Les paysans dans la littérature soviétique post-stalinienne - article ; n°2 ; vol.5, pg 145-158
15 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les paysans dans la littérature soviétique post-stalinienne - article ; n°2 ; vol.5, pg 145-158

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
15 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers du monde russe et soviétique - Année 1964 - Volume 5 - Numéro 2 - Pages 145-158
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

A. Nove
Les paysans dans la littérature soviétique post-stalinienne
In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 5 N°2. Avril-juin 194. pp. 145-158.
Citer ce document / Cite this document :
Nove A. Les paysans dans la littérature soviétique post-stalinienne. In: Cahiers du monde russe et soviétique. Vol. 5 N°2. Avril-
juin 194. pp. 145-158.
doi : 10.3406/cmr.1964.1577
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/cmr_0008-0160_1964_num_5_2_1577ÉTUDES
LES PAYSANS DANS LA LITTÉRATURE
SOVIÉTIQUE POST-STALINIENNE
La littérature et les paysans
« On avait l'impression que les écrivains se livraient entre eux à
une véritable compétition : lequel donnerait la description la plus
suave et la plus artificielle de l'évolution d'un kolkhoz passant de
l'état de bonheur incomplet à la perfection finale. » C'est en ces termes
qu'en 1954 F. Abramov1 fustigeait la littérature relative aux paysans
parue au cours des dernières années de la vie de Staline. Il y eut, en
fait, peu d'exceptions. Galina Nikolaeva, dans son roman La Moisson
(Žatva), mit le doigt sur la réalité2 ; et Valentin Ovečkin, dans son
ouvrage Une journée de travail au district (Rajonnye Budni), publié
dans le Novyj Mir de septembre 1952, fut étonnamment percutant. Ce
ne furent cependant que des exceptions pour confirmer la règle. Dans
l'ensemble, on voyait se développer un contraste de plus en plus
frappant entre l'état déplorable de l'agriculture et les histoires radieuses
chères aux censeurs soviétiques. Le contraste était encore plus grand
entre le comportement réel des ruraux et le portrait qui en était fait
dans la presse. En réaction logique, la période post-stalinienne est
l'une de celles où l'on vit l'aspect le moins séduisant de la réalité
s'exprimer de plus en plus dans la littérature ; autrement dit le rapport
entre la littérature et la réalité devenait plus étroit. Certes, la réalité
elle-même changeait, et, par comparaison, le changement amenait une
nette amélioration. Personne ne peut douter que le paysan soviétique
soit, dans l'ensemble, sensiblement plus à l'aise en 1963 qu'en 1953.
Par contraste, la littérature, elle, est devenue infiniment plus critique
et s'en prend en des termes non dépourvus de vigueur à toutes les
1. 0 Le paysan kolkhozien dans la prose d'après-guerre », Novyj Mir, avril
1954-
2. Galina Nikolaeva se plaignit, par la suite, avec amertume de ce que la
censure avait coupé presque tous les passages où elle se permettait de critiquer. I46 A. NOVE
sortes d'abus. Il est donc nécessaire de se garder de considérer l'abon
dance croissante des éléments de critique comme une preuve de ce
que les maux qui font l'objet de cette critique vont eux-mêmes en
s'am pli fiant. Dans les conditions soviétiques, la relation est même
souvent inverse : lorsqu'une critique se fait jour dans la presse, il faut
en déduire qu'une action va être tentée en vue de porter remède aux
inconvénients qu'elle a dénoncés. Pour prendre un exemple, il eût été
difficile de trouver mention des mauvaises conditions d'habitat pen
dant les dernières années de la vie de Staline (en fait, même, le dicta
teur annonçait en 1948 : « II n'y a plus de taudis dans Moscou ! »). Ce
ne fut qu'après la mise en chantier d'un vaste programme de construc
tion qu'on put se permettre la franchise en la matière. Ceci étant
entendu, la liberté littéraire accordée désormais aux écrivains et aux
éditeurs en général passa par toute une série de hauts et de bas (mais
surtout de hauts) et, naturellement, ce facteur fut favorable à ceux
des écrivains russes qui attendaient de pouvoir exprimer dans leurs
œuvres les idées réelles, les doléances, et les conditions d'existence de
la population paysanne.
