Les Mongols du XIIIe siècle et le Slovo o polku Igoreve - article ; n°1 ; vol.7, pg 37-57
22 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les Mongols du XIIIe siècle et le Slovo o polku Igoreve - article ; n°1 ; vol.7, pg 37-57

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1966 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 37-57
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

L. N. Gumilev
Les Mongols du XIIIe siècle et le Slovo o polku Igoreve
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 7 N°1. Janvier-Mars 1996. pp. 37-57.
Citer ce document / Cite this document :
Gumilev L. N. Les Mongols du XIIIe siècle et le Slovo o polku Igoreve. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 7 N°1.
Janvier-Mars 1996. pp. 37-57.
doi : 10.3406/cmr.1966.1649
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1966_num_7_1_1649MONGOLS DU XIIIe SIÈCLE LES
ET LE SLOVO O POLKU IGOREVE
Les relations entre les tribus slaves sédentaires et les nomades
de langue turque, du xe au xve siècle, sont loin d'avoir été étudiées
d'une manière satisfaisante. L'opinion la plus répandue, selon laquelle
l'Asie était « un volcan éructant des hommes » (N. V. Gogol') et la
Russie, le « bouclier de l'Europe », assurant à cette dernière une « pros
périté sans nuages », ne résiste pas à un examen plus approfondi. En
effet, les relations entre les Russes, les Petchénègues et les Polovtsiens
ont subi une longue évolution et se sont souvent diamétralement
modifiées. Les nomades, d'autre part, ne représentaient pas une masse
uniforme, avide de pillage et de meurtre. Tantôt les unes, tantôt les
autres de ces tribus jouaient le rôle d'alliés des princes russes au cours
des guerres avec Byzance, la Pologne, la Hongrie, et même avec
l'Ordre Teutonique. C'est ainsi que l'opinion qui prédomine aujour
d'hui ne se fonde pas sur l'histoire réelle, mais sur quelques documents
littéraires admis sans esprit critique. Parmi ces documents le Slovo
o polku Igoreve tient la première place.
Dès l'instant où il fut tiré de l'oubli, le Slovo suscita des discussions.
Deux points de vue se sont opposés : i° le Slovo est un document du
xne siècle, composé par un contemporain des événements de 1187 ;
2° le Slovo est un faux du xviie-xvine siècle (variante : du xve-xvie siè
cle), basé sur les Annales d'Ipat'ev. En 1962 paraissait encore un
ouvrage se rattachant à la première interprétation1 ; cette publication
montre, à elle seule, que, même admise l'ancienneté du document,
sa datation précise fait encore problème. Il nous paraît difficilement
contestable que la ZadonŠčina, œuvre datée avec sûreté, contienne des
éléments empruntés au Slovo et que, par conséquent, ce dernier soit
antérieur à la bataille de Kulikovo. Mais le fait que l'on puisse conti-
1. Slovo o polku Igoreve, pamjatnik XII v. (Le Slovo d'Igor, document du
XIIe siècle), Moscou-Leningrad, Akademija Nauk, 1962. 38 L. N. GUMILEV
nuer à discuter sur ce sujet montre que la date de 1187 suscite des
doutes. C'est pourquoi nous nous proposons dans notre article d'ap
porter quelques éléments nouveaux au problème et de l'envisager sous
un nouvel aspect.
Pour ne pas répéter les conclusions de nos prédécesseurs nous accep
tons pour base le commentaire exhaustif de D. S. Lihačev1, à l'excep
tion des cas où il laisse la question en suspens. Mais nous envisageons
le problème sous un autre aspect et considérons le document du point
de vue de la vraisemblance des événements qui y sont décrits. En
d'autres termes, nous voulons placer le récit de la campagne du prince
Igor sur le canevas de l'Histoire, en tenant compte de la situation
qui s'était formée dans les steppes de la Mongolie et du DeŠt-i Qipčaq.
Nous partons enfin de la considération que toute œuvre littéraire est
écrite à un moment déterminé pour une raison déterminée et s'adresse
à des lecteurs qu'elle doit convaincre de quelque chose. Si nous réussis
sons à comprendre pour qui et pour quoi l'œuvre qui nous intéresse
a été écrite, nous pourrons, par un processus inverse, trouver ce moment
unique qui correspond au contenu et à l'orientation de l'œuvre. Vu
sous cet aspect, il importe peu de savoir si nous avons affaire à une
invention ou à un événement réel passé par le prisme de la pensée
créatrice de l'auteur.
Le Slovo
On admet, en général, que le Slovo est une œuvre patriotique,
écrite en 1187 (p. 249) 2, qui appelle les princes russes à l'union (p. 252)
et à la lutte contre les Polovtsiens — représentants de la civilisation
nomade, étrangère à la Russie. On suppose également que cet appel
« parvint... à ceux auxquels il était destiné », c'est-à-dire les princes
des udel qui formèrent, en 1197, une coalition anti-polovtsienne
(pp. 267-268). C'est, en effet, ce qui ressort de la lecture du Slovo;
et ceci fait apparaître cette conception comme étant la seule valable ;
mais si l'on considère le document sous un autre aspect, de l'extérieur,
des doutes surgissent aussitôt.
En premier lieu, le choix du sujet est étrange. La campagne d'Igor
Svjatoslavovič avait été un modèle de légèreté et d'irresponsabilité.
En 1180, Igor est encore en alliance étroite avec les Polovtsiens ;
en 1184, il évite de participer à une campagne contre eux — bien
que cette campagne soit menée par son cousin Ol'govic, Svjatoslav
Vsevolodovič. Et voilà qu'il se lance, de but en blanc, avec des
1. Slovo o polku Igoreve, Moscou-Leningrad, Akademija Nauk, 1950, pp. 352-
368.
2. Les pages entre parenthèses se réfèrent à l'édition précitée du Slovo. LES MONGOLS ET LE SLOVO D'iGOR 39
forces infimes, à la conquête de la principauté de Tmutarakan, c'est-
à-dire de toutes les steppes jusqu'à la mer Noire et la mer Caspienne
(pp. 243-244) ; et l'on nous fait remarquer qu'il ne coordonne pas son
action avec celle des princes de Kiev. Il est tout à fait naturel qu'une
entreprise aussi folle se soit terminée par une catastrophe, mais quand
le responsable des calamités se sauve et va à Kiev prier « la Vierge de
Pirogošča » (p. 31), le pays entier, au lieu de s'indigner, se réjouit et
jubile. On se demande bien pourquoi ! D'ailleurs, l'auteur lui-même
ressent cette incongruité, lui qui commence son œuvre par la question :
« Ne nous siérait-il point, frères, de commencer avec les paroles d'autref
ois la geste ardue de l'histoire d'Igor, fils de Svjatoslav ? » Cette
introduction semble préparer les lecteurs auxquels il s'adresse et qu'il
appelle « frères » à entendre quelque chose de vraiment important, et
non un simple récit d'une bataille malheureuse, sans aucune signif
ication militaire et politique. S'il en est ainsi, il faut supposer que le
but du Slovo est purement didactique, et que le fait historique n'est
qu'un prétexte utilisé par l'auteur pour mettre en avant ses idées.
L'historicisme de la littérature russe ancienne, qui n'admettait pas de
sujets inventés, a été remarqué par D. S. Lihačev (p. 240) et nous ne
devons pas nous étonner de trouver un fait réel à la base d'une œuvre
didactique. Mais dans ce cas, ce qui importe dans le récit n'est pas
l'événement qu'il décrit, mais les conclusions que l'on peut en tirer,
c'est-à-dire l'allusion à quelque chose de tout à fait explicite pour
les « frères » ; mais aussi à que l'on doit démontrer, sinon
à quoi bon écrire une œuvre aussi réfléchie. Pour nous, lecteurs du
xxe siècle, cette allusion est tout à fait obscure, car en 11 13 Vladimir
Monomaque avait lancé l'appel à la guerre contre les Polovtsiens d'une
manière très simple, le peuple et les princes l'avaient compris sans dif
ficulté, et c'était devenu un truisme. En revanche, à la fin du xne siè
cle, ce truisme n'était plus d'actualité, car il était évident que la Russie
était plus forte que la steppe polovtsienne. A cette époque, les Polovt
siens se convertissaient, prenaient part aux discordes entre les princes
au moins autant que les Rurikides. Faire appel, à ce moment, à une
mobilisation générale, est tout simplement absurde ; et qui plus est,
Г « appel » lui-même, sur le plan rétrospectif, suscite des doutes non
moindres.
On aurait pu s'attendre à ce que l'auteur du Slovo eût une attitude
négative à l'égard des princes russes appelant des étrangers en Russie.
Au début du Slov

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents