Les militants de la République et la fête du 14 juillet - article ; n°4 ; vol.99, pg 517-530
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Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest - Année 1992 - Volume 99 - Numéro 4 - Pages 517-530
La fête du 14-Juillet, instituée par la IIIe République, est plus que la commémoration officielle ; elle est l'occasion saisie par les militants républicains de l'Anjou pour avoir une action politique autonome, pour familiariser les populations de cette région avec un régime républicain. L'histoire de cette fête montre leur succès mais aussi l'atténuation du sens militant.
Tlie 14th July festival is more than the official celebration of the fall of the Bastille the 14 July 1789 in Paris. In Anjou, the republican partisans take this occasion to promote their republican ideas and to habituate people to them. The short history of this festival shows how they succeeded but also how the partisan signification faded with time.
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Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 7
Langue Français
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Extrait

Jean-Clément Martin
Les militants de la République et la fête du 14 juillet
In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 99, numéro 4, 1992. Républiques & républicains d'Anjou. pp.
517-530.
Résumé
La fête du 14-Juillet, instituée par la IIIe République, est plus que la commémoration officielle ; elle est l'occasion saisie par les
militants républicains de l'Anjou pour avoir une action politique autonome, pour familiariser les populations de cette région avec
un régime républicain. L'histoire de cette fête montre leur succès mais aussi l'atténuation du sens militant.
Abstract
Tlie 14th July festival is more than the official celebration of the fall of the Bastille the 14 July 1789 in Paris. In Anjou, the
republican partisans take this occasion to promote their republican ideas and to habituate people to them. The short history of
this festival shows how they succeeded but also how the partisan signification faded with time.
Citer ce document / Cite this document :
Martin Jean-Clément. Les militants de la République et la fête du 14 juillet. In: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest.
Tome 99, numéro 4, 1992. Républiques & républicains d'Anjou. pp. 517-530.
doi : 10.3406/abpo.1992.3460
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0399-0826_1992_num_99_4_3460Les militants de la République
et la fête du 14-Juillet
par Jean-Clément Martin
La fête du 14-Juillet, instituée par la IIIe République, est plus que la commém
oration officielle ; elle est l'occasion saisie par les militants républicains de
l'Anjou pour avoir une action politique autonome, pour familiariser les popul
ations de cette région avec un régime républicain. L'histoire de cette fête
montre leur succès mais aussi l'atténuation du sens militant.
Tlie 14th July festival is more than the officiai célébration ofthe fall ofthe
Bastille the 14 July 1789 in Paris. In Anjou, the republican partisans take this
occasion to promote their republican ideas and to habituate people to them. The
short history of this festival shows how they succeeded but also how the partisan
signification faded with time.
Les cérémonies du 14-Juillet dans le Maine-et-Loire ont déjà donné lieu à plu
sieurs études1 qui se sont intéressées aux oppositions politiques, aux modalités de
la fête, qu'il n'est pas question de reprendre, mais de prolonger, en cherchant com
ment des individus ont, dans un département soumis à des luttes politiques vives,
acclimaté l'idée républicaine. La question reste en effet ouverte à plusieurs titres.
D'une part à côté des grandes manifestations, à côté des grands acteurs, qu'ils
soient préfet ou évêque2, les militants modestes et les fêtes les plus médiocres,
qui jouent pourtant le principal rôle dans ce processus, n'ont pas été étudiés en
tant que tels. D'autre part, il convient toujours d'affirmer que les petites élites
locales et leurs troupes n'ont pas été continuellement prisonniers de mentalités
leur laissant le choix entre la soumission et la révolte, mais que, bien au contraire,
là comme ailleurs3, un discours politique autonome est repérable dans la vie
rurale. 5 18 ANNALES DE BRETAGNE
Car si les fêtes du 14-Juillet ont été abondamment décrites, dans leur ordre
« classique », mêlant discours, défilé civil et militaire, jeux et bals, elles ont été
moins étudiées dans ce qu'elles apportaient de neuf dans la vie politique ordi
naire. Dans de nombreuses petites localités rurales, la vie trouvait
comme exutoire les rivalités électorales épisodiques et bien évidemment des fêtes
officielles. De ce point de vue, le 14-Juillet innove qui, dans un cadre légal
durable, permet aux individus les plus modestes de s'investir directement dans la
vie politique, en affichant clairement des opinions qui ont l'aval du gouverne
ment. Il s'agit d'un enjeu nouveau, qui ne concerne pas seulement les élites
locales ou régionales, mais qui est destiné à tous ceux qui le veulent. La commun
ication symbolique est mise à la portée de tous, chaque année.
Notre objectif n'est pas de collectionner des anecdotes curieuses4 ou édifiantes
pour le plaisir, mais de montrer comment le discours politique qui fait le sujet de
dissertations brillantes des politistes, est d'abord lié aux tensions locales, aux
interventions élémentaires, sans pour autant réduire ces actes à des réactions éco
nomico-sociologiques, comme voulut les décrire André Siegfried5. Nous pensons
qu'il est possible de comprendre ces manifestations locales du 14-Juillet dans un
entre-deux, entre opinions politiques épurées et attitudes réactives, pour montrer
comment se manifestent clairement des opinions, comment se constituent des
groupes identifiés par ces opinions, et comment en-deçà des élections, trop fac
ilement considérées comme les seules sources de connaissances des idées poli
tiques des masses, les fêtes du 14-Juillet témoignent d'un apprentissage volont
aire de la République entre 1880 et 1889.
1. La rupture républicaine
Si la Chambre des députés lance l'idée de la fête nationale, celle-ci n'est assort
ie d'aucune mesure administrative contraignante. Les préfets reçoivent une
somme d'argent destinée à aider les communes ou les groupes républicains qui
souhaitent organiser une manifestation. Hors des grandes villes, où les commém
orations prennent un tour officiel et contraint, seule l'envie des conseils muni
cipaux et des militants républicains est déterminante, mais dans un cadre légal qui
permet aux plus déterminés d'imposer la marque de la fête. Celle-ci est d'abord
signalée parce qu'elle dérange de l'ordre journalier, par ses lumières, ses bruits,
ses jeux, ses symboles.
Le degré le plus élevé de la fête est le mieux connu, qui comprend la retraite
aux flambeaux la veille du 14-Juillet jusqu'au bal du jour, en passant par la distr
ibution de pain aux pauvres, le défilé, les jeux et les discours. C'est manifestement
l'idéal visé par les communes, qui lorsqu'elles le peuvent, adoptent cette organi
sation pour arriver à une fête globale, rassemblant toutes ces dimensions,
sociales, politiques, ludiques, symboliques et idéologiques. Dès 1881, la petite ANNALES DE BRETAGNE 5 19
commune de Brain-sur-Authion propose à 3 heures 1/2 des rafraîchissements,
suivis entre 7 et 8 heures de la musique, la journée se clôturant à 9 heures par la
retraite aux flambeaux et le gâteau: II n'est pas question d'énumérer ces festivités
souvent citées, mais de rappeler que, à des niveaux de réalisation inférieurs, la
fête a comme premier but de marquer un territoire et un temps par des provocat
ions calculées. À Chemillé, en 1880, « en dépit du conseil municipal et d'un cer
tain nombre d'habitants la fête nationale a été annoncée la veille par une retraite »
qui investit ainsi les rues de la petite ville et attire l'attention.
Le dérangement peut être rudimentaire, mais il est toujours significatif, lorsque
les bâtiments publics sont illuminés à Segré en 1880, alors que tout l'environne
ment est radicalement hostile à la République et que cette illumination est la seule
marque qui identifie la journée. S'il ne s'agit là que d'une intervention extrêmemodeste, elle n'en est que plus remarquée et remarquable, correspondant à
une volonté de rupture politique et symbolique. Au-dessus de ce degré zéro de la
fête, l'étape suivante est la production de bruits festifs. Ainsi en 1880 à
Champtoceaux d'une part des verres de couleurs sont disposés sur la mairie pour
composer les lettres RF, d'autre part, une quinzaine déjeunes gens se sont retrou
vés le soir pour chanter des chansons patriotiques. Ensuite, si l'on en croit le rap
port adressé au préfet, « les assistants après avoir pris des rafraîchissements en
souvenirs des défenseurs de 1789 se sont rendus à leur demeure avec une sagesse
qui mérite d'être signalée », preuve malgré tout de la discrétion sans doute invo
lontaire de ces valeureux républicains, rendant leur localité au silence. De façon
proche, à Brain-sur-Authion, on se contente de signaler que des chansons patrio
tiques ont retenti jusqu'à minuit, mais aux Alleuds,

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