Les nouveaux problèmes de l'État libanais - article ; n°2 ; vol.4, pg 326-356

Pierre Rondot

Description

Revue française de science politique - Année 1954 - Volume 4 - Numéro 2 - Pages 326-356
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié le: 01 janvier 1954
• Nombre de lectures: 31
• Langue: Français
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Extrait

Monsieur Pierre Rondot
Les nouveaux problèmes de l'État libanais
In: Revue française de science politique, 4e année, n°2, 1954. pp. 326-356.
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Rondot Pierre. Les nouveaux problèmes de l'État libanais. In: Revue française de science politique, 4e année, n°2, 1954. pp.
326-356.
doi : 10.3406/rfsp.1954.452650
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1954_num_4_2_452650'
,
Nouveaux Problèmes de l'Etat Libanais Les
PIERRE RONDOT
ÎA structure, communautaire et teintée de féodallssie, des insti-
tutions politiques du Liban, que nous avons tenté de décrire
ici-même *, paraît à bien des égards désuète, en un pays où
l'essor culturel et revolution sociale des élites sont si avancés. Aussi
ne saurait-on s'étonner de voir à î 'œuvre, dans îe Liban d'aujourd
'hui, des forces nouvelles ou novatrices qui tendent à modifier
îe statu quo. C'est la nature et l'action de telles forces que nous
nous proposons d'étudier ici.
I
INSERTION DES ELEMENTS NEGLIGES DU « PAYS RIEL »
Communautés et pseudo-féodalités, assises importantes, mais
non exclusives, de la réalité sociale libanaise, constituent à elles
seules presque tout le « pays légal ». Aussi n'ont-elles laissé s'ex
primer qu'à peine, ou indirectement, ou très tardivement, les autres
éléments du « pays réel ». L'étude des plus remarquables de ces « hors du jeu » : milieux professionnels, femmes, émigrés,
jeunesse, montrera leur ascension vers les qualifications politiques,
lente mais constante, et assurément capable de modifier., tôt ou tard,
la physionomie du « pays légal ».
A»- Les mlll®«x profsssîennsls
L'idée de faire entrer les « professions » dans la structure
politique a été lancée de longue date au Liban par des intellectuels
1. Numéro 1, janvier-mars 1954, pp. 80-104.
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Nouveaux Problèmes de l'Etat Libanais
inspirés de précédents occidentaux 2. La prépondérance politique,
depuis longtemps affirmée, des communautés et des féodaux, îa
méfiance générale envers le syndicalisme, la dispersion des orga
nisations professionnelles elles-mêmes, paraissent avoir longtemps
constitué les raisons principales de l'insuccès de pareils projets,
Mais ceux-ci continuent d'être périodiquement formulés ; l'Asso
ciation des Commerçants de Beyrouth propose encore» le 16 sep
tembre 1953, la transformation de la Chambre de Commerce et
d'Industrie en un « véritable parlement économique » recruté par
voie élective s.
Cependant, sans avoir reçu de place définie dans les structures
de l'Etat, les intérêts économiques et professionnels s'expriment sur
le plan politique, de façon diverse, indirecte, mais souvent efficace.
Par exemple, la corporation des chauffeurs de taxis, comme dans
la plupart des pays d'Orient, constitue une force de mouvement
toujours aisément mobilisée ; le barreau prend parfois une position
d'ensemble, comme lors de sa longue grève de 1952 à l'occasion
du projet de réforme du statut personnel ; les organismes écono
miques libanais tentent souvent de faire valoir leur opinion sur
l'orientation politique, et c'est ainsi que dans un mémoire remis au
chef de l'Etat le 11 février 1954, ils demandent à être consultés
sur la législation financière, fiscale et douanière, suggèrent le ren
forcement des services techniques, recommandent « îa réorganisat
ion des rapports économiques entre le Liban et la Syrie sur la
base de l'union » sous certaines réserves 4, La grève, « telle qu'elle
se pratique depuis trente ans dans les mœurs politiques libanaises ».
remarque un pubîiciste pénétrant, M. Georges Naccache, « est
d'abord une fermeture de îa ville. Elle est une grève de marchands,