Lorsqu'on procède à l'analyse d'œuvres qui ont pour sujet le village,
il est nécessaire de faire une distinction entre les ouvrages que l'on
peut identifier à la version officielle de la vie rurale et ceux qui, au
contraire, s'efforcent d'exprimer l'attitude réelle des paysans et de
voir les choses du point de vue du paysan. Parmi les auteurs de la
première catégorie, nous trouvons Valentin Ovečkin, qui, sans perdre
complètement de vue l'intérêt du paysan, se préoccupe davantage,
néanmoins, du personnage que représente le secrétaire du Parti à
l'échelon rural, et de ses méthodes de travail. Il n'est pas pour autant
dithyrambique et dénonce aussi bien la grossièreté des ignares qui
trop souvent dirigeaient la politique du Parti au village, que les
méthodes bureaucratiques des autorités. Voici, par exemple, extraites
d'un de ses récits, quelques lignes qui furent reproduites dans la Pravda
(9 janvier 1954), et qui en disent long sur la « démocratie au kolkhoz »
et « l'élection » d'un président : « II était presque d'usage que, vers la
fin de décembre, avant les réunions électorales du kolkhoz, la section
locale du Parti ou le secrétaire du Soviet, reçoivent un coup de tél
éphone des autorités du district : ' Dans ces élections, vous n'êtes
autorisés à remplacer que trois présidents de kolkhoz. ' Si les chargés
de pouvoir locaux objectaient : ' Que faut-il faire avec les présidents
qui ne donnent pas satisfaction dans les autres kolkhozes ? ', on leur
répondait : ' Pas de précipitation, camarade, n'oubliez pas que les
semailles et la moisson sont encore à venir. ' Autrement dit, on se
réservait des présidents incapables, qu'on laissait délibérément à leur
poste en attendant, et de la sorte, on disposait d'un ' quota ' dont il
serait possible de requérir la démission à titre de sanction, pour une PAYSANS SOVIÉTIQUES I47
chute éventuelle du rendement des semailles ou des récoltes ou pour
une entorse faite au plan de livraison de grains. » Dans le même
article, un peu plus loin, il raconte comment les paysans eurent l'audace
de battre en brèche un candidat impopulaire et incapable proposé par
le Parti pour la présidence du kolkhoz. A la suite de cet événement,
le procureur local reçut un blâme « pour son inaptitude à exécuter les
décisions du Comité du Parti... ». Dans une autre histoire, l'auteur
nous raconte le cas d'un chargé de pouvoir local, qui, en raison d'un
printemps très tardif cette année-là, avait considéré que l'on aurait
le temps de ne faire qu'un seul labourage ; il fut poursuivi pour
insubordination criminelle, car les règlements spécifiaient qu'il devait
être fait deux labourages. Fort heureusement pour celui-ci le procureur
local ne fit pas diligence et la moisson s'avéra excellente. On considéra
donc plus commode de laisser tomber l'affaire1. Ovečkin aborda des
questions de cet ordre à plusieurs reprises, convaincu que les paysans,
aussi bien, d'ailleurs, que l'organisation des affaires locales, n'étaient
pas traités comme ils devaient l'être. On a prétendu (l'authenticité de
cette rumeur n'est pas établie) qu'Oveckin s'attira de la sorte pas mal
d'ennuis. Il a certainement gardé le silence ces dernières années.
Il faut voir en I. Vinničenko un critique nettement plus « officiel »
de la vie au village. Ainsi, il condamna avec énergie un certain nombre
d'abus que suscitait la coexistence difficile entre les kolkhozes et les
centres d'utilisation des tracteurs2, et sa critique fut rapidement suivie
d'effet. Les centres de tracteurs furent supprimés. Il n'est nullement
absurde de considérer que les petites pièces littéraires écrites par
Vinničenko ont en quelque sorte constitué un des éléments de la pré
paration de cette réforme. Par contre, le paysan en tant que tel joue
un rôle assez effacé dans son œuvre. Le cas de Vinničenko, toutefois,
est exceptionnel. Dans l'ensemble, les autres écrivains ne peuvent à
aucun point de vue être considérés comme les écrans d'hommes poli
tiques, quand bien même ils auraient à certaines occasions reflété la
politique officielle ou se seraient conformés à un silence de rigueur
sur certaines questions délicates. Tout à leur créd

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents