenne du
monde entier et les Sociétés provinciales n'apparaîtront en France
qu'après 1870 - fondamentalement et volontairement élitiste, fo
rmée de notables romantiques qui ne songent qu'à l'exploration du
globe, sans aucune vue utilitaire : cette libre association intellec
tuelle de romantiques qu'est la Société de géographie méprise les
préoccupations sordides de l'expansion coloniale. La Société de géo
graphie est alors ouverte à Y establishment politique, sa cotisation est
élevée et ses effectifs sont réduits. En naissant et en s'organisant, la
161 Lejeune Dominique
Société de géographie s'est donc affirmée en tant que libre associa
tion de notables, coupés du peuple des sujets régnicoles du roi
Louis XVIII, puis de son frère, par la barrière de la cotisation ; être
membre agrège à une « démocratie par le cens » qui rappelle les ins
titutions de culture et la société des Lumières du siècle précédent.
En particulier, en son sein les « grands notables » sont d'ancien type
et la grande bourgeoisie n'est nullement réductible à la grande bour
geoisie d'affaires. Par l'âge de ses membres, l'importance des
employés de l'administration royale, le mélange d'otium et de nego-
tium, et la rareté des femmes, elle rappelle les académies du
xvme siècle.
La Société de géographie n'est pas la seule société savante dans la
capitale. En effet, « Paris compte soixante-dix-sept sociétés savantes,
comprenant ensemble six mille cinq cent quatre-vingt-neuf
membres, dont l'âge moyen est de vingt-huit ans... », détaille un sta
tisticien devant un Jérôme Paturot étonné mais toujours « à la
recherche d'une position sociale » 2, et il poursuit : « Tous les souve
rains de l'Europe étaient affiliés à la chose [...], aucune notabilité du
globe ne restait en dehors de cette propagande irrésistible. » Le héros
de Louis Reybaud est vivement sollicité d'apporter son adhésion et
son écot, comme les géographes des premières décennies de la
Société de géographie : « En m'affiliant à l'une des sociétés savantes
qui couvrent la capitale d'un réseau de cotisations plus ou moins
volontaires, je ne savais pas à quels périls je m'exposais. A peine
eus-je trahi cet état de mon âme, que je me trouvai circonvenu de
mille côtés. Tout le monde voulait m'avoir, on se disputait mon
nom ; on m'offrait des secrétariats, même des vice-présidences.
Quant aux présidences, il n'y avait pas à y prétendre. Tel député en
occupait cinq ; tel pair de France six. » L'analyse du recrutement est
aussi amusante que rapide, dans le cadre d'une panoplie de sociétés
savantes où la Société de géographie figure entre une Société géné
rale des naufrages et une Société de statistique, et sans que soit
oubliée par Louis Reybaud la mentalité collective de « ces associa
tions qui perchent on ne sait où, et représentent on ne sait quoi » !
En géographie, l'association représente des classes aisées ; précisons
que l'élitisme de la Société de géographie va de pair avec le recrut
ement de nombreux étrangers. Il n'est pas défendu de présumer que
le développement de la Société de géographie de Paris fut entravé
par l'abandon de la lingua franca universellement connue qu'était le
français au XVIIIe siècle : admettre tant d'étrangers, et à des postes
parfois élevés, y remédiait partiellement. Le personnage de l'étran
ger ou du naturalisé est plus rare ailleurs, dans d'autres sociétés
162 Les membres des Sociétés de géographie
savantes, surtout à des fonctions de décisions significatives ; nous
n'avons trouvé qu'un Verhuell, fondateur de la Société biblique et
de la Société des Missions, à rapprocher des Walckenaër et autres
Malte-Brun (ex-Malthe-Bruun), tous géographes de poids. Au total,
se regroupent autour des géographes régnicoles - comme disent les
statuts de la Société de géographie - « un grand nombre de savants
étrangers obligés de quitter leur pays pour des raisons politiques ou
simplement attirés par le renom d'institutions prestigieuses comme
l'Ecole polytechnique, l'Institut, le Museum, et, bien sûr, la Société
de géographie 3 ».
Tout change après le tournant de 1864 : dorénavant, nous avons
affaire, à Paris comme bientôt à Lyon, Marseille, mais aussi
Avesnes-sur-Helpe (voir annexe), à des Sociétés prônant une géo
graphie dite utilitaire et commerciale et dont les effectifs croissent
fortement - ce qui est considéré comme un moyen de concurrencer
avec efficacité les pays étrangers : elles constituent dès lors un
groupe de pression en faveur de l'impérialisme colonial. Les Sociétés
de géographie sont membres du fameux « Parti colonial », les géo
graphes de cabinet, qui pour l'essentiel les peuplent toujours, conci
liant leurs soucis intellectuels et l'expansion coloniale. Patriotisme
et germanophobie assez discrets, colonialisme enthousiaste : la posi
tion des Sociétés de géographie est politiquement simple, accueillant
dans son mouvement intellectuel une géographie désormais syno
nyme pour elles d'expansion coloniale et dans leur mouvement
social l'officier de l'« Arche sainte », au temps de Garnier et de
Brazza.
C'est par la double médiation de l'exploration et de la recherche
de denrées tropicales que les Sociétés de géographie élaborèrent en
de nombreuses langues le concept de « commerciale »,
c'est-à-dire d'une géographie tournée vers la satisfaction des désirs
du négoce européen. De la « géographie commerciale » à la « géo
graphie coloniale », il n'y avait qu'un pas, que franchirent en France
une Société de géographie de Paris, née en 1821 et rétive pendant
des décennies devant cette orientation, ainsi que des Sociétés provinc
iales qui, elles, le firent d'emblée - mais elles n'apparurent que
plus tard, dans les années 1870. Géogra

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