d'artisans ... Elle est boutiquière, ... elle exprime le sentiment du
souk » 5 ; et l'on sait que ce moyen d'action peut avoir grande
portée : « La grève des souks, assure un peu plus tard l'édito
rialiste du même quotidien, c'est, au moins, la fin du gouverne
ment » 6.
2. Nous nous permettons de renvoyer à notre étude sur « Les Organisations
professionnelles et les Plans de réforme politique au Liban, 1920-1939 »f que
doivent publier prochainement les Annales de la Faculté de Droit de Beyrouth.
3. L'Orient 17 ocî. 1953.
4. Ibid., 12.fév. 1954.
5. G.N., l'Orient 18 oct Î953. — L'auteur remarque justement, à cette
occasion, que ce n'est pg$ là toute la nation, mais souligne qu'en l'occurrence
le souk s'est sagement refusé à une manifestation qui a paru pm. clairement
fondée.
6. L'Orient 2 déc. 1953.
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Enfin, dans l'emporinm de Beyrouth devenu capitale, les rela
tions personnelles entre hommes d'affaires, parlementaires et dir
igeants politiques et la juxtaposition habituelle de leurs points de
vue exercent sur la chose publique une influence discrète, mais
profonde. Non seulement le libéralisme économique, mais une cer
taine souplesse administrative et fiscale, l'absence « d'un forma
lisme excessif, d'un contrôle trop rigoureux », trouvent là leur
origine et leur explication, comme l'expose un homme d'affaires
doublé d'un lettré, M. Michel Chiha : « L'obligation où nous
sommes de faire de la rapidité dans la décision ou de l'audace
dans l'entreprise le premier facteur du succès nous rend désagréable
le formalisme ... L'ingéniosité de l'homme du Proche-Orient est
un élément fondamental de son actif, une partie consistante de son
capital, et cette ingéniosité ne devient efficace qu'en dehors ou
au-dessus des réglementations et des contraintes ... Un budget liba
nais raisonnable fera d'abord la vie commode à ceux qui, pour
l'alimenter, doivent se livrer à d'incroyables acrobaties » 7. C'est
dans la mesure où le régime et l'administration satisfont ainsi à
ces exigences qu'ils font discrètement, mais non sans susciter les
critiques d'une opposition soucieuse de plus de clarté et de rigueur,
leur part à cette portion du « pays réel ».
Il faut admettre en effet que beaucoup d'impulsions, qui reten
tissent sur l'Etat, sont d'ordre économique. Les abondants envois
de fonds des émigrés accroissent l'importance de cette partie de la
nation ; l'attrait du marché de Syrie contribue à soutenir, à Tripoli,
les mouvements d'opinion musulmane, mais également commerciale,
favorables à un rapprochement ou une union avec ce pays ; les
sentiments entretenus par les campagnes contre les sociétés conces
sionnaires étrangères passionnent les luttes politiques et peuvent
influer plus ou moins directement sur le résultat d'un scrutin : cela
paraît avoir été le cas, par exemple, lors du succès électoral de
M. Abdallah el Hajj, candidat chiite aux élections législatives de
juillet 1953, qui put de la sorte triompher à Beyrouth d'adver
saires très bien placés.
Dans le Liban moderne se juxtaposent et se compénètrent une
montagne, armature morale et foyer politique de la nation, et une
ville, centre commercial de portée mondiale et capitale parlement
aire et gouvernementale ; isolés, le premier de ces éléments ferait
7. Michel Chiha, Le Liban dans le monde : perspectives d'avenir, Confé
rence faite à Beyrouth, décembre 1951. Brochure hors commerce, 28 p., s.d.
(1952), pp. 11-12.
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songer aux cantons suisses, le second à une République marchande
à îa manière de l'antique Venise ; faute d'une analyse sociologique
suffisamment approfondie, qui manque encore, c'est par intuition et
tâtonnements empiriques que les institutions s'adaptent à ce comp
lexe, dont certains composants se plaignent parfois d'être négligés.
B. Les femmes
Depuis un quart de siècle, comme on pouvait s'y attendre,
les Libanaises ont été à lavant-garde des mouvements féministes
dans les pays arabes. Leur campagne pour l'égalité civique, appuyée
sur une évolution sociale ind